Si on en juge par le nombre de personnes présentes dimanche après midi sur la nouvelle place de la République inaugurée le matin même par les autorités parisiennes, c’est un succès !
Décidé en 2008 par le Conseil de Paris, le réaménagement aura pris 5 ans pour se réaliser dont 18 mois de travaux et aura coûté la bagatelle de 24 millions d’€.
Une longue promenade sur la place en ce dimanche ensoleillé nous a permis de bien regarder les choses et de vous donner nos impressions.
La presse, notamment Le Parisien et Libération, a beaucoup insisté sur l’espace récupéré sur les voitures par les piétons, relayant en cela la communication toujours très au point de la Ville de Paris.
Si l’argument n’est pas faux, c’est aussi limiter l’approche de ce réaménagement car donner de l’espace aux piétons est certes nécessaire mais sûrement pas suffisant, encore faut-il occuper cet espace. La restructuration de la place comporte des aménagements qui vont sans aucun doute attirer du monde, notamment les enfants : miroir d’eau / brumisateur aux jeux sans fin, fontaine autour de la statue de la République où les enfants peuvent barboter et surtout jeux divers puisque la Ville a créé ce qu’elle appelle « L’R des jeux, espace de loisirs pour petits et grands » nous dit la publicité. Un kiosque sera ouvert et on pourra y emprunter des jeux et ce presque tous les jours de la semaine en été – voir les informations ici. Si on y ajoute l’ouverture prochaine d’un café avec une grande terrasse, nul doute que l’espace récupéré sur les voitures sera occupé, ce dont personne ne se plaindra.
Jeux d'enfants sur le miroir d'eau
Les enfants barbotent au pied de la République
Côté voiture justement, la situation ne semble pas être aussi catastrophique que les automobilistes veulent bien le dire. L’espace réservé au trafic voitures et bus reste important : pas moins de deux voies dans chaque sens pour les voitures et des couloirs réservés aux autobus en plus. Beaucoup moins de croisements de flux d’automobiles avec une régulation sans doute étudiée spécialement, tout cela ne devrait pas conduire au cataclysme prédit par les inconditionnels de la voiture.
Et même de la place pour les automobilistes !
Mais au fait, comment se présente-t-elle cette place ? Si on la regarde dans son ensemble, c’est une grande dalle minérale, légèrement inclinée dans ses parties Nord et Sud, plantée d’arbres dont certains ont manifestement souffert des travaux, ponctuée de quelques marches pour tenir compte de la déclivité, rythmée par la présence de la statue bien rénovée de la République et des bouches de métro, en attendant l’ouverture du café côté boulevards de Magenta / Saint Martin. Un mobilier urbain nouveau (mats supportant l’éclairage et bancs en chêne) discret et sans grand intérêt. Rien d’exceptionnel donc. On peut même lui reprocher cet aspect trop minéral et le manque de verdure. Les journées d’été ensoleillées seront difficiles à supporter au milieu de la place.
Un banc nouveau style - 24 ont été installés sur la place
Ce réaménagement de la place de la République est en droite ligne avec la politique suivie par Bertrand Delanoë depuis son arrivée à la mairie de Paris : toujours un côté prestigieux dans les réaménagements et un clair dédain des questions patrimoniales.
Contrairement à ce qui se fait à l’échelon des arrondissements, les grands projets de réaménagement pilotés par l’Hôtel de Ville visent à être des réalisations de prestige et pour cela coûtent fort cher. Que ce soit le « 104 » (100 millions d’€), la Gaité Lyrique (20 millions d’€), le Louxor (30 millions), les grands projets sont chers et « en jettent » pour parler un peu vulgairement. Ici, le budget initial de 17.5 millions d'€ est passé à 24 pour la réalisation de la nouvelle place.
A l’opposé, rien que dans notre environnement proche, les réaménagements de l’Espace de la Ferme Saint Lazare dans le 10e avec son gymnase juste ouvert et sa médiathèque en cours de réalisation ou bien celui de la place Saint Georges où la simplicité a prévalu, sont en parfaite opposition avec le côté "prestige" des grands projets. Dans ce registre, on pourrait ajouter le projet des Halles et de sa fameuse canopée, celui de l’extension de Roland Garros, celui de la tour Triangle, et bien d’autres, tous projets qui peuvent certes satisfaire l’ego du maire de Paris.
Avec de beaux discours et quelques acrobaties linguistiques, la mairie de Paris veut nous faire croire qu’elle est un défenseur pur et dur du patrimoine. Hélas, nombre de projets entrepris par la Ville nous montrent le contraire. Le sort réservé aux avis de la Commission du Vieux Paris également. Le réaménagement de la place de la République en est un très bon exemple. En fait pour reprendre une phrase bien connue, la Ville a fait du passé de la place de la République table rase. L’ancien ensemble architectural de la place était très homogène avec la statue de la République en son centre et deux squares arborés avec des fontaines en leur centre. La Ville a justifié son choix en prétextant le mauvais état de ces équipements alors qu’elle en était elle même responsable. Les mauvais esprits se posent des questions. Beaucoup de spécialistes ont dit que la place telle que construite à la fin du 19e siècle était un travail urbanistique de qualité qui a ponctué l’histoire de Paris tout au long du 20e siècle et un bon représentant de ce qui se faisait à l’époque. Sans adhérer entièrement aux propos de l’article paru en 2011 dans La Tribune de l’Art, celui-ci pose les bonnes questions.
Loin de nous de penser qu’on ne peut toucher à rien. La ville vit, elle doit changer. Mais pourquoi les autorités politiques d’une part, les créateurs de l’autre, n’arrivent-ils pas à trouver un équilibre permettant d’associer modernité et préservation du patrimoine ?
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Le site dédié par la Ville de Paris au projet : Place de la Républqiue 2013
Commentaires
Bonjour, votre article est très intéressant, mais moins virulent que Le Figaro:
http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2013/06/19/03015-20130619ARTFIG00476-la-place-de-la-republique-defiguree.php
Et il semblerait que vous vous soyez donné le mot, étant donné la coïncidence des calendriers de vos publications respectives... En tout cas, il est intéressant de lire des points de vue différents et des opinions un peu plus critiques. C'est ce qui fait la richesse de vos articles! Bien cordialement.
@Henri : c'est faire beaucoup d'honneur ou alors faire preuve de beaucoup de cynisme à Action Barbes de croire que la publication des articles a été coordonnée.Non, rien de cela à mon avis.
Mais les objections, les critiques, certes sous-tendues par des questions purement politiciennes du Figaro, ne sont pas sans intérêt.
bonjour,
ah! "c'était tellement mieux avant" ! Mais le monde bouge, la vie appelle le renouvellement, et les nouvelles pierres d'aujourd'hui seront les vieilles pierres de demain. Cessons avec le conservatisme.
@beauvisage : puis-je vous dire que vous n'y êtes pas ! Il ne s'agit pas de sanctuariser les choses, il ne s'agit pas de nostalgie, il s'agit de définir ce qui a de l'intérêt et ce qui n'en a pas. Détruire, c'est effacer. A l'heure où chacun semble préoccupé de sa filiation, où chacun revendique ses origines, ne pas tenir compte de ce que nous avons dans notre patrimoine me semble être une démarche à la fois illogique et destructive d'avenir. Il y a une chanson sympa de Balavoine qui dit "pas de passé, pas d'avenir".
Excellent article, il pointe du doigt les limites de la "branchitude". La place aurait pu être moins minérale, conservant les squares agrandis et donc une partie du patrimoine. C'est dommage. En revanche, le nouveau mobilier est sympathique, les mâts d'éclairage sont assez élégants... Le pavage, façon damier, est très réussi. On verra si la circulation automobile sera apaisée ou non. Bref, globalement la réalisation est un gros progrès par rapport à la place de la République avant travaux.