Nous recevons régulièrement des remarques soit en direct soit dans les commentaires du blog, mais rarement des textes longs et construits, quelques fois seulement. Cette fois, nous vous le proposons in extenso car il renvoie à notre propre expérience de client du marché, plutôt de cliente d'ailleurs du samedi.
Voici donc le témoignage brute et sans photo, car nous n'étions pas sur place, cette fois-ci.
Au début, c’est à dire à l’entrée par le barreau Patin, un sentiment de satisfaction, voir de bien-être (!), me saisit, un espace dégagé s’offre à moi…. et aux abords de la quincaillerie qui fait l’angle, côté 10e, quatre uniformes bleus qui demandent à un étal au sol de remballer. Il remballe en maugréant. Bon point.
Je longe à grands pas l’arrière des stands, le chemin est dégagé. Au milieu, à peu près à la hauteur des piliers du viaduc, je regagne l’allée centrale. Un bouchon comme il s’en produit régulièrement à cause des cageots des vendeurs d’herbes étrangle le passage. Je rattrape les agents de la Ville de Paris (note AB : DPSP, Circo nord) qui entre temps sont passés sur l’allée extérieure côté 10e, et leur suggère qu’ils feraient bien de dégager le gars, ses herbes et ses cageots, bref l'allée un peu plus haut. Je ne les blâme pas, et je le leur dis tout de suite, parce que demander vingt fois aux mêmes types de dégager, de les voir déplacer les cageots, danser d’un pied sur l’autre en attendant que les uniformes tournent le dos, puis revenir au même endroit, quand on n’a pas même encore quitté les lieux est éprouvant. D’autant que les hommes qui vendent les herbes sont évidemment les dernières roues du carrosse, qu’ils sont sans doute approvisionnés par des fournisseurs communs, et que ce qu’ils gagnent en 4 ou 5 heures de marché ne doit pas suffire à nourrir une famille ! Les agents de la Ville ne sont pas des redresseurs de tort non plus, ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’on leur donne, et parfois, aussi, ils baissent les bras en faisant la ronde par l’extérieur.
A part des champignons et quatre courgettes achetés, je n’en étais qu’au début. Pour éviter le noeud gordien de l’allée centrale, je repasse — comme les agents de la Ville — sur l’arrière. Je tombe sur une palette pleine aux deux tiers de cageots de poireaux pourris. Je ne dis pas passés, avec quelques feuilles jaunies, non, pourris. Proprement invendables. Ils n’auraient même pas dus arriver jusqu’à un marché de détail. Curieuse d’en savoir plus sur ces denrées « avancées », je me suis rapprochée d’un imposant et bruyant patron de stand, qui peu de temps avant expliquait à trois collègues attentifs à ses propos, que finalement la RATP ferait ses travaux de réfection du viaduc par tranches, et que le marché n’aurait pas à se déplacer…. Il paraissait s’en réjouir ostensiblement. En effet, le marché ne bougera pas, et nous sommes certainement nombreux à le regretter. La pression exercée par les marchands a été plus forte que les nécessités d’entretien de la RATP pour son patrimoine. Mais revenons aux poireaux.
Après quelques formules outrancières et misogynes d’entrée en matière, le gros homme m’a demandé si je savais ce qu’était un coup de chaud ! Ses beaux poireaux avaient eu chaud dans le camion….. oui…. ça doit être ça, un coup de lune pendant la nuit ! Et de m’en montrer de plus beaux, plus gros aussi, plus frais, qui eux avaient des vertus….. pas aphrodisiaques, non, plus prosaïques que cela. Je vous laisse imaginer. Le type était d’une grossièreté sans limite, devant ses acolytes réjouis de la bonne plaisanterie. Tous n'ont pas encore saisis que les propos à caractère sexuel vis-à-vis des femmes (ou des hommes d'ailleurs !) n'ont plus leur place. Passons.
Est-ce bien cela être « populaire » ? Vendre à des populations modestes des produits semi-avariés, qui ont du mal à arriver aux domiciles de l’acheteur dans un état mangeable ? Je doute que ces patrons commerçants alimentent leur famille avec les produits qu’ils cherchent à vendre ici. Mais sans doute est-ce assez bon pour tous ces pauvres, venus du monde entier, travailler dur et tirer le diable par la queue ! D’année en année, on voit de moins en moins d’acheteurs-acheteuses du quartier, le père ou mère de famille classique, soucieux d'acheter ses fruits et légumes au marché. La tradition parisienne qui sent aussi un peu la province. Le marché a changé d'allure et de clientèle. Il suffit de prendre un des bus qui passent par le carrefour Barbès ou le métro pour voir que les acheteurs sont nombreux à venir de loin, alors qu'un marché alimentaire défend le commerce de proximité, normalement.