PN : il est préférable de ne pas trop parler du passé pour se concentrer sur le futur, alors rapidement, quels sont pour vous les choses qui ont bien fonctionné de 2001 à 2008 et celles qui nécessitent des modifications ?
AB : j’étais un acteur au début, puisqu’en fait, dans le Conseil de quartier La Fayette Richer, là où j’habite, j’étais membre du collectif d’animation. Mais j’avoue avoir lâché assez vite pour deux raisons très simples : d’abord j’étais engagée dans des associations par ailleurs et j’ai dû faire un choix, et aussi parce que les sujets abordés ne m’intéressaient pas toujours. Je crois d’ailleurs qu’il y a une réflexion à mener sur les sujets.
Mon sentiment est qu’actuellement le bilan des Conseils de quartier est positif dans la mesure où des habitants se sont mobilisés pour mener des projets. Ne serait-ce que faire la démarche, cela me semble important. La deuxième chose, lorsqu’il y avait des projets en lien avec des associations, des structures existantes, on se rend bien compte que le processus a pris et que les projets ont pu aboutir. En revanche, tout ce qui concerne les questions d’aménagement, les projets à plus long terme, l’investissement était beaucoup plus complexe à mettre en œuvre et là les articulations entre les Services, l’Administration et les habitants, le temps des uns et celui des autres n’étaient pas les mêmes et il faudra réfléchir à cela. Lorsque l’on parle de fêtes de quartier, il n’y a pas de souci mais dès qu’on arrive dans un schéma d’investissement, on est plus dans les mêmes temps et il y a un décalage, un déficit d’information des habitants, et du coup cela les démobilise. Il faut y réfléchir, maintenir le lien.
Le troisième élément, c’est que les Conseils de quartier permettent aux habitants de s’exprimer sur tous les sujets, le temps de la parole est essentiel, l’élu doit y trouver sa place.
PN : quel périmètre peuvent avoir les changements apportés à la Charte : le découpage géographique de notre arrondissement par exemple ou bien l’extension du domaine de compétences des Conseils, d’autres choses … ?
AB : l’essentiel de la réflexion que nous allons porter à la connaissance des habitants concernant la révision de la charte porte sur la place de l’élu. L’objectif étant, puisque les Conseils de quartier sont un outil de Démocratie locale, de voir comment chacun va traiter sa part.
Sur le périmètre géographique, cela ne peut être fait qu’avec une délibération du Conseil de Paris. On peut émettre le souhait de modifier le périmètre des Conseils mais il faut avoir une discussion plus approfondie en regardant les mouvements de flux des habitants.
Quant à émettre un Vœu comme cela se fait dans d’autres arrondissements, il faut considérer la légitimité des Conseils, la représentativité des habitants. Lorsque l’on parle avec les personnes dans un Conseil de quartier, on est dans l’échange d’informations, éventuellement de la gestion de projets. Sur la notion de prise de décision, ce qu’on peut avoir c’est effectivement les habitants faisant remonter de l’information et souhaitant que des choses soient portées à l’ordre du jour du Conseil d’arrondissement. Mais cela ne représentera que les habitants présents. Par ailleurs, le fait qu’un élu entende les demandes et les porte lui en tant qu’élu parce qu’il estime que cela a un sens politique, cela peut se faire.
PN :quelles obligations l’exécutif municipal s’impose t-il vis-à-vis des décisions des Conseils de quartier ?
AB : nous avons une obligation de transparence pour les décisions que nous prenons en tant qu’élus par rapport aux décisions des collectifs d’animation. Autrement dit, si une décision est prise par un collectif d’animation concernant un projet, notre obligation est de dire cela est faisable ou cela ne l’est pas, de donner des réponses précises. Première obligation : être très transparent non seulement sur la faisabilité ou non d’un projet mais aussi sur son suivi. Il faut une traçabilité des projets.
La seconde obligation que l’on a c’est un devoir d’information sur un périmètre, un territoire donné. S’engager à ce que, lorsque cela concerne les Conseils de quartier, ceux-ci soient bien informés.
Donc si on est transparent, si on informe bien, si on se fixe une obligation de consultation sur certains sujets – gros aménagements par exemple – on devrait pouvoir faire des choses.
PN : la concertation avec les Parisiens a été déclarée prioritaire par Bertrand Delanoë au cours de la campagne électorale. Il semble qu’il y ait des ratées en ce début de mandat – n’y revenons pas. Les Conseils de quartier sont des organes de concertation par excellence – certes, pas les seuls – alors, comment allez-vous concrètement organiser cette concertation ? A quel moment, à quel stade des projets allez vous insérer le processus de concertation avec les Parisiens ? En préambule je vous pose la question un peu brutalement : faites-vous la différence entre « information » et « concertation » ?
AB : j’ajoute consultation ! Je fais la différence entre les trois. Information signifie qu’on informe, on explique ce qui va être fait pour des choses décidées. Consultation : on recherche un avis. Concertation, on essaie de faire ensemble, de se concerter, de se mettre d’accord.
C’’est là la difficulté de faire vivre la Démocratie au niveau local. Si on est vraiment dans de la concertation, quid de la représentativité des gens qui participent, combien en faut il au minimum pour que cela ait un sens ? Il y a là à réfléchir aux outils de la Démocratie locale. Nous sommes en phase de construction sur le sujet. On pense à des commissions transversales pour certains sujets – voirie par exemple. Ces commissions seraient en dehors des Conseils de quartier, travaillant indépendamment, mais émanant des Conseils.
PN : il y a un fort débat à propos de la légitimité des Conseils de quartier. L’argument de la légitimité a d’ailleurs été utilisé plusieurs fois par des élus et les Services de la Ville pour ne pas accepter les décisions de certains Conseils de quartier. Cette question peut paraître un peu théorique mais elle est essentielle car derrière la légitimité se cache la responsabilité des uns et des autres. Quel est votre avis sur la question et êtes vous prête à dire que quelque soit le mode de désignation et de fonctionnement des Conseils de quartier du 9e, leurs décisions seront légitimes ?
AB : si sur un gros projet d’aménagement, il n’y a que 10 personnes qui s’impliquent, cela va être compliqué de dire aux habitants « voilà la décision » ! Alors qu’est ce qui est légitime qu’est ce qui ne l’est pas, cela dépend aussi des prérogatives du Conseil de quartier. Si le Conseil a un budget d’investissement et qu’il peut le faire, que le projet relève de ses compétences, on le fera.
PN : les Conseils de quartier sont-ils pour vous des instances qui permettent aux élus de mieux remplir leur mandat en restant à l’écoute des électeurs, sont-ils des instances de surveillance des élus pour en corriger certaines actions, sont-ils des forces de proposition dans un partage plus équilibré des pouvoirs locaux ?
AB : les termes sont choisis ! Je dirais que les 3 sont justes, je suis gênée par le mot « surveillance ».
C’est à la fois pour l’élu la possibilité d’avoir un retour – il faut éviter le bilan systématique, ne pas se mettre en situation défensive – et d’étudier l’évolution de la sociologie du quartier. Sur l’aspect « surveillance », disons contrôle démocratique, il peut s’exercer là. Il y a aussi une force de propositions. Le Conseil de quartier peut aussi être le lieu de construction de liens. Pour moi, c’est essentiel que l’on arrive à construire du lien social. Ce que j’aimerais, c’est que dans les Conseils de quartier viennent des gens que l’on n’a pas l’habitude de voir.
PN : enfin, pour vous, quelle est la place de l’élu dans le dispositif Conseil de quartier ?
AB : le rôle des élus était important au début pour créer une dynamique. Après une expérience de 7 ans, on peut se dire que l’élu peut se retirer un petit peu. C’est l’idée que nous avons et que nous allons proposer le 18. On va voir comment les habitants vont percevoir cette proposition. Mais les situations ne sont pas les mêmes dans les Conseils de quartier. Il y aura toujours un élu mais leur situation pourrait être différente. Nous n’avons pas de principe figé sur la question.
Amina Bécheur devant son bureau lors de notre entretien le 13 juin.
Dans la perspectivve de la réunion plénière des Conseils de quartier de notre arrondissement qui se tiendra mercredi 18 juin à 19h salle Rossini à la mairie, Amina Bécheur, Conseillère d'arrondissment, déléguée à la Démocratie locale, à la vie associative et à l'économie sociale et solidaire, nous a accordé une interview pour nous présenter cette réunion et nous expliquer dans quel état d'esprit elle l'aborde.
Paris Neuvième (PN) : pourriez-nous nous rappeler les objectifs de la réunion du 18 juin prochain ?
Amina Bécheur (AB) : le premier objectif de cette réunion est de reprendre contact avec les habitants de l’arrondissement. Les contacts ont été un peu distendus entre décembre 2007 et maintenant pour diverses raisons – les élections, le renouvellement de l’équipe municipale, etc. …- et donc l’objectif essentiel est cette reprise de contact avec un ordre du jour important, à commencer par le bilan annuel des activités des Conseils de quartier , bilan réalisé par les collectifs d’animation eux-mêmes. Un second objectif est de présenter le projet de l’équipe municipale en lien avec celui de l’Hôtel de Ville dans la mesure où l’adjoint au Maire de Paris en charge de la Démocratie locale, Hamou Bouakkaz, nous a déjà réunis pour nous indiquer ses priorités, et dans ce cadre, nous devons les articuler dans les arrondissements. Dernier point, la discussion sur la charte des Conseils de quartier dans la mesure où l’on doit tous les deux ans renouveler cette charte. Nous avons déjà engagé une première étape de discussion lors d’une réunion des collectifs d’animation et également entre élus.
PN : dans quel état d’esprit abordez-vous cette réunion ?
AB : pour moi c’est une première en tant que Conseillère d’arrondissement. C’est l’occasion pour les habitants de mieux me connaitre, de voir la manière dont je compte travailler avec eux. Mon état d’esprit est : aller à la rencontre des habitants, donner un peu de moi-même pour qu’ils comprennent comment j’envisage les choses.
Ma manière de faire est en deux volets. D’abord communiquer, échanger, savoir mener les échanges, savoir écouter, apprendre des habitants. Ensuite dire quelles sont nos orientations. Nous avons conçu quelque chose, on y a réfléchi, mais nous sommes dans un processus. Quand bien même j’ai ma propre idée des choses, quand bien même j’ai un objectif collectif avec les autres élus, c’est dans l’interaction que cela pourra avancer. Donc, je viens avec des orientations – il faut avoir une ligne directrice – mais on peut très bien discuter ces orientations, on peut y réfléchir ensemble, et la Démocratie locale ne peut fonctionner que dans la mesure où les habitants s’approprient les projets et qu’il y a un échange constructif entre nous.