Le thème de l'errance autour des gares, les deux que possèdent le quartier, gare de l'Est et gare du Nord, a débouché sur de nombreuses interventions autour de la toxicomanie et de l'hébergement des plus démunis, qu'ils soient tombés dans la drogue ou non.
Nous vous proposons ici un compte rendu que nous espérons fidèle. Ceux qui ont assisté mercredi soir à la réunion sont très gentiment sollicités pour donner leur avis, faire des commentaires, rectifier s'ils pensent que nous n'avons pas rendu l'intégralité des propos. Le blog doit servir à cela aussi.
Nous avons apprécié les propos d’Alexandra Cordebard, à qui la conclusion de la réunion incombait en tant que première adjointe au maire du 10e. Revenant sur les critiques à mi-voix entendues au cours des débats, quand il s’agissait de savoir qui de la ville ou de l’Etat était responsable de la quiétude de nos quartiers, elle a déclaré qu’en effet, les solutions étaient politiques et qu’elle s’autorisait à le dire clairement. Les missions d’ordre public et d’aide aux plus démunis sont du ressort de l’Etat, et la Ville n’a pas les moyens ni juridiques, ni financiers, de pallier toutes les carences. Toutefois, elle a affirmé que la volonté de l’équipe municipale, maintes fois démontrée, était d’éviter la « double peine » aux habitants du 10e, d’un côté, leur éviter les désagréments liés à la présence concentrée de l’errance et de la toxicomanie et de l’autre, faire le maximum pour venir en aide aux personnes tombées dans l’errance et la toxicomanie. Les solutions passent par un travail de fond et si possible coordonné entre les différents acteurs de terrain et les donneurs d’ordre ou bailleurs de fonds. L’idéal serait un mano a mano ville-état… Elle a souligné toutefois que cette collaboration existe entre la mairie du 10e et le commissariat de police du 10e, qui reste très à l’écoute de la problématique, bien qu’il ait subi une perte de 10% de son effectif.
Pour ce qui est du problème de la toxicomanie, on ne l’efface pas pour toujours quelles que soient les méthodes choisies ; tous les pays, toutes les villes y sont confrontés, il appartient à l’humanité, il a existé de tout temps, comme l’avait dit Pierre Leyrit un peu plus tôt.
Environ 60 personnes assistaient au conseil de quartier.
Les élus présents étaient A.Cordebard, E. Algrain, S. Meiers Naem et S. Bribard.
En première partie, un bref retour sur le projet du CQ pour améliorer l’aspect de l’escalier monumental de la rue d’Alsace, le rendre plus agréable aux yeux des riverains et plus sûr lors du passage des usagers de la gare de l’Est. Fanette Brissot a fait le point : on se propose d’alerter les services de la Ville de la nécessité d’un nettoiement plus en profondeur, de l’urgence de travaux de sauvegarde et de sécurisation de cet espace, de l’utilité de l’embellir, de mieux l’éclairer et d’y implanter des panneaux informatifs pour les habitants, les passants, les usagers de la gare et les touristes.
On a pu constater toutefois au cours de cette approche que les budgets à la mesure de la tâche ne sont pas disponibles.
Suit une brève information sur Circul’livre, qui se tient tous les premiers dimanches du mois, et en conséquence aura lieu dans le marché Saint-Quentin, dimanche prochain.
Elfie Comin aborde ensuite le thème principal : « Errance autour des gares » et présente les deux responsables, Mme Le Bars de l’association Solidarités actives et le référent de la SNCF, Patrick Jud, qui est chargé de coordonner les différentes actions et les relations entre les acteurs locaux dans le cadre du projet de dimension européenne Hope in stations.
Ce projet se propose
- de mener une réflexion sur la gare comme lieu d’attraction de l’errance,
- de formuler un discours politique apte à sensibiliser les autorités publiques,
- de faire un bilan des outils mis en place dans 7 pays européens confrontés à la problématique de l’errance dans et autour des gares. L’idée est d’évaluer l’efficacité des dispositifs existants à l’aide d’enquêtes poussées auprès des personnes en errance, des agents travaillant dans les gares, des travailleurs sociaux et des habitants de la zone, de les apprécier (offres d’hébergement, réponses aux problèmes de santé, de sécurité, accueil d’urgence, main courante pour fixer les demandes, etc.) et de choisir les plus appropriés pour les mettre en place. Trois pays ont accepté de s’associer au projet, ce sont la France, la Belgique et l’Italie. Chacune des entreprises ferroviaires de ces pays a nommé un référent social. D’autres pays, moins avancés mais intéressés, sont l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne et la Pologne.
La réflexion commencée en janvier 2010 doit se terminer en décembre 2011.
En France, c’est Patrick Jud, de la direction du développement durable de la SNCF, en poste depuis un an. Il a une mission de pivot entre les agents de la SNCF, les agents de la propreté de la Ville, les commerçants, les habitants, les associations locales (Itinérances, Aux captifs, la libération , Arc 75), le parking Vinci. L’une des taches va être de créer un lieu unique proche, sans doute situé près de la rue La Fayette, tenu par une association, et apte à accueillir toutes les personnes en grande précarité et les orienter vers la bonne association.
Les questions de la salle :
- le dispositif s’adresse-t-il aussi aux toxicomanes ?
- une dame s’interroge du retour subit de personnes en grande précarité dans sa rue des Petits hôtels récemment.
- Un habitant souligne le décalage entre l’approche des initiateurs du projet et la vision des voisins de la gare. Il s’étonne aussi de l’absence de la police, car souvent les problèmes sont sécuritaires. Il réclame aussi des salles de consommation pour la réduction des risques.
- Une dame demande comment les lieux d’implantation des distributeurs de seringues sont définis.
- Une jeune femme, empruntant quotidiennement la gare du Nord, estime que la SNCF a vidé la gare de ses occupants non désirés, qui sont maintenant aux abords et sont devenus un problème de voisinage.
- Elisabeth Carteron souligne qu’il est curieux d’entendre la SNCF s’engager dans des partenariats censés assister les précaires, engager des référents, et par ailleurs réduire les heures d’ouverture des gares et le nombre des agents qui y travaillent.
- Un habitant estime que la gare du Nord a une vraie particularité, c’est la présence en nombre des jeunes toxicomanes errants.
- Une habitante de la rue Ambroise Paré la considère dangereuse, elle estime par ailleurs que la police connaît le dealer en chef du quartier, comme le reste des riverains, mais ne l’interpelle pas. Pourquoi ?
Elfie constate que l’essentiel des questions de ce soir fait remonter les problèmes de toxicomanie.
- Une habitante demande à ce que l’hôpital s’implique dans les problèmes de drogue, qui peuvent relever du domaine médical.
- Une autre habitante souhaite savoir si les associations travaillent en coordination.
- Rue du 8 mai, l’espace devant le Monop est jugé problématique car occupé par une population parfois agressive.
- E. Carteron suggère que les locaux de Fernand Widal soient considérés comme un espace possible pour la création d’un accueil toxicomanie à la suite de la restructuration de l’APHP.
Les réponses des intervenants et acteurs de terrain :
Patrick Jud reprend la parole pour répondre aux questions ; il précise que la SNCF a aussi des problèmes de toxicomanies dans ses toilettes (injection) par exemple. Qu’elle n’a pas choisi de « sortir » les errants de ses gares, contrairement à d’autres pays (l’Espagne par ex.). Que les actions seront limitées aux abords immédiats. Qu’elle s’implique dans l’aide aux précaires, tente d’offrir des emplois de réinsertion à ceux qui ont envie d’un retour dans la vie sociale.
Stéphane Bribard est élu du 1Oe, chargé de la jeunesse et de la prévention. Il intervient pour expliquer les efforts de la Ville en la matière : elle a revu récemment la rédaction du Contrat local de sécurité avec mise à jour des thèmes. Les deux problématiques jugées essentielles à relancer en priorité cette année sont la prostitution (Gare du Nord, Belleville, Château d’eau) et la toxicomanie ; l’action politique de la ville est globale : elle finance les associations, les coordonne, les soutient. Mais elle ne peut pas se substituer aux carences de l’Etat totalement.
Le représentant de la FNARS (Fédération nationale d’accueil et de réinsertion sociale) rend hommage au travail des associations. Il explique que depuis l’abrogation de la loi sur le vagabondage votée en 1994, il est devenu impossible de déplacer une personne qui ne le souhaite pas, y compris pour son bien et sa sécurité. Les réponses à l’urgence sont le 15 en cas de détresse médicale, ou la police en cas de trouble à l’ordre public.
François Leforestier, de l’antenne 10e de l’association Aux captifs, la libération, travaille en convention avec la SNCF depuis de nombreuses années. Elle vient en aide aux personnes en grande précarité sur trois gares (Nord, Est, Saint-Lazare), est active sur le nord du 9e et sur le 10e. Son local est situé rue de Rocroy. L’asso cherche à recréer du lien social, à rétablir une relation de confiance pour tenter une réinsertion dans la société et quitter la souffrance morale et sociale dans laquelle les personnes sont tombées.
Quelques chiffres : sur l’année 800 personnes sont rencontrées régulièrement, 1000 personnes ont bénéficié d’un suivi social, dont 150 sont passées par l’accueil de jour de la rue de Rocroy, 400 sont domiciliées par l’asso, qui travaille aussi en partenariat avec Bichat dans le cadre d’un suivi des situations liées à l’alcoolisme.
Aux captifs, c’est 15 salariés et 40 bénévoles.
Dominique Bourdin, coordinateur de la mission SDF de l’Hôtel de Ville (en lieu et place d’Olga Trostiansky qui n’a pu se libérer), déclare que la Ville est très sensible aux problèmes du 10e, qui concentre des caractéristiques liées aux gares, de tous temps, arrivée de clandestins de tous les territoires de l’Est, du grand Est, jusqu’à l’Afghanistan, prostitution, errance, toxicomanie…Il souligne que nombre de ces problèmes relèvent de la compétence de l’Etat mais que la Ville ne détourne pas les yeux pour autant. Elle travaille aussi avec le commissariat. La salle murmure… et laisse entendre qu’il botterait en touche… au nom de la Ville. Dominique Bourdin rappelle alors que le retour de nombreuses personnes dormant dans la rue est du à la fermeture des hébergements à la sortie de l’hiver : ce sont 1000 personnes qui se retrouvent à la rue. Et grosso modo une centaine dans les rues du 10e.
L’Association Itinérances offre de l’accueil de jour ; ce sont 70 personnes par jour pour un budget de 800 euros par jour, qui sont accueillies, à qui on offre un café chaud, la possibilité de se doucher, de laver ses vêtements (machine à laver disponible), une protection... La moyenne d’âge des personnes accueillies est d’à peine 22 ans. L’équipe compte 5 personnes, qui le soir assurent aussi les maraudes.
Pierre Leyrit de Coordinations toxicomanies, actif dans le 18e, explique l’ampleur du problème. La toxicomanie n’est pas un problème conjoncturel, il est illusoire de penser qu’on peut l’éradiquer avec des mesures classiques. La présence des toxicos sur la Gare du Nord est très ancienne. Avec Marguerite Arène de la Mission de prévention des toxicomanies de l’Hôtel de Ville, il évoque aussi la présence des distributeurs de seringues, dans le cadre de la lutte de réduction des risques de transmission du VIH. Il existe 34 de ces automates sur Paris, qui distribuent 300 000 seringues par an ; et sur le 10e, 100 000. Ils n’attirent pas les toxicos, ils répondent à une demande et fonctionnent 24 h sur 24. Ils répondent également à la demande des toxicomanes qui habitent la banlieue et s’approvisionnent près des gares.
Il faut bien voir que les problèmes d’errance sont souvent, pas toujours, liés à celui de la toxicomanie, mais surtout au manque d’hébergement. Il n’est pas d’accord avec le choix de la SNCF de ne pas regarder un peu plus loin que les abords de ses gares.
Encore quelques questions de la salle, comme
- pourquoi les arrondissements de droite sont-ils moins touchés par ces problèmes?
- pourquoi la loi sur le vagabondage a-t-elle été abrogée en 1994 ?
- comment se fait-il que la rue Ambroise Paré soit dans un tel état de malpropreté ? comme plus tôt une autre habitante a relevé l’état déplorable de la rue du 8 mai 45 et de la rue du faubourg Saint-Denis.
- Christiane Izel demande le mode d’emploi quand on constate un problème dans une gare. (guichets fermés et pas de personnel pour une prise en charge)
- Une habitante se dit admirative du travail fait par les associations mais demande que les élus insistent pour qu’il y ait davantage de policiers dans le 10e.
auxquelles malheureusement des réponses précises ne seront pas faites car le temps manque... Ne faudra-t-il pas lors de prochains conseils limiter le nombre des interventions, pour que l'échange ait lieu dans un climat encore plus serein, dans lequel chacun pourra prendre le temps de s'exprimer.