L'atelier d'architecture autogérée (AAA) a du reporter la seconde réunion qu'il avait programmée pour le 7 avril en raison des vacances scolaires et du risque d'absentéisme. Alors, revenons ensemble sur la première qui s'était tenue le 24 mars.
Elle n’a pas été facile pour ses animateurs. La salle située au premier étage du centre d’animation de Château-Landon (10e) était sous-dimensionnée pour la foule venue donner son avis. Elle comptait des habitants avertis par notre blog peut-être ou par la communication des mairies, également des membres de notre association et de deux autres, DemainLaChapelle et SOS Chapelle, implantées de chaque côté de la place de La Chapelle (10e et 18e) avec lesquels nous avons noué des relations en vertu de l’adage « l’union fait la force ». Dans ces conditions, foule et exiguité de la salle, il a été difficile d’échanger de la manière que l’aurait souhaitée M. Petcou, le directeur d'AAA, et sans être trop critique, on peut dire que la maitrise de la réunion lui a échappé.
Nous avons dit, déjà, ici, notre déception lors de la séance de présentation de AAA et de ses associés dans le projet de Promenade urbaine le 3 mars dernier (lire notre article du 7 mars). Nous nous attendions un peu ce vendredi-là à une séance de travail construite sur les mêmes bases, à savoir des tables rondes affichant quelques mots-clé : cuisine du monde, espace public, déchetterie et recyclage, agriculture urbaine, etc. Nous comprenons le principe. Il faut faire parler le public de ses envies le plus spontanément possible. En lui proposant des concepts assez globaux, on peut lui faire dire ce que cela lui évoque et ainsi faire émerger sa vision du projet. Dans un tout autre domaine, la méthode rappelle les séances de communication publicitaire autour du lancement d’un produit. Paperboard et markers : « Et si je vous dis « travail » vous pensez à quoi ? » pour voir si le nouveau produit a bien l’effet escompté sur le public ou répond bien à l'attente du client.
Il a fallu très peu de temps pour se rendre compte que ce type de concertation, ou de co-construction, expression patentée, ne convenait pas à la salle. Nous avions noté en arrivant un peu avant 19h qu’une pré-réunion était déjà en cours. De fait, quand nous sommes entrés, quelques personnes étaient déjà assises autour des tables, sans que nous sachions si elles étaient des collaborateurs de AAA ou des invités. Quand M. Petcou a pris la parole, il a oublié de se présenter et de les présenter, or la moitié des personnes présentes ne le connaissaient pas. On percevait déjà un flottement. Très opportunément, Elise Fajgeles, élue du 10e, a pris la parole pour ramener un peu de sérénité, apporter les informations nécessaires, rappeler rapidement l’historique du projet, préciser la mission de l’AAA, et expliquer en quoi consistait la réunion. Heureusement.
Quelles ont été les principales remarques exprimées dès le début ?
L’exiguïté des lieux pour commencer, car la fréquentation habituelle avait été largement dépassée. Le Louxor avait été pressenti comme lieu de réunion, nous a dit M. Petcou; en fait, une mauvaise idée, puisque le cinéma a besoin de toutes ses salles en soirée pour son activité de cinéma. Quand nous y convoquons nos assemblées générales, nous rendons la salle à 11 heures…. Peut-être la salle Saint Bruno pourrait-elle être une solution : elle est à un tarif très compétitif et sa capacité est bien plus grande. Ce serait de plus une façon de voir les habitants de la Goutte dOr sur place. Nous transmettrons l'idée à AAA.
Le défaut d’organisation aussi, pas d’ordre du jour, pas de compte rendu de la réunion précédente… une présentation sur écran pas lisible à partir du milieu de la salle… Un habitant a demandé si AAA ne pourrait pas mettre un site collaboratif à la disposition des habitants pour échanger idées et propositions plus facilement. Une deuxième bonne idée !
Ensuite, les quelques personnes présentes lors de la réunion du 3 mars, ou celles qui en avaient eu des échos, ont exprimé leur désaccord avec le choix des pistes proposées, toutes plus ou moins proches de l’ESS, l’économie sociale et solidaire, le recyclage, les jardins partagés, l’utilisation de matériaux récupérés, etc. Trop peu ou mal informés, les habitants ont eu le sentiment qu’on leur proposait un projet recyclé lui aussi, avec des solutions qui peut-être avaient fait leur preuve ailleurs, mais qu’ils n’imaginaient pas avoir leur place entre Barbès et Stalingrad. L’agriculture urbaine à leurs yeux nécessite des espaces, et les quelques exemples que nous avons eus, comme les pieds d’arbres plantés et surtout « entretenus » par les habitants, ne sont pas tous des réussites. Quant aux friches cédées par la ville à des associations, certaines présentent un bien triste aspect après quelques mois ou années, et peuvent être assimilées à une privatisation de l’espace public à l’usage de bien peu de monde.
Plusieurs habitants ont rappelé la présence d’entreprises culturelles, de qualité, qui mériteraient bien qu'on leur fasse écho dans la rénovation du parcours, soit en les reliant entre elles, soit en améliorant leur fenêtre de visibilité sur le boulevard. Quelqu'un a évoqué le parvis des Bouffes du Nord qui pourrait être mis en valeur. Un autre la possibilité d'ouvrir un kiosque de lecture ou d'échange de livres, type circul'livres. Une troisième bonne idée : la culture !
Manifestement les habitants souhaitent voir l'émergence d'un projet de qualité et non des stands de réparation de ceci ou de cela.
Le cas de la déchetterie a été débattu quand une responsable de la Direction de la Voirie a émis des doutes sur sa reconversion. Un participant a alors clairement expliqué qu'elle était utilisée par des entreprises, qui se débarrassent à bon compte de leur gravats, matériaux usagés, ou sanitaires, en totale rupture avec sa vocation puisqu'elle est statutairement réservée aux particuliers. Pour notre part, nous avions souhaité que cet espace accueille une ressourcerie, comme l'ancienne gare d'Ornano — un vrai succès, au-dessus de la Petite ceinture. Couplée avec le square de Jessaint, qui pourrait ainsi bénéficier de plages horaires d'ouverture plus larges. L'actuelle gestion du square est confiée à Emmaüs Solidarité qui l'occupe avec des ateliers de réinsertion (Premières heures). Il doit rouvrir bientôt mais seulement deux demi-journées par semaine pour un public qui devra s'inscrire (pour des raisons d'assurance). Voir notre article du 23 mars 2017.
D'autres pistes sont imaginables dans cet espace couvert s'il est aménagé. Un parcours de skate board à différents niveaux, comme le skate park situé rue Léon-Cladel, près de la rue Montmartre. En général, cette activité est mal vue des riverains parce que bruyante, mais là, les immeubles sont loin.... et en cas de protestation du « 39 », l'aire peut-être facilement fermée pour la nuit. Une salle de démonstration de hip hop ou de danses urbaines, comme dans les salles de répétition du centre Barbara. Cela pourrait même être une vitrine avancée pour le centre.
Les riverains sont conscients que le sous-viaduc est un environnement contraint. Peu ensoleillé du côté 10e, il ne sera pas une terre idéale pour des plantations luxuriantes ! Bruyant, à cause du passage des rames de métro — certains s'en sont plaints dans la salle — il ne pourra pas abriter des concerts ou des festivals de musique. En revanche, nous voyons assez bien des expositions photographiques sur les grilles de la SNCF, ou de la RATP, ou encore des concours de drums ou de batucada, les percussions brésiliennes… des répétitions de défilés carnavalesques, etc.
Une autre contrainte d'importance sera la maitrise du marché deux fois par semaine : cantonner le nombre de stands dans une limite raisonnable qui permette le stationnement des camions sans débordement. Ménager des passages nord-sud, respectés, qui assurent une évacuation en cas de besoin, mais aussi le passage normal des riverains d'un arrondissement à l'autre. Créer une aire sans vente, une voie de passage libre au milieu du marché, face à la future entrée de l'hôpital Lariboisière (voir ci-dessous). L'occuper de façon conviviale, par un bâtiment de qualité qui pourrait être un équipement polyvalent. Et pourquoi pas lui donner cette vocation de cuisine du monde, dans une configuration adaptée à une utilisation locale, le proposer à des groupes de femmes (ou d'hommes !) qui sont actifs dans les associations de la Goutte d'or, qui pourraient transmettre leur savoir faire, et vendre leur production les jours de marché. Mais du marché, il n'est pas question dans les réflexions de AAA. Il est essentiel de penser à des activités pérennes, pas des occupations temporaires à petits moyens qui ne résisteront pas à l'usure du temps. L'appropriation des équipements proposés doit se faire par le plus grand nombre, or pour l'instant la communication de AAA est discrète. Trop discrète. Un exemple ? Les 150 flyers distribués, dixit M. Petcou, pour informer trois arrondissements associés au projet....
AAA a annoncé une prochaine réunion au cours du mois de mai. Nous pensons qu'il faudra revoir la forme de la concertation et varier les propositions déjà formulées. Ce 24 mars, Félix Beppo, adjoint du 18e chargé de la voirie, s'était exprimé sur le sujet et avait précisé que le 18e n'était pas prêt à accepter n'importe quel projet, ajoutant que les habitants avaient droit à une écoute sérieuse. Le maire du 10e, Rémi Féraud avait également donné son avis quelques jours plus tard dans une interview au Parisien. (à lire ici)