A très grand renfort de communication allant du numérique aux rencontres de quartier à la papa, la mairie de Paris lance le budget participatif. "Je souhaite donner les clés du budget aux citoyens" nous dit Anne Hidalgo dans une déclaration quand même à la limite de la démagogie.
De quoi s'agit-il ?
Le budget annuel de la Ville de Paris (environ 9,1 milliards d'€) est en gros constitué de deux parties : les investissements (environ 1,6 milliards d'€ soit 17,5% du total) et le fonctionnement (environ 7,5 milliards d'€ soit 82,5% du total). Source mairie de Paris budget primitif 2014.
Sur la durée de la mandature (2014-2020), le budget participatif consiste à mettre 5% du budget d'investissement, soit 426 millions d'€ nous dit la publicité, à la disposition des Parisiens pour mettre en place les projets proposés et décidés par eux. A se demander si la mairie sait compter : 1,6 milliard € (budget d'investissement) par an sur 6 ans font 9,6 milliards et 5% de 9,6 milliards font 480 millions ! Mettons la différence sur les arrondis. Il n'empêche que 5% du budget d'investissement ne représentent en fait que 0,9% du budget total, on ne peut pas dire que "les clés du budget" nous sont rendues !
Le fonctionnement de ce dispositif est assez bien expliqué sur le site de la Ville de Paris. Voir ici. Et en prime une vidéo, la mairie ne recule jamais devant la communication.
Parisiens, prenez les clés du budget ! par mairiedeparis
Avantages et inconvénients.
Donner aux Parisiens les moyens financiers de réaliser leurs projets est en soi une bonne idée. On peut sans doute regretter la modicité de la somme allouée, on aurait pu par exemple monter jusqu'au 1% symbolique du budget total de la ville de Paris. mais enfin, c'est mieux que rien et c'est surtout mieux qu'avant puisque les sommes réservées aux projets des conseils de quartier n'étaient pas, et de loin, aussi importantes.
Tel qu'on le voit aujourd'hui, le dispositif comporte quand même trois écueils majeurs.
Le premier est celui de l'implication des Parisiens dans celui-ci. Quand on sait que même les modestes sommes allouées aux conseils de quartier pour les investissements et le fonctionnement n'étaient pas employées la plupart du temps, il y a de quoi se poser des questions.
L'autre écueil est le choix des projets par vote des Parisiens. Prenons un exemple concret pour illustrer nos craintes. Imaginons que le projet de promenade urbaine entre Barbès et Stalingrad si cher à notre association soit financé par ce dispositif. Imaginons seulement car nous sommes très opposés à ce cas de figure. Mais prenons cette hypothèse. Pour que le projet se fasse, il est nécessaire de financer des études d'abord, puis la réalisation de la promenade urbaine elle-même ensuite. Comment faire ? Les Parisiens qui ne vivent pas à Barbès ne s'en préoccupent pas, on ne saurait le leur reprocher, mais comment obtenir une majorité de votes sur tout Paris afin d'inclure le projet dans le cadre du budget participatif ?
Les informations diffusées par la mairie de Paris à propos des 15 premiers projets soumis au vote des Parisiens sont à cet égard inquiétantes. Rappelons que nous sommes dans le cadre d'un budget d'investissement. En toute logique, ce type de budget est fait pour financer des projets pérennes, une piscine par exemple ou bien un aménagement de voirie. Et on touche là la limite du processus. Les investissements de projets pérennes sont souvent lourds et il est clair que les modestes 70 millions prévus par la mairie de Paris chaque année n'y suffiront pas. Alors on labellise "investissement" des projets qui n'en sont pas vraiment : des tipis à Paris pour organiser des anniversaires, des grands écrans pour des événements, etc. ... Si certains projets ne sont pas sans intérêt, n'amuse t-on pas le tapis avec les miettes d'un budget.
Dernier écueil, le processus considéré comme démocratique puisque tous les Parisiens votent est quand même étrange si ce n'est démagogique. Que met-on dans le terme "Parisiens" ? Il eut sans doute été plus judicieux de faire appel aux Conseils de Quartier par exemple ou au moins se limiter au niveau de l'arrondissement.