Le Conseil d’Etat a demandé au gouvernement d’inscrire le dispositif des salles de consommation à moindre risque (SCMR) dans la Loi. Rappel des faits.
Dès le lancement du projet, il semble que les juristes du ministère de la Santé aient bien vu qu’il y avait un problème juridique d’incompatibilité entre l’interdiction de détention et d’utilisation de drogues et le fait de pouvoir en détenir et en consommer dans une SCMR. La question était de savoir si le cadre juridique permettant l’installation d’une SCMR pouvait être mis en place par Décret ou bien s’il fallait passer par une Loi ? Le Décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 et plus particulièrement son préambule dit ceci : « Les acteurs, professionnels de santé ou du travail social ou membres d'associations, comme les personnes auxquelles s'adressent ces activités doivent être protégés des incriminations d'usage ou d'incitation à l'usage au cours de ces interventions…. ». Ce Décret n’a pas fait l’objet d’un rejet du Conseil d’Etat aussi était-il possible de penser qu’un Décret serait suffisant pour mettre le contexte juridique à jour. C’est ce projet de Décret qui vient d’être rejeté par le Conseil d’Etat.
Que signifie ce rejet ?
Le Conseil d’Etat dit le Droit. Le rejet n’est en rien un jugement sur le projet de SCMR lui même. Il dit que le changement de contexte légal permettant l’installation d’une SCMR doit passer par une Loi modifiant celle de 1970. Il convient donc de ne pas faire dire au Conseil d’Etat ce qu’il ne dit pas et il est désormais clair que la Loi de 1970 traitant des drogues est obsolète : elle a 43 ans et bien des choses ont changé en la matière depuis ce temps.
On peut bien sûr regretter que les juristes du ministère n’aient pas vu le coup venir. Il y a au mieux de l’amateurisme, au pire de l’incompétence là-dedans. A leur décharge, disons que procéder par Décret avait l’avantage de la rapidité et de l’efficacité. A leur charge, que cela n’était pas démocratique, la représentation nationale n’étant pas consultée sur un sujet important.
La vraie question reste politique.
Quelle est la volonté du gouvernement de mener à bien ce projet, notamment dans un contexte pré-électoral compliqué pour lui en 2014 ? Le danger de la décision du Conseil d’Etat est là : que le gouvernement cale dans un souci électoraliste. Pourtant, d’autres ouvertures de SCMR sont prévues dans le cadre du programme 2013-2017, récemment adopté, concernant la lutte contre la toxicomanie.
Les réactions à la décision du Conseil d’Etat n’ont pas manqué.
Ceux qui sont contre le projet ont fait dire au Conseil d’Etat ce qu’il ne dit pas, mélangeant allègrement Droit et objectifs du projet dans un amalgame, disons-le, pas très honnête.
Ceux qui sont pour, que ce soit les professionnels de la santé ou les associations, sont unanimes pour regretter cette décision, reportant à juste titre la responsabilité de celle-ci sur le gouvernement qui n’a pas fait à temps ce qu’il aurait dû faire. Vous trouverez ci-après quelques liens vous donnant une idée des réactions de chacun.
L’association Action Barbès soutient ce projet de SCMR le jugeant utile pour le quartier d’abord, et au-delà, pour commencer à résoudre un problème de santé publique. Nous avons commencé un travail d’information sur ce sujet qui bien entendu ne va pas s’arrêter. Dans ce contexte nouveau, nous aurons aussi à cœur de maintenir la pression sur les politiques, à commencer par les élus parisiens, pour que le projet puisse aboutir rapidement.
Les réactions :
Les élus parisiens sur LePoint.fr
Communique de presse de NKM Paris
Réseau Français de Réduction des Risques
Plateforme Mondiale Salles de Consommation
Communiqué de presse de l'hôpital Marmottan
Dans la presse :
Commentaires
Et pour allonger la liste des réactions, l'interview en vidéo sur itélé de Rémi Féraud qui souligne dorénavant l'importance du cadre juridique solide pour la mise en place de cette SCMR et admet qu'il aurait "préféré que le gouvernement demande cet avis au Conseil d'Etat beaucoup plus tôt" :
http://www.itele.fr/france/video/remy-feraud-nous-avons-besoin-de-cette-salle-de-shoot-58258