Depuis plus d'un an maintenant, les quartiers Nord de Paris, notamment les 18e, 19e, 20e arrondissements, et même le Nord du 10e, font face à un nombre sans précédent de personnes en précarité et sans logement, personnes migrantes pour beaucoup. La plupart décident de se regrouper afin d’être plus en sécurité qu’isolées dans la rue, souvent par nationalité ce qui peut créer des tensions entre différents groupes. Les associations intervenant sur le quartier, ainsi que les associations de riverains, alertent l’État et la Ville depuis longtemps pour que ces personnes soient prises en charges, hébergées et aient accès aux soins dont beaucoup ont besoin après un parcours migratoire semé de traumatismes, de violences, de viols, voire d’esclavage. Un parcours qui pour certains va les conduire sur le chemin de la drogue, celui du crack en particulier.
La Mairie de Paris, même si cela n'est pas de son ressort premier, a mis beaucoup de temps à prendre la mesure du problème et à proposer des solutions, peut-être pensant d'abord que Paris n’était qu’une étape du parcours pour beaucoup de migrants. Quant à l’Etat, les réponses ont quasiment toutes été très en deçà des attentes, comme les démantèlements de campements sans solutions durables d'hébergement. Cette situation a fait s’isoler encore plus ces personnes, et les rendre de fait vulnérables aux trafics de drogue en pleine expansion sur ces quartiers, notamment celui de crack. Beaucoup de personnes à la rue, se sont ainsi mises à en consommer, aboutissant à un nombre très inquiétant de personnes accrocs au crack sur les 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements. Les associations de réduction des risques oeuvrant ici s’en inquiètent elles-mêmes et tirent la sonnette d’alarme. Rappelons que les effets du crack sont différents de ceux de l’héroïne, jusqu’ici plus consommée dans nos quartiers, et peuvent mener à beaucoup plus de crises d’agressivité et donc plus de confrontations et de violences entre consommateurs. Autant de difficultés pour le travail des associations, et autant de désagréments pour le voisinage qui assiste impuissant à ce drame.
L’Etat, la Région et la Ville se renvoient sans cesse à leur responsabilité respective, et le jeu politicien qui se joue autour de cette question est difficilement compréhensible au vu de la gravité de la situation, pour ces personnes dans une grande précarité sociale et sanitaire, et pour les quartiers du Nord parisien, durement éprouvés ces dernières années. Il est des urgences qui méritent qu'on dépasse les clivages habituels pour le bien commun.
On ne pourra pas répondre efficacement à ce problème seulement par les voies, nécessaires, de la santé et de la sécurité, aujourd'hui il faut que les réponses s'engagent surtout sur la voie sociale et de la solidarité. Bien sûr, face à cette situation il faut plus de moyens pour la réduction des risques et les dispositifs d’accompagnement, comme l’ouverture de nouvelles salles de consommation à moindre risque, mais elles ne seront jamais suffisantes. L’urgence est l’ouverture de nouveaux hébergements, ainsi qu’un accompagnement social digne pour sortir ces personnes de la misère et ainsi les mettre à l’abri de l’influence des trafics, et également pour la tranquillité publique.
La Ville a déjà annoncé l’ouverture de 120 places supplémentaires (il y en avait 60) en hébergement pour ces personnes, c'est un effort certain, mais elles paraissent bien dérisoires face au nombre de personnes concernées. Il est vital que l’État, la Région et la Ville - les communes voisines concernées pourraient être associées - prennent leurs responsabilités face à cette question, et travaillent conjointement pour apporter des réponses d'envergure qui s'inscrivent dans la durée.