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Dans le 10ème - Page 97

  • Un clin d'oeil !

    Philippe Comar est professeur à l'Ecole nationale supérieure des Beaux Arts de Paris. Il soutient notre action et a signé notre pétition. Il nous a également fait parvenir un petit dessin sous forme de clin d'oeil et qui résume assez bien les choses. Le voici :

     

    Camera Egyptica.jpg

    Camera Egyptica

     

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  • Le Louxor, c'est l'histoire du cinéma à Paris

    Se contenter d'affirmer que le Louxor est un des derniers témoins de l'histoire du cinéma est une bonne chose, mais regarder en détails la situation actuelle des salles de cinéma anciennes à Paris (construites avant la Seconde Guerre Mondiale) est encore mieux.

    Une liste des établissements établie en 2001 par l'Atelier Parisien d'Urbanisme (APUR) recoupée avec des informations un peu plus récentes comme celles données par le site Ciné-Façades nous donne une idée assez juste de la situation actuelle des salles anciennes à Paris. Vous trouverez cette liste agrémentée de quelques commentaires pour chaque lieu à la fin de cet article. Notez que cette liste ne prétend nullement à l'exhaustivité. Il y aurait eu plus de 2000 cinémas à Paris avant 1940 ! Les salles mentionnées sont celles remarquées par l'APUR et encore en place en 2001.

    Notons déjà que sur les 81 établissements recensés, seulement 7 sont encore en fonction, et encore faut-il y inclure Le Trianon boulevard de Rochechouart qui n'est pas exclusivement un cinéma ou encore La Madeleine qui ne l'est plus depuis longtemps ....

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  • Le Louxor en 1920 ?

     

    Louxor Ecran 1922_colorise web.jpg

    Photo intérieure de la Grande salle, avec vue sur le cadre de scène et l'écran,

    Source : La construction moderne, mars 1922

     

    Un travail minutieux de recherche et la technologie moderne nous permettent d'avoir une meilleure idée de la salle du Louxor à son origine. Cette image ne propose pas une reconstitution scrupuleuse des décors, elle est l'illustration de ce qui a existé, de ce qui est encore là et de ce qui risque d'être détruit pour laisser place à une copie. La colorisation, réalisée avec les trois dominantes de couleur originelles, a pour but de montrer l'ambiance et les espaces de l'intérieur du Louxor au début des années 20.

    La photo en noir et blanc a été colorisée à dessein, dans des teintes bleues, or et sépia, très présentes, afin de restituer l'atmosphère de la salle d'origine.

    Les bleus sont dans le rideau en trompe-l'œil dont les festons ourlent le haut de l'écran, mais également dans le haut soubassement en faux marbre qui habille tout le premier registre de la salle, dans tous les décors. Les ors sont dans le rideau en trompe l'oeil, dans les motifs décoratifs des ébrasements. La couleur sépia est déclinée dans les hiéroglyphes ainsi que dans les décors.

    En-dessous de l'écran, il faut noter la présence d'une fosse d'orchestre très originale, semi-enterrée, et d'un petit plateau d'avant-scène.

    A noter : actuellement tout est en place.

    L'image colorisée montre, de toute évidence, que cela met l'espace en valeur. Le principe de colorisation est néanmoins un principe ancien qui a ses limites.

     

  • Réponse à Philippe Pumain

    Philippe Pumain est l'architecte désigné par la Ville de Paris, en charge de la rénovation du Louxor. Il a accordé il y a quelques semaines une longue interview à l'association Les Amis du Louxor (qui, à l'inverse d'Action Barbès, défend le projet tel que prévu par la mairie de Paris). Beaucoup de non-dits, d'imprécisions, d'omissions nous ont incités à demander à des spécialistes de commenter cette interview. Nous avons donc rencontré à cet effet Agnès Cailliau, architecte du patrimoine, diplômée de l'école de Chaillot et de l'ICCROM (Centre International d'Etudes pour la Conservation et la Restauration des Biens Culturels), François Loyer, historien de l'architecture, ancien directeur de l'Ecole de Chaillot, et Stéphane Ricout, architecte DPLG, spécialiste de l'architecture des salles de spectacle.

    ACTION LOUXOR (AL) : François Loyer, Philippe Pumain dit dans l'interview qu'un architecte du patrimoine suit le projet avec lui. Et parle de "restauration patrimoniale" et de  "restitution". Quelque chose nous met mal à l'aise dans les termes employés tout comme la place occupée par cet architecte du patrimoine. Quel est votre sentiment ?

    François Loyer (FL) : il y a pas mal de non dits dans ce que déclare Philippe Pumain, à propos de l'architecte du patrimoine associé au projet. D'abord il omet de dire que la mission de cet architecte est strictement limitée aux zones du Louxor inscrites aux Monuments Historiques, à savoir les façades et le toit. On a l'impression qu'il utilise la présence de l'architecte du patrimoine comme une caution. ...

     

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  • PETITION : SAUVONS LE LOUXOR !

    Le cinéma Le Louxor sera-t-il  « façadisé » par la Mairie de Paris ?

    Au carrefour Barbès se situe Le Louxor (Henri Zipcy architecte, Amédée Tibéri décorateur, 1920-1921), célèbre pour sa décoration en mosaïque dans un goût égyptien Art déco qui n'est pas sans évoquer l'illustre film Cleopatra - premier des grands péplums, tourné à New-York par l'actrice Theda Bara en 1917.

    Longtemps abandonné, l'édifice a été racheté par la Mairie de Paris qui entend l'adapter aux standards contemporains en matière d'isolation phonique et de projection (selon le principe de la « boîte dans la boîte »). Prétendant assurer l'équilibre économique du projet, la Ville envisage de créer deux salles en  sous-sol (sans trop se soucier de la stabilité des fondations, dans un quartier miné par d'anciennes carrières de gypse). En imposant de détruire la totalité de la structure, ainsi que les espaces et les décors intérieurs pour n'en conserver que l'enveloppe (protégée au titre des Monuments Historiques), les options retenues conduisent à une redoutable opération de « façadisme », tel qu'on n'en fait plus depuis dix ans.

    Le programme choisi est directement en cause : un cinéma d'art et d'essai, composé de trois petites salles - là où il n'en existe aujourd'hui qu'une seule, beaucoup plus vaste. Conséquence de ce choix destructeur, ce n'est plus le cinéma des années vingt que nous retrouverons après travaux, mais son succédané à plus petite échelle. Une telle duperie n'est pas acceptable : le faux ne remplacera jamais le vrai. La sauvegarde de l'original serait à la fois moins coûteuse et plus satisfaisante que ce qu'on nous prépare.

    Le Louxor mérite plus que le triste sort qu'on lui réserve. D'abord pour son architecture : rare témoignage d'une typologie caractéristique des débuts du cinéma muet, il possède encore ses deux balcons superposés, exploitant un volume tout en longueur (dispositif nécessité à l'époque par les contraintes de la projection). Il a conservé son cadre de scène, son estrade, sa fosse d'orchestre, ainsi que l'emplacement de l'orgue électrique qui y avait été primitivement installé. Enfin, lors des travaux préalables à la démolition, son décor intérieur qu'on croyait disparu - notamment, à la naissance du plafond, une haute frise de personnages de profil, à la manière égyptienne...- a été redécouvert intact : masqué par des habillages postérieurs, il a miraculeusement survécu.

    La généralisation des multiplexes a fait disparaître la plupart des cinémas, dont les plus anciens remontent aux années trente. Conçu dix ans plus tôt, à l'époque du muet, Le Louxor n'en est que plus précieux. Sa sauvegarde serait facile : pourquoi ne pas tirer parti de son volume exceptionnel, propice à l'audition des musiques non enregistrées ? « Temple du cinéma », la salle, qui a accueilli Dizzy Gillespie et vu les débuts de Gilbert Bécaud, ne pourrait-elle pas devenir le conservatoire de la variété, dans le Paris qui fut celui d'Edith Piaf et de Georges Simenon ?

     

     

    Sauver Le Louxor, c'est sauver une culture populaire

    dont il est le dernier représentant à Paris.

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  • La typologie des salles de cinéma construites dans les années 1920

    Par Stéphane Ricout, architecte
     
    Il s'agit de constater l'émergence d'une nouvelle typologie de salles créées exclusivement pour le cinéma muet au début des années vingt et ensuite d'en apprécier les limites pour l'usage spécifique du cinéma, surtout dans une acception d'aujourd'hui (moderne au sens étymologique).
     
    Ce qui est frappant dans les exemples de cinémas contemporains du Louxor comme de l'Artistic Cinéma Pathé , du Gambetta Palace ou  du Danton Cinéma Palace, c'est la similitude de leurs typologies et leur ressemblance en volumétrie avec le Louxor (pas nécessairement en décoration) : boîte allongée, petit écran, décoration soignée et très présente etc..., sans parler de la présence d'une fosse d'orchestre et d'un petit proscenium.
     
    Or, c'est précisément ce type de salle qui ne conviendrait pas à un cinéma aujourd'hui. Alors qu'en son temps, cette typologie était novatrice, on ne peut pas dire qu'elle ait anticipé l'avenir du cinéma.
    "L'amphithéâtre linéaire" (ce qui est antinomique car "amphi" signifie en grec "des deux côtés, en double" ou "autour" - Le Petit Robert), le fait d'être face à l'écran, est certes une nouveauté, mais atteint rapidement ses limites, car ne tenant pas compte de l'éloignement de l'écran par rapport aux spectateurs du fond (et du premier rang non plus d'ailleurs). Seuls les spectateurs d'un nombre de rangs très limité sont placés à une distance idéale de l'écran. Si l'on dispose les spectateurs "autour" (amphi) de l'écran sur un nombre de rangs limité, la distance est donc idéale pour un plus grand nombre (avec pour limite l'angle de vision sur les côtés). Les salles modernes de cinéma sont donc plus proches des amphithéâtres antiques, où l'objectif est de tenir à une distance assez égale un maximum de spectateurs/auditeurs, même si beaucoup de salles optent toujours pour une disposition face à l'écran, mais la salle est toujours large par rapport à sa profondeur.
     
    En outre, les décorations des années vingt et trente n'étaient pas du tout discrètes et aux antipodes des boîtes noires et mates actuelles. Qui n'a pas été étonné par les reflets latéraux à la Pagode, dans le septième arrondissement de Paris, lors d'une projection ? Gênants pour du cinéma, ils ne le seraient pas pour tout autre activité. Voilà pourquoi l'on peut dire sans hésiter du Louxor: "ceci n'est pas un cinéma" (Marcel Duchamp de Barbès).
     
    Que faire du Louxor ?  Je vous conseille vivement la lecture de l'ouvrage de référence Architecture et Musique : l'architecte, le musicien et l'auditeur du 17ème siècle à nos jours, de Michael Forsyth, Pierre Mardaga, éditeur.

  • Le Louxor, dernière des salles de cinéma des années 1920 ?

     

    1. Louxor 1922.jpg

    « Après une période où le cinéma a cherché son modèle d'exploitation à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, l'industrie cinématographique s'est organisée avec la construction de salles dédiées au sein d'établissements démesurés (en 1920, il y a 11 salles de plus de 2000 places à Paris). Le cinéma s'impose alors comme un lieu de consommation culturelle de masse. Contrairement au théâtre, la salle de cinéma abandonne toute stratification sociale avec un espace commun. La fréquentation du cinéma, qui concerne un public plus large que le théâtre et l'opéra (car moins coûteux), explose et les spectateurs reviennent régulièrement. » nous dit l’encyclopédie Wikipédia dans son article consacré à l’historique de la fréquentation des salles de cinéma.

    Le cinéma des années d’après Première Guerre Mondiale est un art populaire et, à Paris, de nombreuses salles voient le jour. Elles ont en commun deux caractéristiques très marquées : leur taille (de 1500 à 2000 places) et leur décoration soignée. Le Louxor, ouvert en 1921, n’échappe pas à cette règle.

    Sans faire un catalogue complet de ces salles, regardons ce qui se faisait dans le quartier non loin du Louxor d’une part, près de la place Gambetta dans le 20ème arrondissement et à Saint Germain des Près.

    Il n’est pas très difficile de trouver à la bibliothèque des Arts Décoratifs, 111 rue de Rivoli, des documents parlant de l’architecture des salles de cinéma du début du 20ème siècle. Il est d’ailleurs très intéressant de comparer ces documents à ceux qui traitent de l’architecture des salles de théâtre : on y voit émerger la spécificité de conception des salles de cinéma. Le théâtre et le café concert sont encore conçus comme des salles de spectacles d’art lyrique comme au 19ème siècle. La salle de cinéma est elle rectiligne, favorisant la vue de l’écran et donc du film, et peut accueillir un nombre de spectateurs élevé.

    La plus extraordinaire des salles proche du Louxor est sans conteste celle de l’Artistic Cinéma Pathé au 59-61 rue de Douai dans le 9ème arrondissement.

     

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    Vue extérieure de l’Artistic Cinéma Pathé au 59 rue de Douai

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

    Construit comme Le Louxor au début des années 20, l’Artistic Cinéma Pathé avait une décoration de type arabisant très soignée. L’architecte Michel Oudin y avait mis un vestibule d’entrée et une salle de bar.

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    Vestibule et bar de l’Artistic Cinéma Pathé en 1920

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

    La salle elle même est très typique de la conception de cette époque.

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    Vue de la salle de l’Artistic Cinéma Pathé :

    petite scène et fosse d’orchestre comprises, comme au Louxor

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

     

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    Plan du Rez-de-chaussée de l’Artistic Cinéma Pathé : même disposition qu’au Louxor

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

     

    Plus à l’Est, mais dans la même veine, se trouvait le cinéma Belgrand ou Gambetta Palace, juste au coin de la rue Belgrand et de la rue du Cher. Une salle de 1500 places construite sur un ancien théâtre.

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    Vue extérieure du Gambetta Palace

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

    L’architecte Henri Sauvage a là aussi conçu une très grande salle très décorée.

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    Vue intérieure de la salle du Gambetta Palace

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

     

    Enfin, à Saint Germain des Prés, au carrefour de l’Odéon, se trouvait le Danton Cinéma Palace, conçu par l’architecte E. Vergnes.

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    Façade du Danton Cinéma Palace

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

     

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    Vues intérieures de la salle du Danton Cinéma Palace

    avec sa riche décoration inspirée des jardins du Luxembourg tout proche

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

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    Plan du rez-de-chaussée du Danton Cinéma Palace

    Toujours le même agencement rectiligne

    (Collection de la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs)

     

    De ces salles de cinéma, seule la salle du Louxor est encore en place, presque intacte. L’Artistic Cinéma Pathé  de la rue de Douai fut rénové dans les années 50 puis démoli dans les années 70 pour laisser place à un bureau de poste à l’architecture contestable. Du Gambetta Palace, il ne reste que la façade suite à son réaménagement en 3 salles dans les années 70. Enfin, du Danton Cinéma Palace, il ne reste rien. La liste des cinémas démolis à Paris est longue. Tous, certes, n’avaient pas un intérêt patrimonial. Mais puisque nous sommes aujourd’hui dans la situation où seul le Louxor nous donne encore la possibilité de conserver une de ces salles, il faut la sauver. La façade préservée du Gambetta Palace ne nous dit rien de ce que fut ce cinéma. C’est ce façadisme là, destructeur de mémoire, qui ne fait que sauver les apparences, que nous combattons.

     

    Source :

    « Cinémas, vues extérieures et intérieures »

    Bibliothèque Documentaire de l’Architecture sous la direction de Gaston Lefol

    Librairie Générale de l’Architecture et des Arts Décoratifs

    Ch. Messin, éditeur - 51, rue des Ecoles, Paris

    Cote U132 au musée des Arts Décoratifs - 111, rue de Rivoli, Paris

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  • Une destruction annoncée !

    Pendant la réunion du 28 novembre, un architecte a rapidement fait ce schéma nommé "une minute de travail schématique de ce que l'on a aperçu au cours de la première  information publique donnée sur le projet de la Ville".

    Le dire c'est bien, le voir est sans doute mieux : l'intérieur du Louxor va être démoli !

    Schéma des destructions.JPG
     

     

  • Quelques explications - 2ème partie

    Après avoir parlé du patrimoine, considérons la question de la programmation culturelle.

     

     

    LA PROGRAMMATION

    « Le Louxor était un cinéma, il doit donc rester un cinéma ». Voilà l’argument avancé par la Ville de Paris, aidée en cela par ceux qui défendent son projet de cinéma Art & Essai. Notons d’abord que l’affirmation est un peu rapide : le Louxor était bien un cinéma à l’origine mais n’a pas été que cela. La mention Palais du Cinéma sur sa façade est trompeuse. Maurice Chevalier à ses débuts, Fats Domino, Gilbert Bécaud et bien d’autres s’y sont produits, sans parler du court intermède de la discothèque des années 80. Il n’y a donc pas de fatalité à ce que le Louxor reste un cinéma. La Mairie de Paris elle-même n’a-t-elle pas, pour quelques projets phares, changé la destination de certains équipements ? Le prestigieux projet du 104 rue d’Aubervilliers dans le 19ème ou celui de la Gaité Lyrique dans le 3ème arrondissement le démontrent.

    Mais en réalité, la vraie question est de savoir si le projet tel que proposé par la Ville est adapté à Paris en général et au quartier Barbès en particulier ? Autrement dit, la réalisation d’un cinéma de 3 salles avec une programmation Art & Essai correspond elle aux attentes des Parisiens et des habitants du quartier ?

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  • Quelques explications - 1ère partie

     

    Le projet dit "de requalification" du Louxor est emblématique pour beaucoup de raisons. Projet culturel phare de la Ville, il a préoccupé et préoccupe toujours à deux titres : respect du patrimoine et programmation culturelle . Passons en revue ces deux sujets.

    LE PATRIMOINE

    Parler du patrimoine n’est pas toujours chose facile. Longtemps taxés de conservatisme, ses défenseurs n’ont pas toujours la vie simple devant ceux qui confondent modernité et modernisme.

    Qui ne comprend que notre culture d’aujourd’hui puise sa vitalité et sa richesse dans ce qu’il y a de meilleur dans notre passé ? Une très bonne illustration nous est donnée en ce moment même par l’exposition Picasso et les Impressionnistes au Grand Palais. C’est après une longue et minutieuse étude du tableau de Manet Le déjeuner sur l’herbe que Picasso s’est lancé dans son interprétation picturale de l’œuvre. Manet lui-même n’avait-il pas, lui aussi, longuement et minutieusement regardé les œuvres de Delacroix et d’Ingres avant de peindre ? Delacroix, Manet et Picasso n’en étaient pas moins pour autant des précurseurs - des révolutionnaires ? - dans leur art à leur époque. Chacun comprend que sans passé il n’y a pas d’avenir.

    C’est avec cette approche, nous semble t-il, qu'il faut s'emparer d’un des volets du projet Louxor : le respect du patrimoine dans un souci de pérennité de notre culture. Point de conservatisme ici, un simple souci de garder ses racines. Alors pourquoi avec le Louxor ? Eh bien parce que Le Louxor est une des dernières, si ce n’est la dernière, salle de cinéma à Paris et peut être même en France, témoin des années de l’essor du 7ème art. C’est la rareté qui fait la valeur, ce n’est pas Le Louxor en lui-même, mais ce qu’il représente encore, le dernier témoin.

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  • Le cinéma d'antan

    La Construction Moderne était un journal hebdomadaire dont la publication a commencé en 1885. En 1921, le journal décide de s'interesser au cinéma et publie deux articles faisant le point de la situation en parlant notamment de la construction d'un cinéma à Malakoff.

     

    Dans le numéro du 26 mars 1922, la revue décide d’illustrer ces articles sur la construction cinématographique par deux planches qui sont les seules photographies que nous ayons de la salle du Louxor de cette époque et que nous connaissons. Il s’agit de la salle avec la vue de l’écran, et celle du plafond. Un petit texte évoque le lieu et l’architecte de cet édifice :

    « Parmi les cinémas récents, la richesse et l’originalité du Louxor, construit par M. Zipcy, architecte à Paris, à l’angle des boulevards de la Chapelle et Barbès, ont été fort remarquées. Nous sommes heureux de publier la façade et deux vues intérieures de ce bel établissement. »

     

    3. Louxor Ecran 1922.jpg

    Salle en 1922.JPG

     
    Voici les articles de La Construction Moderne.
     

    25 décembre 1921 - Page 97

    On sait le développement extraordinaire pris par le cinéma dont la diffusion et l’attraction font songer à cette puissance que le siècle précédent a vu grandir et qu’est la presse. Spécialement au point de vue architectural, en quelques années s’est construit un nombre considérable de salles destinées à la projection animée et ni nous a semblé qu’on pouvait maintenant essayer de dégager les directives rationnelles qui doivent présider à la construction d’un cinéma.

    M. Vergnes, architecte à Paris, a bien voulu se charger de cette mise au point pour laquelle il était particulièrement qualifié comme architecte de plus de vingt salles de cinéma et comme architecte conseil technique du syndicat des Directeurs cinématographiques.

    Pour illustrer le premier article de notre collaborateur nous publions planches 49 à 52 le dossier de son œuvre la plus récente : le Family-Cinéma à Malakoff.

    Un certain aspect de grandeur résulte de la sobriété du style et de la simplicité des lignes, en harmonie avec la destination de l’édifice qui s’adresse à une clientèle modeste. La décoration intérieure, sobre, mais de bon goût est conçue dans la même idée. Quelques détails de ferronnerie et de menuiserie enfin montreront dans les planches de nos prochains numéros avec quel soin et quelle recherche on peut étudier même si le programme fixé exclut une installation luxueuse.

    NDLR

    L’architecture

    Après avoir pris naissance en public dans les sous sols du Grand-Café, il y a 25 ans, lors de la présentation des premières projections de photos animées obtenues par les frères Lumière inventeurs incontestés maintenant de la cinématographie, le cinéma fut à son début nomade. Accaparé par les forains il put conquérir la popularité dans toutes les villes ou bourgades de France, puis il passa les frontières, mais, comme tous les nomades, il n’eut d’autre abri à ses débuts que la tente avec l’écran volant et une cabine démontable. Puis il commença à se fixer, trouva des hangars, des garages, des remises, des salles de café dans lesquelles il devint une attraction. Regardons ensemble l’aspect de l’une de ces premières salles de spectacles ; il est lamentable : le sol est de terre battue ou constitué d’un plancher délabré, les murs sont sales et lézardés.

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  • Faisons le point

    Résumons le projet tel qu'il se présente aujourd'hui, hors programmation culturelle dont nous parlerons plus tard.

     

     

    Petite chronologie

    2003 - Rachat du Louxor par la Ville à la famille Ouaki (TATI) pour 1,3 million €

    2004 - Délibération du Conseil de Paris pour approuver le principe des travaux de réhabilitation (DPA 2004-303)

    2005 - Investigations qui mettent à jour l’état réel de la salle

    2007 - Visites du Louxor (mai et novembre)  par l’association Action Barbès

    2008 - Délibération du Conseil de Paris pour l’attribution des marchés (DPA 2008-037)

    2008 - mai :attribution du projet à Philippe Pumain

    2008 - novembre : réunion publique d’information

     

     

    Le projet PUMAIN

    • 3 salles de cinéma de capacité différente (350, 150 et 80 places environ) ;
    • 2 de ces salles en sous sol - salle principale en lieu et place de l’actuelle salle ;
    • Création d’un café club et d’une salle d’exposition (150 m² environ) ;
    • Isolation acoustique réalisée en faisant  « une boite dans la boite » ;
    • « restauration » de l’extérieur avec recherche d’un aspect proche de celui d’origine (pause des grilles, affiches de petite taille, colorisation des mosaïques, etc. …)
    • Programmation : cinéma Art & Essai dont une salle (la plus petite) dédiée au cinéma du Sud
    • Possibilité de polyvalence de la salle de 150 places pour des spectacles autre que le cinéma

     

    Budget : total 29 millions € (coût final revalorisé voté par le Conseil de Paris)

    Philippe Pumain est assisté d’une équipe étoffée : « l’’équipe pluridisciplinaire comprend également Christian Laporte,   architecte du patrimoine, les bureaux d’étude Brizot-Masse, et   Louis Choulet ; l’économiste Delporte-Aumont-Laigneau,   l’acousticien Vivié, le scénographe Scène, et le spécialiste en conservation de décors Cartel Collections » dixit le communiqué de presse de la Ville en mai 2008

     

     

    Le Patrimoine

    Dans le cas du Louxor

    • La question des peintures murales est décisive. Les décors seront noyés sous la reprise de structure en béton et le doublage isolant. Il ne sera pas possible de retrouver un jour l'original sous son imitation.
    • Quand on regarde le plan du projet Pumain, on comprend que la salle est réduite de plus d'un tiers en profondeur pour caser les nouveaux espaces inclus dans le programme. Démolition des deux grands balcons et reconstruction partielle. C'est un demi-Louxor qui restera, amputé et maquillé. Bref, plus grand'chose de crédible.
    • Il y a la perte de toute la travée qui comporte la scène, les pans coupés latéraux, l'écran, le rideau suspendu tout en haut, la fosse d'orchestre, sur environ 1m de large (à la place de la scène actuelle) pour laisser monter l'escalier de sortie de la salle de spectacle du sous-sol vers l'extérieur. Il s'agit de toute la travée de scène, très lisible dans l'espace du LOUXOR de haut en bas. (après le dernier portique). Patrick PUMAIN a dit, pour se faire pardonner,  que la scène avait été remaniée dans les années 50 mais le parquet actuel est bien typé des années 20-30. Donc elle est authentique.
    • Il y a la perte les très beaux stucs de faux marbres de 2m de haut  le long des façades, qui se retournent au fond de la salle sous le balcon, dans la partie totalement détruite par le projet.(avec  la salle de projection  20 et 30).
    • Concernant les extérieurs, pour faire sa sortie de secours, l'équipe de maîtrise d'oeuvre sera obligée de  largement "crever » une des façades Monument historique ou le toit. Un trou qui sera suffisant grand  (à moins de faire un tunnel !)  pour rentrer une pelleteuse et la machine à foncer les pieux, les bétonnières etc.

    Bref, on substitue une copie à l'original - lequel sera en grande partie détruit.