Lundi 10 décembre dernier, à l'école élémentaire du 11 rue Cavé, nous avons assisté à la présentation du projet d'aménagement des rues Myrha et Léon. Un projet très attendu par les habitants du quartier, tant l'état de ces rues est déplorable et la circulation piétonne y est difficile : trottoirs étroits et souvent encombrés, accès aux commerces difficile, stationnement sauvage, circulation automobile anarchique...
Disons-le sans ambages, nous avons été fortement déçus par le projet qui a été présenté à la bonne cinquantaine de personnes venue assister à cette réunion. En effet, le projet présenté, même s'il montre de - bien petits - élargissements de trottoirs et des passages piétons mieux sécurisés, est pensé d'abord pour les automobilistes et non pour les piétons. Certes, le projet est encore en discussion, mais il manque cruellement d'ambition par rapport aux attentes des habitants et commerçants. Seul point positif, la piétonisation sur quelques mètres de la petite portion de la rue Léon sise entre les rues Cavé et Myrha.
La rue Léon et plus encore la rue Myrha sont des artères centrales dans la vie du cœur de la Goutte d'Or. Dans le quartier, la rue Myrha est sans conteste la rue qui compte le plus de commerces de proximité, véritablement destinés aux habitants. Cette rue mériterait d'être un rue commerçante conviviale, consacrée essentiellement aux circulations douces et aux livraisons des commerces, et de cesser d'être un chemin de traverse pour des automobilistes indélicats. Et si l'on ajoute que cette année la nouvelle salle de concert du 360 va ouvrir précisément à l'angle des rues Léon et Myrha, cette requête semble plaider pour un avenir plus calme pour cette rue étroite. Et pourquoi pas sans voiture, le potentiel commercial est grand dans cette rue, elle pourrait devenir la rue Montorgueil des quartiers populaires.
Mais cela obligerait à revoir le plan de circulation du quartier. Eh bien justement, beaucoup d'autres facteurs plaident pour une révision en profondeur du plan de circulation dans le quartier de la Goutte d'Or, et nous l'appelons de nos vœux.
Penser les aménagements de manière globale
La Goutte d'Or va connaître de nombreux travaux de voiries dans les mois/années à venir, et pas seulement dans les rues Léon et Myrha. Au Sud, les travaux de la Promenade urbaine ont commencé sur le boulevard de la Chapelle ; le secteur des arcades de la rue de la Goutte d'Or/place Polonceau/rue Boris Vian doit être restructuré bientôt ; le budget participatif a permis à trois projets de voir le jour prochainement dans ce secteur : réaménagement de la rue Cavé, du pourtour de l'église Saint-Bernard et la rue-jardin Richomme. Ajoutons le secteur "Paris respire" récemment implanté et dont il est question de redéfinir les contours. Malheureusement, tous ces projets sont abordés de manière autonome, il n'y a pas d'approche globale ni de réflexion d'ensemble.
Les projets en cours ou à venir touchant la voirie et la circulation
C'est pourtant la meilleure occasion de revoir le plan de circulation du secteur et de mieux l'adapter, notamment aux contraintes urbaines et aux attentes des habitants très mécontents de la situation actuelle.
Un vœu pieux ?
En 2015, les problèmes de stationnement et de circulation dans la Goutte d'Or avaient fait l'objet d'un vœu au Conseil du 18e arrondissement ainsi qu'au Conseil de Paris. Un vœu dont nous ne sommes pas totalement étrangers. Ce vœu avait été alors voté unanimement par l'ensemble des élus parisiens.
Les préconisations de ce vœu n'ont malheureusement pas été suivies d'effet. Pourtant, il y a là les bonnes bases pour une réflexion sur la circulation et le stationnement dans la Goutte d'Or, à savoir :
- de mener une campagne de sensibilisation dans le 18ème arrondissement et plus particulièrement dans le secteur de la Goutte d’Or / Château Rouge sur les dangers du stationnement illicite et sur le nécessaire partage du domaine public entre les automobilistes et les piétons,
- de mener une étude en concertation avec les riverains, commerçants et associatifs pour mutualiser la recherche de solutions les mieux adaptées et les plus efficaces pour empêcher le stationnement illicite des véhicules en particulier sur les trottoirs, (par exemple : la possibilité de favoriser la piétonisation de certaines rues),
- de remplacer les potelets du parvis Saint-Bernard, par des structures plus pérennes (ex : jardinières ou croix de Saint-André),
- d’accroître les contrôles pour verbaliser les infractions au Code de la route.
Mais depuis, force est de constater que l'ambition n'a pas été au rendez-vous sur la question de la circulation et que la lutte contre le stationnement illicite n'est pas au niveau des problèmes rencontrés sur le secteur, et ils sont nombreux.
Stationnement illicite sur la zone piétonne devant le parvis de l'église Saint-Bernard
Une circulation de traverse problématique
Une bonne partie de la circulation automobile dans la Goutte d'Or n'a pas de rapport avec le quartier, ces véhicules se contentant de traverser le quartier, trouvant ici des "itinéraires malins" pour éviter les boulevards. Mais des rues aussi étroites et sinueuses que celles de la Goutte d'Or n'ont pas vocation à servir de voies de délestage des grands axes routiers voisins. D'autant que les automobilistes qui prennent ces raccourcis, camions de livraison et taxis pour beaucoup, roulent à vive allure, au risque de renverser un enfant sorti d'une des nombreuses écoles ou crèches du secteur.
Les lieux de fréquentation des enfants dans le quartier de la Goutte d'Or
Dans un article de juin 2015, Les raccourcis de la Goutte d'Or, nous pointions déjà le problème des "chemins de traverse" dans le quartier, à savoir les automobilistes qui prennent les petites rues du quartier pour des itinéraires de délestage des grands axes environnants. De plus, depuis la restriction à une seule voie de circulation sur le boulevard de La Chapelle dans le cadre de la Promenade urbaine, comme nous le craignions et en avions averti les autorités, les rues de Jessaint et de la Goutte d'Or servent dorénavant de deuxième voie du boulevard de La Chapelle aux heures de pointe.
Les chemins de traverse de la Goutte d'Or, 2015
Changer intelligemment le plan de circulation sur ce secteur permettrait de garantir que les rues du quartier soient toujours accessibles pour ceux qui y ont à faire quelque chose (habitants, commerçants, visiteurs), mais impossibles à emprunter pour les indélicats qui veulent juste traverser le quartier et n'ont que faire de la tranquillité et de la sécurité des habitants.
Trop de stationnements illicites
Laisser trop de véhicules pénétrer dans le secteur, c'est aussi entraîner un grand nombre de stationnements illicites, sur la chaussée, les trottoirs et surtout sur les passages piétons, bien trop souvent occupés par des automobilistes délinquants.
Les points récurrents de stationnement illicite dans la Goutte d'Or
Les week-ends, la situation est encore pire, les automobilistes, clients des magasins de gros de Château Rouge pour l'essentiel, cherchent à se garer coûte que coûte. Et toutes les options pour se garer sont envisagées, sur les passages piétons évidemment, mais aussi sur les trottoirs, devant les sorties de garages et sur les pistes cyclables, même sur les places de stationnement réservées aux services de police ! Pour les piétons, la situation est invivable, et ne parlons pas des plus fragiles, personnes âgées, personnes à mobilité réduite, parents avec poussette...
La piste cyclable rue d'Oran disparue sous le stationnement illégal
Une desserte du commissariat mal pensée
La rue de la Goutte d'Or accueille un commissariat de la police judiciaire, il ne s'agit donc pas d'un commissariat de quartier. De nombreux prévenus sont amenés ici, de jour comme de nuit, pour y être entendus et éventuellement placés en garde à vue. Le temps de ces procédures étant compté, pour les services de police il convient d'acheminer les prévenus le plus rapidement possible au commissariat.
Mais les trajets à emprunter pour les véhicules de police pour rejoindre ce commissariat depuis les grands axes, notamment depuis le boulevard Barbès, ne sont pas simples. De fait, de nombreux véhicules de police traversent les petites rues de la Goutte d'Or à vive allure. Rue Polonceau, où à certains endroits les trottoirs font moins d'un mètre de largeur, la circulation des piétons y est d'autant plus difficile.
Trajet des véhicules de police du boulevard Barbès jusqu'au commissariat rue de la Goutte d'Or
Il est évident que ce commissariat doit être accessible aux véhicules de police, mais les trajectoires actuelles ne sont satisfaisantes, ni pour les riverains, ni pour les policiers obligés à des contournements inutiles.
Stationnement d'un véhicule de police sur le passage piéton, pour une urgence viennoiseries, au croisement des rues de Chartes et de la Charbonnière
Repenser le plan de circulation dans le secteur serait une bonne occasion de prévoir des accès plus directs pour les véhicules de police, certaines petites rues proches du commissariat, comme la rue des Islettes ou la rue Caplat pourraient même leur être réservées. Ainsi, non seulement les policiers verraient leurs trajets simplifiés, mais le quartier y trouverait, en plus, une remarquable tranquillité.
Paris respire... pas vraiment
La mise en place d'une zone "Paris respire" sur le secteur Château Rouge est une bonne nouvelle pour le quartier... sur le papier. Dans la réalité, le secteur choisi est trop restreint, et il a des répercussions très négatives en terme de circulation et de stationnement sur les rues qui l'entourent, en premier lieu sur les rues Doudeauville, Léon et Myrha, mais également sur les rues Affre, Ernestine, d'Oran, Stephenson, Cavé, Richomme et Marcadet.
La rue Léon ne respire plus les jours de "Paris respire"
Sans compter que l'interdiction de circuler est très peu respectée, beaucoup de véhicules - encouragés par certains commerçants - y pénètrent en marche arrière, et depuis peu des commerçants se font livrer le samedi après-midi en pleine zone "Paris respire". En effet, les agents de sécurité chargés de faire respecter l'interdiction laissent passer les camions de livraison. Lorsque nous les avons interrogé sur ces agissements, il nous a été répondu qu'ils avaient pour consigne de laisser passer les véhicules de livraison ! Rappelons que l'opération "Paris respire" a été précisément mise en place pour empêcher ces livraisons anarchiques.
Livraisons rue des Poissonniers en pleine opération "Paris respire", samedi 22 décembre 2018
À notre sens, il conviendrait d'élargir ce secteur, d'y inclure les rues Myrha, Léon et Laghouat notamment. Il va sans dire qu'il est impératif de mieux faire respecter l'interdiction d'y circuler, avec une présence visible de la DPSP. Il faudrait aussi mieux communiquer sur l'existence de cette opération, en particulier avec, en amont, des panneaux à destination des automobilistes, pour éviter qu'ils ne viennent s'engouffrer dans le secteur et errer dans les ruelles de la Goutte d'Or. Et pourquoi pas songer à prolonger l'opération au dimanche ?
Une rue-jardin-bagnoles ?
En 2017, nous avons proposé le projet de la rue-jardin Richomme au Budget participatif. L'idée d'une piétonisation de la rue et de sa végétalisation avait alors été très bien accueillie par les habitants et a emporté leurs suffrages. Nous nous réjouissions d'un projet qui allait offrir un peu d'espace piéton pour les enfants en particulier. En effet, des centaines d'enfants et de parents empruntent quoti