Mardi, 11 heures, pas de marché, ni alimentaire, ni à la sauvette, la voie est libre jusqu'à l'entrée de l'Hôpital Lariboisière, rue Ambroise-Paré. Nous avons rendez-vous avec Christian Nicolas, directeur de l'hôpital et Marcel Grau, secrétaire général. Notre dernière rencontre date de janvier 2013 ; plus d'un an après, il est temps de faire le point. Précisons que la porte s'ouvre toujours facilement pour Action Barbès et que l'accueil est cordial. Non négligeable car le temps dans les hôpitaux est précieux.
Deux sujets à notre ordre du jour : les problématiques de proximité liées au quartier et le projet de restructuration de l'hôpital. Voici les questions d'Action Barbès et les réponses de nos interlocuteurs.
Abords de l'hôpital
AB : Lors de notre dernière rencontre, les échanges ont porté essentiellement sur les modifications de voirie liées à la présence embarrassante des porte-huit. Constatez-vous une amélioration de la situation ?
Le changement est significatif. La voie unique est un réel progrès. De même pour la sortie sur la rue Ambroise-Paré, là où vous êtes intervenus pour demander du stationnement deux roues. Quelques « pirates » (des chauffeurs de porte-huit) se risquent encore près de la maternité mais, globalement, on peut dire que rue Ambroise-Paré, tout va bien. Les porte-huit sont désormais rue de Maubeuge. Ils créent bien sûr des nuisances lorsqu'ils sont à l'aplomb du pavillon Gallien qui accueille le service de réanimation. Une rencontre avec le chef de secteur Vinci a eu lieu récemment. On a pu en discuter. La rue de Maubeuge est aussi un lieu de stationnement des autocars de tourisme qui viennent récupérer ou déposer leurs clients derrière la gare du Nord. Ils sont nombreux particulièrement le dimanche. On en retrouve aussi sur le pont des voies de chemin de fer de la gare. Il faudra absolument trouver des solutions avant la construction du nouveau bâtiment à l'angle Chapelle-Maubeuge car une entrée sera créée rue de Maubeuge.
AB : Nous savons qu'une étude a été menée pour améliorer l'intermodalité aux abords de la gare du Nord. Dans ce cadre, il est question de l'actuelle gare routière située rue du faubourg Saint-Denis. Cet espace pourrait peut-être accueillir porte-huit et autocars? Action Barbès a remis une proposition de « promenade urbaine » entre Barbès et Stalingrad à la nouvelle Maire de Paris. Nous y abordons la nécessité de revoir le plan de circulation du secteur de l'hôpital, de la place de La Chapelle. Ce projet de notre association a reçu un écho favorable auprès des nouvelles équipes municipales des 18e et 10e arrondissements.
La municipalité soutient ouvertement notre projet de restructuration du quartier (plan, accès, circulation, parking, aménagement urbain). Pour terminer sur ce point de la circulation, le passage Paré-Patin qui débouche sur le boulevard de Magenta facilite la circulation des ambulanciers indéniablement. Par contre, les modifications du carrefour Tombouctou-Chapelle sont incompréhensibles et il est urgent de ré-ouvrir le passage sous le viaduc au débouché de la rue de Maubeuge. Pour le projet Lariboisère, il ne faut pas oublier que si les flux ne sont pas forcément plus importants à l'avenir, les entrées seront modifiées.
AB : Les marchés à la sauvette qui perdurent mais se déplacent et occupent les trottoirs du boulevard ont-ils des conséquences pour l'hôpital?
Nous y avons été confrontés lorsque les trottoirs étaient occupés rue Guy-Patin et rue Ambroise-Paré, notamment devant l'entrée des urgences de la maternité. Ils ont actuellement disparu de la rue Guy-Patin, mais nous voyons le mercredi des nouvelles populations entrer par les urgences boulevard de La Chapelle quand ils sont refoulés par les mouvements des policiers. C'est le « jeu » du chat et de la souris avec la police. Le samedi, on ferme les accès pour une meilleure sécurité. Les détritus d'après-marché se retrouvent aussi dans l'enceinte de l'hôpital, sans doute poussés par le vent. Il semble que les brigades d'après-marché ne nettoient pas les trottoirs du 10e. (Nous allons interroger les services de la propreté à ce sujet.)
AB : Comment évolue la situation par rapport aux toxicomanes qui fréquentent le quartier ?
Il y a toujours des intrusions. Les couloirs de l'hôpital sont ouverts au public, on ne peut pas aller contre... On retrouve donc des usagers de drogues un peu partout, notamment dans les toilettes. Des vols sont à déplorés également. Des coffres ont donc été installés dans les chambres. Nous avons rencontré le commissaire Ségura successeur provisoire de Gilbert Grinstein qui a quitté le 10e, et échanger sur la nouvelle brigade spécialisée territoriale (BST).
AB : La salle de consommation à moindre risque (SCMR) n'a pas pu ouvrir ses portes (voir notre article du 29 décembre). Comment vous positionnez-vous par rapport à ce projet. Quelle est la position de l'Hôpital en général ?
L'hôpital n'a pas vocation à accueillir une SCMR, bien qu'il existe un service de prise en charge de la toxicomanie très efficace ici (Dr Frank Bellivier). Mais c'est important de bien séparer les choses. Le soin, le sevrage ne sont pas dans la même démarche. Avec la salle on est dans la réduction de risques. Comme les distributeurs de seringues stériles, qui ont initié le processus... Il pourrait être poursuivi avec la SCMR. Certains leur ont reproché d'attirer les trafics mais les gares sont des plateformes, notre quartier en fait partie. Le bus Gaia a son rôle : situé rue de Maubeuge, il est plus discret aussi bien pour les usagers que pour les riverains. La ville dit ne pas abandonner le projet, le maire du 10e y tient. Les riverains commencent à comprendre l'intérêt d'une telle structure. Nous restons optimistes.
AB : Pour terminer sur un aspect culturel, seriez-vous favorable à la mise à disposition des murs du boulevard de La Chapelle pour le street art, si l'opération est financée par la Ville dans le cadre du projet de « promenade urbaine » ?
Il est indéniable que le mur entre la rue Guy-Patin et l'entrée des urgences est délabré. Mais il est encore solide et le refaire supposerait un financement. L'APHP a d'autres priorités. Pour le nettoyage des bâtiments tagués, même remarque sur nos priorités de dépenses. Mais pas d'opposition de principe pour une installation par des artistes.
Projet de restructuration du pôle Widal-Lariboisière
AB : Quelles décisions ont été prises récemment au niveau de l'APHP et au niveau ministériel ? La vente des terrains de Fernand-Widal a-t-elle commencé ? Peut-on raisonnablement envisager un calendrier ?
Les Architectes des Bâtiments de France (ABF) jugent que la construction d'un nouveau pavillon dans l'angle Nord-Est est faisable (pas d'opposition si respect des parties protégées). Nous disposons au sol d'environ 7000 m2 constructibles. Il faut remettre en valeur l'ensemble, supprimer les verrues, construites au fil du temps... Les pavillons Est seront consacrées aux consultations de médecine. Toutes les urgences seront réunies au rez-de-chaussée sur ce nouveau bâtiment. Une modification notable : l'entrée des véhicules s'effectuera par le boulevard de La Chapelle, et les patients entreront par la rue de Maubeuge. L'entrée principale rue Ambroise-Paré sera maintenue. On passera tous les lits dans le nouveau bâtiment (environ 35 000 m2). Le site présente la possibilité précieuse de faire des travaux tout en conservant les services de l'hôpital actifs. En ce qui concerne les « peignes » (c'est ainsi qu'on appelle les pavillons d'origine) ainsi libérés côté ouest, on verra par la suite quant à leur utilisation et à l'optimisation des espaces. La maternité, le service de rhumatologie et l'Inserm ne bougeront pas.
Pour tenter de répondre à vos questions sur la vente de Fernand-Widal et le calendrier des travaux, il faut savoir que le nouveau directeur de l'APHP (Martin Hirsch ) a signifié son accord sur le projet Lariboisière-Saint-Louis. Mais il a deux exigences. La première sur le financement de l'opération et là, les négociations actuelles lui paraissent insuffisantes; il demande une augmentation des subventions de l'Etat, car la vente de Fernand-Widal ne suffira pas à couvrir, et de loin, le coût de la restructuration. Il faut aussi aller plus loin dans l'optimisation du site. La deuxième exigence est d'obtenir une cohérence de l'offre de soin entre ce projet (Nord 1) et celui de Beaujon-Bichat ( Nord 2). Ce dernier est encore plus important. Ces deux sites ont des obligations de sécurité très importantes. Pour Nord 2, un nouvel hôpital doit être construit, car le coût de la rénovation n'est pas avantageux par rapport à la construction neuve. Pour la concrétisation des deux projets, nous sommes sur des échéances à 15 ans. Claude Evin, directeur général de l' Agence régionale de santé est très déterminé sur la nécessité d'investir sur le nord de Paris. On a plutôt une bonne convergence : A Lariboisière, neuro sciences, locomoteur, urgences générales et urgences de spécialités. A Bichat, cardiologie, maladies infectieuses et équipes de recherche. A Beaujon, le digestif.
Calendrier
Le dépôt du dossier à la commission nationale qui examine et détermine la subvention à laquelle nous aurons droit doit être fait d'ici à la fin de l'année, c'est l'aspect financier. L'objectif est de démolir dans 2 ans (2017) et d'avoir un bâtiment neuf à l'horizon 2020-21.
Nous devrons donc patienter pour voir les premières pelleteuses rue de Maubeuge. D'ici là, nous comptons bien aller dans le même sens que la direction de l'hôpital pour pousser la Ville de Paris à élaborer très rapidement un diagnostic et lancer la concertation bien en amont sur les transformations que le projet implique. Notre projet de "promenade urbaine" recoupe celui de Lariboisière. Notre association devrait présenter un vœu lors du premier conseil d'arrondissement de cette nouvelle mandature pour demander la mise en place d'une Commission extra municipale des déplacements (CEMD) inter-arrondissements 10-18. (Vœu qui sera en ligne pour ce conseil du lundi 12 mai.)
Commentaires
Qui a dit que l'hôpital n'a pas "vocation" à accueillir un SCMR ? N'est pas à la collectivité de se prononcer sur ce point ?
Les missions de l'hôpital impliquent une adaptabilité aux besoins de la population et une réactivité face aux fléaux de santé publique.
@Elsa : votre commentaire ne tient pas compte d'un certain nombre de critères qu'il faut préciser.
Un hôpital délivre des soins à des malades. C'est son unique objet. Une SCMR est un lieu de prévention des risques. Elle ne délivre pas de soins, elle accompagne les toxicomanes pour faire en sorte que les risques liés à leur toxicomanie soient évités. Donc l'hôpital n'a pas vocation à recevoir une SCMR. Vous allez me dire : oui mais les toxicomanes sont des malades qui ont besoin de soins. Bien sûr, mais alors nous sortons là du cadre de la prévention des risques pour passer au traitement lié à une éventuelle désintoxication par exemple. Ce sont deux choses extrêmement différente.
Il faut ajouter que la réussite d'une politique de prévention des risques pour les toxicomanes dépend des toxicomanes eux mêmes, il faut qu'ils aillent dans la structure. Les SCMR sont essentiellement faites pour les plus précaires, les plus solitaires d'entre eux et ceux-là ne vont pas à l'hôpital pour s'injecter leur dose, c'est une évidence.
Régler les questions de santé publique ne passe obligatoirement par l'hôpital. Regarder le fantastique travail des Alcooliques Anonymes, d'AIDES .... et tant d'autres. L'association GAIA qui devrait gérer la SCMR du boulevard de La Chapelle fait partie de cette mouvance.