C'est un événement de faire venir des commerçants dans un conseil de quartier, surtout pour leur faire raconter leur métier, leur environnement, les problèmes qu'ils rencontrent. Comme nous l'avons dit dans un précédent article, le marché ferme à 20 heures le soir, mais la journée n'est pas finie pour autant. Il faut encore descendre les denrées dans les chambres froides, situées au sous sol du marché, s'il s'agit de produits frais, ou simplement ranger les stands pour le lendemain. Pas facile dans ces conditions de participer aux réunions des Conseils de quartier.
Le marché couvert est une petite société organisée sous sa grande halle historique avec ses avantages et ses inconvénients, ses bonheurs et ses problèmes. Les marchands, au nombre de 35 actuellement, sont réunis dans une association des commerçants avec un bureau et un président. Les pouvoirs du président ne sont pas immenses, mais il est le représentant de l'ensemble des commerçants du marché face aux institutions et c'est lui qui est l'interlocuteur privilégié du gestionnaire du marché, la société Bensidoun.
Qu'est ce que le gestionnaire d'un marché ?
Après un processus courant de désignation d'un concessionnaire de la ville (procédure des marchés publics), le groupe Bensidoun a remporté la gestion d'une partie des marchés parisiens, couverts ou découverts, majoritairement les marchés des « beaux quartiers » (Saint-Honoré, Maubert, Monge, Port-Royal, Raspail, Gobelins, Saint-Germain, Passy, Ternes), tous les marchés du 13e, du 14e et les puces de Montreuil, et en prime les deux marchés couverts du 10e (Saint-Martin et Saint-Quentin).
Il existe trois autres gestionnaires de marchés : la société Dadoun (Barbès et Anvers, notamment), la société Cordonnier Frères et la société EGS (le précédent gestionnaire du marché).
Quel est son rôle ?
Il enregistre les demandes d'espace par catégorie et ordre d'arrivée sur les marchés qu'il gère et établit en fonction de l'admissibilité des candidats les délais d'obtention d'un espace linéaire sur un marché découvert et d'un stand dans un marché couvert.
La Direction du développement économique, de l'emploi et de l'enseignement supérieur (DDEEES) à la Mairie de Paris est là aussi pour donner quelques renseignements utiles (8 rue de Citeaux 12e, Tél. : 0171192000).
Le gestionnaire a pour mission de veiller au bon fonctionnement du marché, il veille à son entretien, à sa visibilité, en créant des animations, il fait en sorte que les conditions soient réunies pour que l'activité soit prospère pour tout le monde.
Qu'en pensent les commerçants qui nous ont accueillis ?
Très prosaïquement, la halle a beau être magnifique, protégée, témoin de l'histoire de Paris, elle est glaciale en hiver ! C'est une des premières réflexions que les commerçants que nous sommes allés rencontrer, avant les vacances d'été et plus récemment, nous ont fait quand nous avons abordé leur conditions de travail. Selon les produits vendus la température est perçue de façon différente, mais en cas de gel, les fruits et légumes souffrent autant que les vendeurs ! Pas beaucoup de différence avec un marché découvert dans ce cas. La grande hauteur de la halle absorbe tout effort pour dégourdir l'air froid. Les quelques radiateurs à résistance installés sur la structure de l'espace de convivialité nous ont paru à ce titre une pure absurdité et un gouffre financier impardonnable à l'heure des économies d'énergie !
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Un autre sujet qui fait débat est la visibilité du marché Saint-Quentin. Caché derrière une structure opaque, à hauteur d'homme, hormis les quatre portes vitrées et les verrières en hauteur, il reste assez confidentiel pour les promeneurs et les touristes. Peu se hasardent à entrer, ne serait-ce que « pour voir » et les plus curieux se limitent souvent aux stands situés au plus près du boulevard de Magenta, ignorant par exemple qu'il existe au fond (côté Chabrol) un espace offrant tables et chaises à proximité des traiteurs. Un comble car ils pourraient y déjeuner à des prix abordables en toute tranquillité. On nous dit de bonne source que des flyers ont été édités pour une distribution dans les gares toutes proches. Une meilleure communication, à fréquence régulière, serait la bienvenue. On nous a également rapporté qu'un budget annuel de 10 000 euros destiné à la communication apparaissait sur les bilans du gestionnaire de marché, mais que le détail n'en était pas relaté. Info ou intox ? Peut-être va-t-on assister à une pression plus forte sur le président des commerçants pour que ses exigences en cette matière s'affirment davantage.
Une autre revendication commune à plusieurs commerçants : une fermeture un peu plus tardive, notamment pour répondre à la demande des jeunes couples parisiens qui ont pris l'habitude de « passer au Monop' en rentrant » ! C'est une concurrence avec laquelle il faut compter. Les marchands ne peuvent pas vivre de la seule activité du week end. Certains verraient bien des nocturnes les jeudis jusqu'à 21 heures, ou même un peu plus tard, avec des dégustations... pourquoi pas. Profiter aussi d'événements récurrents comme la journée du goût pour organiser des moments de convivialité. Bien sûr, les samedis toute la journée et les dimanches matin sont les jours de grande activité. On retrouve le côté province des courses au marché. On ne perd même pas patience en attendant gentiment son tour. Et tant pis si ce jour-là on déjeune à 15h.
Le marché Saint-Quentin recèle de fortes personnalités, parmi celles-ci Dédé, qui a cédé une épicerie dans le 11e, au bout de 4 ans, pour un stand de fruits et légumes dans notre marché du 10e, il y a plus de vingt ans. Bien qu'il demeure à Montreuil, il est dès 4h du matin à Rungis, 5 jours de la semaine, pour offrir les meilleurs produits à sa clientèle. Il s'est étendu il y a 15 ans en reprenant le stand laissé inoccupé par un marchand bio, mais sa tentative de faire également des produits bio a tourné court à la suite de la protestation d'un autre commerçant. Est-ce que trop de bio tuerait le bio ?
La marchande de produits portugais est également une figure du marché Saint-Quentin. Plusieurs fois interviewée dans des revues, elle ne donne pas son sourire à votre appareil photo sans qu'on s'explique un peu. Goûter, c'est l'adopter ! Cette vieille réclame s'applique avec bonheur à tous les produits du stand de Madame Gonzalves, (Silvana pour les plus proches, voir l'article du mercredi 25.09) : nous avons testé nous-mêmes après avoir passé avec succès l'épreuve de l'échange approfondi. Approchez-vous sans crainte et laissez-vous tenter ! Ne partez pas sans gouter les vins, avec modération toutefois.
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Pourtant, il y a des tensions, entre commerçants, entre les jeunes et les anciens, ceux qui veulent faire bouger les habitudes et ceux qui voient tranquillement l'heure de la retraire à l'horizon.
Le marché n'est pas un long fleuve tranquille circulant entre les légumes et le poisson. Un renouveau des marchés parisiens est sans doute nécessaire si on veut prendre en compte les habitudes de consommation des habitants. On ne descend pas faire ses courses au marché trois fois par semaine, comme nos grands mères (la mienne allait au marché de la Réunion dans le 20e, elle ne reconnaitrait rien du quartier !) Puis vient la question des prix. Nous ne l'avons même pas évoquée jusque là. Les commerçants déplorent le niveau atteint cette année et l'expliquent par une saison froide et tardive en France. On a vu des augmentations de 25 à 30% qui ont réduit le panier de l'acheteur habitué à des bons produits. La concurrence des produits venus de loin, malgré le coût du fret, et un goût plat le plus souvent, fait parfois des ravages et détourne la clientèle vers le supermarché du coin. Seuls les clients aisés continuent à acheter de bons produits mais en quantité moindre malgré tout. Plusieurs études ont toutefois montré que les meilleurs produits restaient ceux des marchés, bien qu'un peu plus chers. Ne faudrait-il pas dans ce cas manger peu et bon ? De quoi mettre au chômage tous les nutritionnistes et spécialistes des régimes alimentaires...
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(à gauche: La fontaine Wallace au coeur du marché)
Lire aussi les articles du Parisien (en version abonnés) sur ce thème pendant l'été (14.08.2013):
Sur les marchés, on se serre la ceinture
Les prix des fruits et légumes s'envolent
"Les conditions météo ont été mauvaises"
Le boom des cerises turques