Le projet d’installation d’une salle de consommation à moindre risque (SCMR) au 39 boulevard de La Chapelle suscite beaucoup d’opposition, notamment de la part des riverains, mais pas seulement.
Beaucoup d’informations circulent sur le sujet, certaines à peu près justes, certaines très approximatives ou incomplètes, certaines carrément fausses.
Un conseiller d’arrondissement dans le 10e a déposé un vœu demandant l’arrêt du projet de SCMR par la Ville de Paris, vœu qu’il souhaitait faire adopter lors de la séance du conseil d’arrondissement du 7 octobre. Nous avons lu ce texte avec attention et il parait nécessaire de rétablir quelques vérités. Nous avons repris l’intégralité de ce texte et ajouté nos remarques après chaque considérant en italiques.
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La mairie de Paris doit renoncer au projet d'ouverture d'une salle de shoot au 39 boulevard de la Chapelle !
Considérant que l'Académie nationale de médecine, dans un avis rendu en janvier 2011, a solennellement et clairement indiqué que les salles d'injection ne réglaient en rien le problème de l'addiction des drogués
L’objectif d’une SCMR n’est pas la résolution du problème de l’addiction des drogués mais celui de la prévention des risques liés à la consommation de drogues.
Considérant que l'Ordre national des médecins a formulé la même analyse
Cf. supra - Le Conseil National de l'Ordre des Médecins ne s'opposera pas à l'expérimentation des SCMR comme l’indique un article publié dans la revue Médecins de janvier/février 2013
Il n’est pas inutile de rappeler aussi que tous les professionnels de l’addiction y sont favorables : la Fédération Addiction, la Fédération Française d’Addictologie, l’Association Française pour la Réduction des Risques, le Réseau Français de Réduction des Risques…..
Considérant que ces structures ne servent en réalité qu'à camoufler le problème de l'usage de stupéfiants ;
Encore une fois, il s’agit de prévenir les risques liés à la consommation de drogues (overdose, diffusion de virus, protection des populations par le traitement des seringues usagées qui aujourd’hui trainent dans la rue, …) en aucun cas faciliter la consommation de drogues
Considérant que les moyens financiers importants (plus de trois millions d'euros) que la mairie prévoit de leur affecter seraient mieux employés à soutenir des lieux aidant les toxicomanes à sortir de leur dépendance ;
Le premier montant officiel pour le fonctionnement de la SCMR alloué par la Ville de Paris est de 800 000€. Chacun sait qu’en matière de santé, la prévention coûte moins cher que le traitement et est donc source d’économies. Voir par ailleurs le rapport coût / efficacité.
Considérant que le 10ème arrondissement en compte d'ailleurs un à l'hôpital Fernand Widal ;
Les toxicomanes qui circulent dans les rues proches de la future SCMR n’y vont pas
Considérant que les risques de transmission de virus et autres problèmes de santé publics (sic) sont déjà pris en compte par la distribution de seringues, qui se fait en plusieurs endroits du 10ème arrondissement ;
La distribution de seringues ne résout pas le problème de certains toxicomanes qui ne savent pas utiliser ces seringues correctement ou bien se font des injections dans la jugulaire, ce qui est très dangereux.
C’est aussi vite oublier les seringues qui trainent dans les rues comme le montre cette photo de la rue Saint Bruno dans le 18ème.
Considérant que les expériences étrangères sont en réalité très mitigées et qu'elles ne démontrent notamment en rien que ces salles aideraient à faire reculer l'usage des drogues ;
Encore une fois, le but d’une SCMR n’est pas de faire reculer l’usage de drogues, c’est prévenir les risques. A cet égard, il est faux de dire que les résultats sont mitigés. Nous avons publié le rapport du Consortium International sur les Politiques des Drogues.
Toutes les études scientifiques montrent qu’il n’y a pas d’augmentation de l’usage de drogues avec les SCMR. L’argument consistant à dire que la SCMR favoriserait la consommation de drogues a déjà été utilisé lors de la mise en place des programmes d’échange de seringues et on connaît les résultats.
Considérant que ces salles, à l'étranger, sont du reste installées dans des quartiers centraux, visibles, accessibles et très sécurisés afin d'éviter qu'elles ne fixent les problèmes, ce qui n'est d'évidence pas le cas du 39 boulevard de la Chapelle ;
L’information concernant l’implantation des SCMR à l’étranger est spécieuse.
Les SCMR a l’étranger sont installées sur ce qu’on nomme « les scènes » (lieux de consommation habituelle, de trafics….) pour être efficaces.
Considérant que l'aveu du maire du 10ème arrondissement qu'il demandera l'affectation d'effectifs de policiers supplémentaires autour de cette salle démontre bien que des problèmes de sécurité sont à attendre ;
La Préfecture de police de Paris, si on en croit les déclarations du commissaire du 10e, mettra en place une équipe dédiée de 30 personnes. L’affectation des forces de police est une réponse aux craintes légitimes de certains riverains afin de les rassurer et de montrer qu’ils ont été entendus.
Considérant que les expériences menées à l'étranger montrent pourtant que le fonctionnement de ces salles ne peut se faire si une présence policière visible dissuade les drogués de les fréquenter, ces derniers restant porteurs de produits illégaux ;
La question de l’incompatibilité entre l’interdiction de détenir / utiliser des drogues et son autorisation dans une SCMR est une contrainte juridique que les Espagnols ont très bien résolus à Barcelone en autorisant dans un périmètre bien établi autour de la SCMR et dans des quantités limitées le port et l’usage de drogues.
Les policiers dédiés au projet seront formés de façon appropriée, nous dit la Préfecture de Police.
Dans les pays où les SCMR sont implantées, les forces de l’ordre ont bien compris l’importance de ces structures et n’opposent pas ordre public et santé publique. Voir ce qui vient de se passer à Vancouver.
Il est nécessaire de rappeler également le Décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue et complétant le Code de la santé publique et plus particulièrement le préambule : « Les acteurs, professionnels de santé ou du travail social ou membres d'associations, comme les personnes auxquelles s'adressent ces activités doivent être protégés des incriminations d'usage ou d'incitation à l'usage au cours de ces interventions…. ». Voir notre note « SCMR, que nous dit le Conseil d’Etat ».
Considérant que ce projet, à cet endroit, est donc frappé d'une contradiction entre ses objectifs et ses méthodes
Quelle contradiction ? En gros, les quartiers Lariboisière et Goutte d’Or sont les endroits où l’on trouve la plus forte concentration de toxicomanes dans Paris. Serait-il utile de placer la SCMR sur l’esplanade des Invalides comme le proposent certains ?
Considérant qu'il s'agit en réalité pour ses initiateurs de préparer l'opinion, peu à peu, à une dépénalisation de l'usage des drogues ;
Nous avons publié une interview à propos des questions liées à la prohibition et de ses effets pervers. Les politiques répressives menées depuis des décennies ont-elles résolu le problème ?
Et les « initiateurs », qui sont ils ? Ne sont-ils pas les professionnels de soins de santé qui sont déjà quotidiennement sur le terrain ?
Considérant que ce quartier connaît déjà, notamment sur le boulevard Barbès, des trafics en tout genre ;
Faire un lien entre trafics et SCMR est là encore un argument spécieux
Considérant que le risque est donc grand d'ajouter un problème à un problème ;
Considérant la question du sort des toxicomanes qui trouveraient portes closes du fait des horaires d'ouverture de la salle n'est pas résolue ;
La SCMR ne fonctionne pas comme un libre-service. Les toxicomanes doivent s’y inscrire, accepter son règlement intérieur et connaitront parfaitement les horaires d’ouverture.
Et c’est aussi croire que les usagers de drogues ne sont pas capables de s’adapter, de changer leur pratique (rôle éducatif et social)
Considérant qu'il en est de même en cas d'insuffisance des capacités d'accueil ;
L’association GAIA qui va gérer le projet annonce 5.75 personnes équivalent temps plein.
Considérant que divers établissements scolaires et d'enseignement sont situés à proximité du 39 boulevard de la Chapelle ;
N’y a-t-il pas déjà des toxicomanes qui consomment de la drogue en plein air près des écoles ? Et laissent leurs seringues par terre ?
Considérant que les riverains, ainsi que tous les habitants de l'arrondissement, ont à plusieurs reprises, y compris par des manifestations publiques, fait part de leurs craintes et de leur opposition à ce projet sans jamais être entendus ;
Considérant qu'une consultation publique organisée le 14 mars dernier a donné un taux d'opposition de 93 % à ce projet
Les chiffres ci-après sont explicites :
Nombre d'électeurs inscrits 10ème ardt. de Paris : 40.448
Votants : 296
Taux de Participation / Nbre d'électeurs inscrits 10e arr. Paris : 0,73 %
POUR le projet : 16 voix
CONTRE le projet: 280 voix
Considérant que le Conseil d'Etat a récemment reconnu à des requérants le droit de contester l'autorisation d'ouverture de cette salle ;
La décision du Conseil d’Etat n’est pas une décision sur le fond mais sur la forme : la requête est recevable, c’est tout ce que le Conseil d’Etat a dit.
Considérant que le Tribunal administratif de Paris, dûment saisi, doit rendre un jugement sur ce sujet ;
Considérant que la légalité de la décision d'ouvrir cette salle est hautement douteuse, que rien dans le droit français ne l'autorise et que, tout au contraire, la loi affirme le caractère pénalement répréhensible de l'aide apportée à la consommation de stupéfiants ;
Le ministère de la Santé qui est le véritable porteur du projet dans le cadre de sa politique de prévention des risques liés à la consommation de drogues est en charge d’adapter, soit par Décrets, soit par la Loi, le contexte juridique. La légalité de la décision n’est pas douteuse. Ce qu’il faut adapter, c’est le contexte juridique. La récente décision du Conseil d'Etat dit qu'il faut passer par une Loi.
Considérant que les élus qui se feront ainsi les complices ou les artisans de cette ouverture engageront leur responsabilité pénale.
EMET LE VOEU QUE LA MAIRIE DE PARIS RENONCE A CE PROJET INUTILE, COUTEUX ET PERILLEUX AUTANT POUR LA SECURITE QUE POUR LA SANTE PUBLIQUES
Proposition de vœu rejetée par le Conseil d’arrondissement du 10e du 7 octobre 2013.