Le conseil de quartier Château Rouge - Goutte d'Or avait investi le LMP (Lavoir Moderne Parisien), théâtre qui a échappé de peu à la destruction.
En fait de débat sur la solidarité, le conseil de quartier du 13 novembre dernier a plutôt fait figure de vaste défouloir, une grande partie des présents profitant de l’occasion pour exprimer leur malaise quant à l’état du quartier. Du coup, on a beaucoup entendu les habitants mécontents, un peu les élus (mis en accusation) mais assez peu les associations. Un membre du conseil de quartier, Ariel Lellouche, s’est pourtant efforcé à plusieurs reprises de remettre le débat sur les rails : « J’enseigne dans ce quartier, je vis dans ce quartier. On entend la colère, mais le rôle du conseil de quartier, c’est d’essayer de trouver des solutions ».
Etaient présents ce soir-là des représentants de la mairie : Victor Deléglise, de l’équipe de développement local de Paris 18e et Marie Valet, chargée de développement local pour Paris Habitat; deux élus à la tribune : Sandrine Mees (EELV), élue référente chargée du conseil de la Goutte d’Or et Gérald Briant, l’adjoint au maire du 18e chargé de la lutte contre les exclusions (PC) ; des représentants d’association, dont la Fnars, l’Accorderie et Hélène Leroy, la responsable des maraudes sur le 18e pour Emmaüs. Présents dans la salle, d'autres élus sont intervenus lors des échanges: Claudine Bouygues, Félix Beppo et Pierre-Yves Bournazel.
Quelle ZSP ?
Les organisateurs du conseil de quartier du jeudi 13 novembre avaient fait preuve d’humour : ils annonçaient la thématique "ZSP" pour "Zone de Solidarité Populaire". Las ! Les échanges ont plutôt fait songer à un débat sur une « ZSP » classique ou Zone de Sécurité Prioritaire...
Les témoignages se sont succédés à bâtons rompus, une fois la première salve lancée : « À la Goutte d’Or, a estimé une habitante, oui, on a des droits, mais moins de droits à la sécurité et plus de droits aux pissotières qu’ailleurs ». Et d’ajouter, sous les applaudissements d’une partie de la salle : « On se gargarise de la richesse de la vie associative à la Goutte d’Or. Peut-être, mais cela ne garantit pas l’égalité des droits ! »
Cahier de doléances
Un autre a rapporté le cas, tout récent, d’un élève poignardé devant un collège et de rackets fréquents dans le même établissement ; plusieurs habitants ont témoigné de leur lassitude face à l’attitude des usagers et des travailleurs d’Espoir Goutte d’or, une association d’aide aux toxicomanes située rue Saint Luc ; d’autres encore ont exprimé leur exaspération quant à l’occupation – 100 % masculine – de la placette Charbonnière en fin de journée et le harcèlement subi par des jeunes femmes. D'autres enfin ont évoqué les populations migrantes installées sous le viaduc aérien, le marché de la misère installé les jours de marché...
Sans une bonne dose d’humour, un habitant – « je suis le stéréotype de l’homo, avec un copain et un chien » – a estimé que la situation s’était beaucoup dégradée depuis quelques années et raconté qu’il « n’arrêtait pas de se faire traiter de pédé ». Une femme, bénéficiaire – au bout de 12 ans d’attente – d’un logement social, rue de Suez, s’est décrite « en état de choc et très mal à l’aise » dans un espace public envahi par les vendeurs à la sauvette, les cris et les ordures. Et d’ajouter, là encore sous les applaudissements : « Il faudrait partager la solidarité, moi dans ces conditions je n’arrive pas à donner ».
Ce quartier, une chance
Largement minoritaires, d’autres personnes ont dressé un portrait plus positif de la Goutte d’Or : « On a la chance de vivre dans un village avec son église, sa synagogue, sa mosquée ; les vieux qui jouent aux dominos dans le parc », a raconté l’un. Une vieille dame, « qui vit au cœur de l’action, entre les rues de Panama et de Suez, ne se plaint pas : ici, il y a toujours quelqu’un qui m’aide à porter mes paquets ». Et d’ajouter : « La solidarité, c’est aussi d’accepter certaines nuisances. Si je dois me pousser de 30 centimètres car il y a du monde sur le trottoir, je n’en mourrai pas ».
À qui la faute ?
« Depuis des années, l’inaction de l’Etat – ces problèmes relèvent de la Préfecture – et de la mairie a permis aux choses de se dégrader », a jugé une habitante. Ne se laissant pas démonter, Gérald Briant a rappelé les grands travaux d’assainissement de l’habitat, sans comparaison dans Paris. Il a espéré que les effectifs policiers allaient effectivement continuer à croître et rappelé que la paupérisation s’était partout aggravée. Les drogués, les migrants sous le pont de la Chapelle ? « On ne peut pas tout bonnement les faire disparaître ! » a-t-il remarqué (voir article du "18e du mois" à ce sujet).
Le représentant de Paris Habitat a profité d’un reproche sur « la concentration des HLM à la Goutte d’Or » pour rappeler que l’habitat social représente 20 % des logements dans le quartier, contre 25 % dans le 18e arrondissement et bien davantage à Porte Montmartre. Deux habitants ont insisté sur l'état de ces habitats et ont manifesté un certain désappointement quant à l'attention portée à ces bâtiments construits, selon eux, à la hâte.
À la toute fin du conseil – qui a duré près de 3 heures pour s’achever un peu avant 22 heures – quelques pistes de travail ont été esquissées – mais guère davantage, hélas, vu le temps déjà écoulé : accompagner les vendeurs à la sauvette volontaires pour cela vers la formalisation de leur activité ; organiser des marches collectives de nettoyage et de sensibilisation ; créer des amicales de voisins et organiser des fêtes de voisinage ; organiser des maraudes au bénéfice des plus vulnérables ; dans quelques années, peut-être, réaliser le projet de Marché des Cinq continents qui désengorgerait Château-Rouge…
On aurait préféré que les élus de la majorité soient plus solidaires et ne montrent pas leurs divergences.
À quand un conseil de quartier sur la solidarité ?