Mise en place au printemps 2018, la zone Paris-respire Goutte d'Or - Château-Rouge s'installe dans les habitudes du quartier, mais plusieurs sérieux problèmes demeurent, et la situation n'est toujours pas satisfaisante pour certains habitants.
Un secteur mal contrôlé
Plusieurs points de contrôles sont censés assurer que seuls les rares véhicules autorisés puissent pénétrer dans le secteur "sans voitures". Pour cela, une société de gardiennage est déléguée pour effectuer ce contrôle. Mais en fait de contrôle, en observant rapidement les différents points, on se rend vite compte qu'il est très hypothétique et que les règles qui devraient être appliquées ne le sont que très partiellement.
D'abord, en discutant avec les vigiles chargés des contrôles - dont le travail n'est pas simple tant ils doivent subir l'agressivité de certains conducteurs -, on constate que ces derniers ne connaissent quasiment aucun nom de rue du secteur et n'ont aucun document qui les liste, ni aucun plan du quartier. Alors comment savent-il qu'un quidam qui se présente habite ou non le secteur (situation qui vous permet d'accéder à la zone) vous demandez-vous ? Eh bien, nous l'avons expérimenté, et il s'avère que le simple fait d'habiter le 18e arrondissement suffit pour que ces vigiles vous laissent passer sans autre vérification ! Voilà qui explique ces véhicules qu'on voit traverser la zone sans s'y arrêter.
Pour les livraisons, c'est pire encore, les vigiles ignorent tous (tous ceux à qui nous l'avons demandé en tout cas) l'arrêté municipal de restriction des livraisons sur le secteur (les livraisons y sont interdites après 11 h le samedi, horaire du début de l'opération Paris-respire). Ce qui semble être aussi le cas, et là c'est plus grave, des agents de la DPSP (la "future police municipale") qu'on a pu voir à plusieurs reprises fermer les yeux devant des camions de livraison pénétrant dans le secteur en plein après-midi !
Scène ordinaire : un camion de livraison vient de passer un point de contrôle et s'apprête à décharger sa cargaison, garé sur un passage piéton (nota : une équipe de la DPSP passera devant cette scène sans intervenir)
Une zone peu contrôlée
À l'intérieur de la zone, si la circulation est considérablement réduite, et c'est tant mieux, il y a là aussi des problèmes qui persistent. Le stationnement sauvage semble toujours être la règle, ainsi, les trottoirs dépourvus de potelet, les passages piéton, les entrées de garage, ou tout espace libre, deviennent des parkings de circonstance, sans le moindre PV en vue là non plus. Quant à la fourrière, elle est intervenue une seule fois au début de la mise en place de l'opération, avec de nombreux véhicules enlevés, depuis nous ne l'avons plus jamais revue.
Dans le périmètre, les véhicules qui y circulent (la plupart ne devrait pas s'y trouver) roulent relativement vite et là aussi klaxonnent les piétons qui osent, les impudents, s'aventurer dans une zone "piétonnisée". Ajoutons certains comportements très dangereux de certains automobilistes qui empruntent des rues en sens interdit, par exemple. Sanctionner ces comportements relève de la Police nationale, comme de nombreux autres infractions et délits, mais la préfecture ne semble guère se soucier de la délinquance routière sur ce secteur comme ailleurs à Paris.
Un périmètre encore mal dessiné
Le secteur a été agrandi deux fois déjà, une première fois qui dépassait largement le petit périmètre expérimental très restreint, en mars 2019, et une seconde un peu après en incluant la rue Marcadet au périmètre. Mais les limites actuelles provoquent de nombreux désagréments pour les riverains aux alentours, avec des bouchons continuels de voitures.
La portion de la rue des Poissonniers (entre le boulevard Barbès et la rue Myrha) et celle de la rue Myrha (entre la rue des Poissonniers et le boulevard Barbès) non incluses dans le périmètre sont un véritable non sens. Ces deux portions de rue ouvertes à la circulation ne servent qu'à laisser s'engouffrer des véhicules qui forment là un embouteillage, venant du boulevard Barbès, pour ressortir quelques mètres plus loin... boulevard Barbès. Il va sans dire que la circulation sur le boulevard s'en ressent grandement.
Négociation pour entrer dans le périmètre rue Saint-Mathieu
Côté est, la rue Stephenson marque la limite extérieure du périmètre Paris-respire. Pour les habitants de cette rue, chaque samedi est la promesse d'un enfer de klaxons et d'un ballet de manoeuvres dangereuses d'automobilistes qui persistent à faire des tentatives pour pénétrer dans la zone qui leur est pourtant interdite. Il est courant également de voir des conducteurs de scooter prendre les trottoirs, klaxonnant les piétons à tout va pour se frayer un chemin !
Et ne parlons pas du stationnement sauvage sur les trottoirs de la rue Stephenson, les véhicules s'y comptent par dizaines, sans qu'aucun PV n'atterrisse sur leur pare-brise, ni qu'aucun véhicule de la fourrière n'intervienne.
Ajoutons que le bus 302 qui passe par cette rue voit ainsi son parcours considérablement ralenti par cette portion de trajet tous les samedis. Ici on ne respire pas trop.
Un samedi ordinaire rue Stephenson
Il faut élargir le périmètre et le contrôler, vraiment
Ces constatations nous laissent à penser que si la zone Paris-respire Goutte d'Or - Château-Rouge est globalement une bonne idée, appréciée des habitants (dans la zone seulement), il est néanmoins indispensable d'en redessiner ses contours.
Il s'agirait d'inclure dans la zone l'ensemble des rues comprises entre au nord la rue Ordener, à l'est la rue Marx-Dormoy, au sud, le boulevard de la Chapelle et à l'ouest le boulevard Barbès. L'ensemble de la Goutte d'Or bénéficierait de cette opération, car rappelons-le le quartier est celui de Paris dont les habitants possèdent le moins de voitures (moins de 20 % des foyers possèdent un véhicule automobile), il semble normale qu'ils ne subissent pas celles des autres.
Ce secteur agrandi intègrerait, en plus des voies actuelles, les rues Stephenson, Doudeauville (entre les rues Marx-Dormoy et Stephenson), Jean Robert, Jean-François Lépine, de Jessaint, de la Goutte d'Or, Caplat, de Chartres, de la Charbonnière, de Tombouctou, Polonceau, des Gardes (entre les rues de la Goutte d'Or et Polonceau), des Islettes, Saint-Bruno, Saint-Luc (entre les rue Polonceau et Saint-Bruno), Pierre l'Ermite, Affre (entre les rues de Jessaint et Saint-Bruno), des Poissonniers (entre le boulevard Barbès et la rue Myrha), Myrha (entre la rue des Poissonniers et le boulevard Barbès). Et le nombre de points de contrôle supprimés correspondrait à celui de ceux à créer.
Carte du périmètre actuel
Mais ce périmètre redéfini ne saurait fonctionner correctement que si les vigiles en charge du contrôle des entrées de la zone sont correctement informés, avec des consignes claires et appliquées strictement. Il en va de même pour les agents de la DPSP : il est indispensable qu'ils soient présents en nombre et à l'initiative pour que le samedi, la Goutte d'Or et Château-Rouge respirent enfin.
Nous aurions pu également évoquer d'autres secteurs Paris-respire dans nos quartiers. Car même si la situation n'y est pas autant problématique, il serait nécessaire aussi de mieux contrôler les entrées des zones Paris-respire de Montmartre (18e), Trudaine (9e) et rue des Martyrs (9e). Car là aussi, la situation n'est toujours pas satisfaisante.