Nous avons reçu plusieurs demandes de nous intéresser, de façon globale, à une zone que nous fréquentons très peu, au moins pour ce qui concerne le bureau de notre association, et qui sans nous rebuter, n'est pas dans nos priorités. La demande s'étant renouvelée, nous prêtons désormais attention aux informations qui en émanent ou qui la concernent, tel cet article lu dans le Parisien lundi 17 mars.
On y apprend deux choses ce lundi-là :
- Le préfet de police, Bernard Boucaut, accepte la demande du maire du 18e d'étendre l'action de la ZSP aux stations de métro du quartier y compris quand elles ne sont pas directement dans le périmètre défini à l'origine. Sont concernées par cette décision les stations Marcadet-Poissonniers, Jules-Joffrin, Château-Rouge, Barbès-Rochechouart, Simplon et Lamarck-Caulaincourt (des stations des lignes 4 et 12)
- la RATP prend la mesure du problème et s'adjoint l'aide d'une association spécialisée dans l'approche de la toxicomanie, à savoir Coordination Toxicomanies (CT). Elle crée une brigade formée par CT et composée d'agents volontaires, qui se rapprocheront des toxicomanes présents dans le métro, notamment sur les quais des stations pré-citées, et les orienteront vers des structures aptes à traiter leurs addictions.
On ne peut que se réjouir que la demande de Daniel Vaillant ait abouti à cette opération.....
Essentiellement, d'ailleurs, pour les usagers du métro et les riverains de ces quartiers du 18e. Toutefois, on peut s'interroger sur la suite, à la lumière des raisons de cette affluence soudaine, seulement depuis quelques mois, dans les couloirs et sur les quais du métro. Le Parisien ne s'y trompe pas : il n'y a eu ni génération spontanée, ni recrudescence abrupte de ce type de toxicomanie. Il y a un an, environ, ce sont les habitants proches des Jardins d'Eole (18e) qui se plaignaient de la présence des toxicomanes dans leur carré de verdure, et parallèlement de la présence des trafiquants aux abords. Pour répondre à un mécontentement justifié des habitants — les jardins n'étaient plus fréquentables par les familles — la mairie a fait fermer le parc. Puis elle a procédé à un redécoupage des espaces et à une rénovation. Il a rouvert en avril de l'année dernière (Voir l'article de dixhuitinfo et en particulier la dernière phrase du dernier paragraphe).
Sur le même mode, un film de Laurent Appel et Philippe Lachambre sur l'histoire de la Réduction des Risques, projeté la semaine dernière à l'initiative de l’association ASUD, nous a rappelé les circonstances de l'apparition dans l'espace public des groupes d'usagers de drogues dans les années 1970-80. Les autorités parisiennes désirant en finir avec certains îlots insalubres et propices à des trafics devenus encombrants décidèrent en 1984 de fermer des squats, et de murer carrément certains immeubles de l'îlot Chalon*, par exemple, situé près de la gare de Lyon. Comme pour les toxicomanes des Jardins d’Éole, en fermant leurs lieux habituels de séjour ou en leur en interdisant l'accès, on ne fait que supprimer la présence de la toxicomanie en un lieu, on ne supprime pas la toxicomanie tout court. Les usagers de drogue sont chassés un peu plus loin. Ils se déplacent à la recherche d'un autre recoin. D'autres habitants se mobilisent alors contre leur présence et ainsi va la lutte contre la drogue en France depuis 30 ans en se trompant d'ennemi. En l'occurrence et pour revenir à Éole, ils sont arrivés sur les quais de métro des lignes 4 et 12, comme en témoignent le courrier récent du maire du 18e au Préfet et la suite des événements.
*Voir : « Dans les années 70-80, le bâti était vétuste, délabré ou insalubre faute de lumière ou d’air. L’Ilot était devenu le théâtre d’un commerce de drogues, dans les ruelles, impasses, encoignures de portes et squats. C’était également un lieu de consommation d’héroïne connu des usagers de drogues, emblématisé par les médias et, lors de sa rénovation, la scène se déplaça vers le 18e arrondissement de Paris à la Goutte d’Or et à Stalingrad. »
Source : Beauverie Patrick, Dumand Dominique, « La Réduction des risques », Multitudes 1/ 2011 (n° 44).
Que conclure de tout cela ? Comme il est dit plus haut, voilà des décennies que la lutte contre la drogue est menée non seulement en France mais un peu partout dans le monde sans le moindre succès. L'obsession des autorités, répondant à leur penchant naturel mais aussi à une demande de l'opinion publique, a toujours été l'interdiction, la répression en s'attaquant de préférence aux consommateurs, c'est à dire aux toxicomanes. Devant l'échec patent de cette politique, n'est-il pas temps de regarder cette question autrement ? Il ne s'agit pas ici de laisser aller les choses bien que beaucoup de questions pourraient être posées en ce qui concerne l'alcool et le tabac. L'opinion publique a su le faire en ce qui concerne le sida et les autorités ont suivi. Pourquoi ne pas le faire pour la drogue ?