Vous qui lisez régulièrement notre blog, vous savez que notre dossier phare, celui qui nous tient le plus à coeur, celui qui galvanise nos énergies depuis 2013, qui a été reconnu par la Mairie de Paris au point de l'inscrire au Plan d'investissement de la mandature (PIM) pour un budget de 8 millions d'euros, que ce dossier porte le doux nom de Promenade urbaine. Se promener où ? de Barbès, notre terre natale, dirons-nous, à Stalingrad, la terre de nos voisins à l'Est.
Nous suivons de près les progrès du dossier. Revenons rapidement sur les grandes étapes :
L'inscription au plan d'investissement de la mandature 2014-2020 arrive en décembre 2014.
"4M € sont également inscrits pour l’opération de réaménagement de la zone (carrefour et boulevard) de La Chapelle. Le même montant est affecté au 18ème arrondissement, portant à 8M € le budget consacré à la « promenade urbaine » du boulevard de la Chapelle. "
(Extrait de BP 2016, pour rappel, Communication sur la programmation des opérations de travaux, conseil d'arrondissement du 10e du 30 novembre 2015)
L'Atelier parisien d'urbanisme, l'Apur, planche sur le dossier :
Dans un premier temps, nous avons été invités à participer à des ateliers collaboratifs, puis à entendre la restitution des études menées par l'Apur : nous étions en mai 2015 quand nous vous rendions compte de ces travaux et c'est ici dans notre article. Prenez le temps de le relire, vous serez comme nous, étonnés du caractère positif avec lequel nous avons abordé ce grand chantier et accueilli les priorités que dégageait l'APUR à la fin de sa réflexion : " faire émerger de nouveaux usages pour une réappropriation collective des espaces publics "
C'est bien ce que nous souhaitons.
Puis nous avons attendu la suite. Comme vous.
En octobre 2016, la délibération 2016 DVD 169 au Consell de Paris décrivait la situation du boulevard de La Chapelle, avec justesse, et nous reprenions courage. L'espoir de tenir le bon bout cette fois...
Prenez encore le temps de cette lecture car elle est instructive. Un peu d'histoire ne fait pas de mal !
Le boulevard de la Chapelle fait partie du réseau de voies dites des Fermiers-Généraux, qui ont remplacé vers 1864, l’enceinte du même nom correspondant aux limites du Paris de 1789. La vocation initiale de ces boulevards et de leur terre-plein central planté, outre de créer un réseau périphérique doté de transports en commun (tramway), était d’offrir aux parisiens un espace continu de promenade.
Cette vision a été fortement remise en cause avec la construction de la ligne 2 du métro en aérien au début du XXe siècle puis avec l’essor de la voiture. Aujourd’hui, la prédominance automobile restreint les espaces dédiés aux piétons. Devant le fort encombrement et la fragmentation des espaces publics qui entravent les cheminements piétons, cette artère est vécue comme une coupure urbaine entre les 10ème, 18ème et 19ème arrondissements.
L’axe jouit néanmoins d’atouts importants, dont sa situation stratégique aux échelles métropolitaine et locale. Le quartier reçoit 665 000 voyageurs quotidiens via ses gares. Il bénéficie aussi, par la présence de l’hôpital Lariboisière, d’un équipement de santé important. Le Sacré-Coeur, la butte Montmartre, ses artistes et son histoire forment un pôle touristique majeur de la capitale qui participe au rayonnement francilien et à la visibilité internationale du lieu, tout comme le bassin de la Villette, le Louxor et le 104. Par ailleurs, le marché Barbès, qui s’installe 2 fois par semaine sous le viaduc entre Barbès et le carrefour Maubeuge est un pôle d’attractivité fort, engendrant des nuisances récurrentes dont se plaignent les riverains.
L’ouvrage d’art que constitue la ligne aérienne du métro constitue un intérêt patrimonial, témoin de l’architecture industrielle parisienne par la délicatesse du dessin de sa structure iconique et la prouesse technique du franchissement en particulier. Le boulevard structure le fonctionnement de la vie urbaine du quartier (métro, commerces, services). Il profite aussi de la proximité d’acteurs culturels dynamiques (Bouffes du Nord, Centre Barbara) et de nombreux équipements scolaires.
Le Théâtre des Bouffes du Nord
L’encombrement de l’espace sous le métro aérien empêche de porter un regard dans l’axe du boulevard et dissuade de l’emprunter comme une promenade. Il contraint les flux piétons et induit des espaces résiduels, dénués de flux et d’usages, qui invitent à l’appropriation par des pratiques marginales. Les piétons n’osent ni emprunter, ni franchir le terre-plein, et restent sur les trottoirs latéraux, de trois mètres, devenus trop étroits, grignotés par les étals des commerces, les livraisons fréquentes et les nombreux regroupements de personnes statiques.
Au niveau du carrefour de la Chapelle, c’est la question de la sécurité des piétons, cyclistes et autres usagers que posent chaque jour l’encombrement de l’espace et le trafic automobile. L’espace, inconfortable, n’est qu’un lieu de passage et un carrefour routier. Cela lui confère une faible mixité d’usages et d’usagers. Par ailleurs, les nuisances telles que le bruit ou la pollution influent négativement sur la qualité de vie des habitants. Enfin des problématiques de genre se posent dans la fréquentation de l’espace public.
La linéarité du boulevard, la présence du métro aérien, fort marqueur de l’identité et de l’histoire du lieu et l’horizon dégagé qu’offre les grandes perspectives des deux faisceaux ferrés sont des éléments qui constituent un potentiel majeur de revalorisation du secteur. Le projet d’aménagement d’une promenade urbaine sur cet axe entre les stations de métro Barbès et Stalingrad bénéficie de plusieurs inscriptions budgétaires. Une enveloppe prévisionnelle de 8 M€ répartie pour moitié entre les 10ème et 18ème arrondissements est inscrite au programme d’investissement de la mandature. Lors du vote au budget participatif 2015, le projet « Mieux éclairer le viaduc de la Ligne 2 du métro aérien » a été retenu et est doté d’une enveloppe complémentaire de 0,2 M€. Le budget participatif 2016 vient de retenir le projet «oasis urbaine à la place de la chapelle » doté d’un budget de 1,5 M€.
(source : 2016 DVD 169 Aménagement d’une promenade urbaine du boulevard de la Chapelle au Boulevard de la Villette dans les 10e, 18e, et 19e - Autorisation donnée à la Maire de Paris de prendre toute décision relative à la réalisation de cette opération )
Si nous calculons bien, l'ensemble du budget serait donc de 9,7 M€ entre le PIM, l'éclairage du viaduc au budget participatif 2015 et l'oasis de La Chapelle dans celui de 2016.
Depuis l'été dernier, un nouvel acteur est entré dans le dossier, c'est l'Atelier d'architecture autogérée (AAA). Depuis lors, nous avons régulièrement suivi les ateliers de l'AAA, installé d'abord dans le conteneur à côté au square Louise de Marillac, place de La Chapelle, puis depuis janvier de cette année, dans le nouveau centre d'animation du 18e, 26 bd de La Chapelle. Nous avons même tenu, à l'automne, une réunion de notre commission ad hoc, dans le Civic Lab, comme nous l'avait suggéré le directeur de l'AAA, Monsieur Constantin Petcou.
Et maintenant...., comment le dire ? Nous ne sommes pas tout à fait convaincus par la méthode employée par l'AAA. Nous sommes trop classiques ? Pas assez ouverts aux méthodes collaboratives prônées par cette équipe ? Nous ne comprenons pas l'efficacité des réunions en plein air, l'ouverture aux passants, aux usagers, la cartographie émaillée de post-it de couleur ? Peut-être. Nous voulons voir des cartes, des propositions, des aménagements de voirie et d'espace public, noir sur blanc, sur des schémas ou des écrans. En discuter avec les habitants, peser le bien fondé de telle ou telle idée, juger de l'opportunité de telle transformation, apprécier l'introduction d'actions culturelles nouvelles.... Le tout étayé sur les bases solides des techniciens de notre Direction de la voirie, des comptages qui permettront de détourner les flux automobiles ou de les réduire. Mais rien de tout cela ne vient. Malgré notre assiduité aux présentations de l'AAA, la dernière date du 3 mars, nous restons sur notre faim. La présentation des associés au projet, agences d'architecture, bureaux d'études, constructeurs, recycleurs, agriculteurs, paysagistes, etc., nous a même déconcertés. Les réalisations projetées, et sans doute choisies comme exemple, le 3 mars, ne semblent pas adaptables à un parcours linéaire, situé sous un viaduc de la fin du 19e siècle.
Alors nous avons cherché à comprendre et à voir qui sont les promoteurs de cette aventure.
D'abord, l'AAA et son Civic Lab (c'était aussi le nom du conteneur parti en fumée en décembre). Le Parisien s'autorise le qualificatif "architecte-activiste" pour nous présenter Monsieur Petcou dans un article de mars de l'an passé...., quand la majorité des occurrences de Google convergent vers l'Agrocité de Colombes, démantelé le mois dernier, pour des raisons qui appartiennent aux autorités municipales de cette commune de l'ouest parisien.
Pour avoir une idée de ce que sont les orientations de l'Atelier d'architecture autogérée, nous avons visionné un reportage de FR3 récent, suite à la mobilisation en faveur de l'Agrocité, peut-être l'expérimentation la plus poussée dans le temps, et menacée de démantèlement à Colombes :
Nous pouvons comprendre la déception des riverains de ce grand carré de jardin, et leur envie de le conserver. Cela semblait être un havre de paix, un point de rencontre, un lieu convivial. Pourtant, au-delà de ces considérations positives, nous voulons souligner le fossé qui existe entre les caractéristiques du site de Colombes et l'axe de La Chapelle. Pour l'un, un environnement situé à mi-chemin entre des zones pavillonnaires et des grands ensembles, à 9 km de la Porte de Clichy et du périphérique, dans une boucle de la Seine, pas vraiment champêtre, puisque nous sommes là à quelques encablures (environ 500 mètres) des bassins du port de Gennevilliers et que le ton est plutôt industriel, locaux professionnels, camions, grues... Très loin du secteur densément peuplé qui se trouve entre Barbès et Stalingrad, pour l'autre.
Aussi, avons-nous du mal à comprendre les activités du pôle de concertation citoyenne que nous propose l'AAA. Que viennent faire ici les leçons d'alimentation bio auxquelles nous a invitées l'AAA, les cours de cuisine traditionnelle ou de couture, quelques dizaines de personnes autour d'une crêpe ou d'un vin chaud ?
Est-ce bien une ferme urbaine ou un stand de réparation de vélo que nous souhaitons dans notre quartier ?
Les plantations près du square Louise de Marillac.
Pas vraiment. Nous renouvelons notre attente de mesures concrètes d'aménagement de voirie qui rendront la place de la Chapelle plus sûre pour les piétons, la sortie du métro moins chaotique, les trottoirs plus fréquentables, les squares enfin accessibles aux enfants et à leurs familles. Nous voulons des relations entre les acteurs culturels qui jalonnent cette promenade, des animations qui les mettent en valeur et qui incitent les habitants de ce quartier à entrer plus facilement aux Bouffes du Nord, au 104 ou au Louxor. Ce ne sont pas quelques carrés d'herbes folles entretenus difficilement par des personnes trop pressées qui changeront l'image de nos quartiers et feront du boulevard de La Chapelle un lieu de promenade.
Le carrefour Maubeuge-Tombouctou