Nous avons évoqué à plusieurs reprises la problématique du cadre de vie autour des deux gares du 10e, et la nécessité d'une amélioration de la qualité de vie dans ces quartiers, notamment aux abords de la Gare de l'Est (ceux de la Gare du Nord ayant fait l'objet d'un réaménagement en 2006). Ce sujet du quartier des Gares est d'ailleurs l'un de nos sujets phares.
A ce titre, nous avions lancé une initiative de sensibilisation des élus et futurs candidats sur ce sujet, grâce à une opération d'envoi de cartes postales pré-imprimées, et intitulée "Donnez une Chance au quartier des abords de la Gare de l'Est": voir nos articles du 14 septembre, 20 septembre et 31 octobre 2013.
En outre, nous avions présenté, conjointement avec le Conseil de Quartier Lariboisière Saint-Vincent de Paul, un vœu en pré-conseil d'arrondissement du 10e le 7 octobre dernier. Notons que ce fut la troisième présentation d'un vœu sur ce sujet en conseil d'arrondissement depuis début 2009, i.e. depuis l'amorce d'une concertation inter-quartiers pour un aménagement d'ensemble de l'espace urbain environnant la Gare de l'Est.
Le contexte et l'historique
Dès 2004, alors que les travaux de transformation du boulevard Magenta allaient bon train, s'est fait sentir la nécessité de repenser l’organisation des différents flux de circulation autour de la Gare de l’Est.
Début 2008, lors de la précédente campagne pour les élections municipales, le candidat de Bertrand Delanoë dans le 10e, Rémi Féraud (et son équipe « le 10e, un temps d’avance ») avait inscrit, dans son programme de campagne, le « projet urbain ambitieux » du « réaménagement du « cœur du 10e » entre la Gare de l’Est, le couvent des Récollets et le boulevard de Magenta », et comprenant le projet du "Balcon Vert" et la rue d’Alsace.
Ainsi, au début de la seconde mandature de Bertrand Delanoë, après une Commission Extra-Municipale des Déplacements (CEMD) en octobre 2008, un travail très important de concertation, impliquant 3 conseils de quartier, les habitants et les associations, a été réalisé pour ce projet de réaménagement d'ensemble des abords de la Gare de l'Est, en coordination également avec les services techniques de la Ville et l’Agence Territoriale de Paris de la RATP.
Malheureusement, la rénovation de la place de la République et d’autres projets sont venus s'interposer et ont quelque peu siphonné les financements nécessaires pour la réalisation de ce projet ambitieux... mettant ainsi un terme en 2010 à cette concertation inter-quartiers.
Certes, depuis, quelques aménagements ont été effectués, mais restent partiels, même s'ils ont permis la création de la place Madeleine Braun (dont nous nous sommes largement fait l'écho: voir ici) face au Couvent des Récollets.
Aujourd'hui, quel état des lieux pouvons-nous faire ? Le diagnostic initial d’un environnement dégradé demeure d’actualité, avec les principaux problèmes suivants :
. Un partage totalement déséquilibré de l'espace public entre piétons / cyclistes / voitures / bus.
. Un manque, flagrant, d’accessibilité aux personnes en situation de handicap.
. Une lisibilité insuffisante des déposes/arrêts de bus.
. Le sentiment d’insécurité routière ressenti par les piétons, cyclistes, etc.
. La grande "minéralité" de ces abords (à l’exception d'espaces verts ou arborés très limités, comme le nouveau jardin Saint-Laurent et la place Madeleine Braun).
A ce diagnostic, s'ajoutent deux constats :
. La liaison entre les deux gares, évoquée depuis longtemps, n’existe toujours pas (voir notre article du 23 décembre dernier, sur l'intermodalité des deux gares).
. Le projet de liaison CDG Express, avec comme point d’ancrage parisien la Gare de l’Est, vient d'être relancé par le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier (voir l'article du Monde du 23.01.2014).
Aussi, dans le contexte actuel particulier de campagne pour les élections municipales, avons-nous souhaité faire un focus particulier sur les propositions des candidats du 10e, relatives à cette question du cadre de vie et de l'environnement urbain aux abords des gares.
Nous avons déjà publié deux articles présentant les points de vue des têtes de listes Déborah Pawlik (UMP-UDI-MoDem), Rémi Féraud (PS-PCF-PRG) et Anne Souyris (EELV) sur certains sujets : voir notre article général du 11 mars sur la campagne dans le 10e et celui du 17 mars spécifiquement axé sur notre projet de promenade urbaine de Barbès à Stalingrad.
Dans ce nouvel article, nous nous intéressons aux projets d'urbanisme traitant des quartiers des gares. Ainsi, nous ne revenons pas sur la thématique de la sécurité et le projet de la salle de consommation de drogues à moindre risque (SCMR): ces sujets ont déjà été abordés dans nos articles du 11 mars et du 15 mars (notre rencontre avec Anne Hidalgo).
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Le projet des "deux gares" de Déborah Pawlik (UMP-UDI-MoDem)
Déborah Pawlik nous précise d'emblée que ce projet lui tient particulièrement à cœur, car elle estime que la présence de ces gares constitue une "richesse inouïe" pour le 10e alors qu'elle demeure pourtant une "opportunité sous-exploitée". Aussi a-t-elle développé un projet qu'elle a voulu "structurant" dans sa campagne et pour l'arrondissement, avec un objectif clairement affiché d'une modification à long terme des quartiers des deux gares.
Son rêve, précise-t-elle, serait qu'à la fin de la prochaine mandature, les habitants et les familles puissent spontanément envisager l'idée et avoir l'envie de se promener dans ces quartiers, qui pourraient ainsi devenir des lieux de balades.
C'est donc dans le décor original et très ferroviaire du café "Au Train de Vie", à l'angle des rues des Deux Gares et d'Alsace, que Déborah Pawlik et Nathalie Kosciusko-Morizet ont présenté "leur ambition pour le quartier des deux gares" le 24 février dernier.
L'enjeu, selon elles, est de doter ces quartiers du 10e d'une "nouvelle attractivité économique, sportive, culturelle, environnementale". Comment ? Par un aménagement urbain d'envergure, à l'instar de ce qui a été fait pour la ZAC (Zone d'Aménagement Concertée) Paris Rive Gauche, qui a vu l'émergence ex-nihilo de nouveaux quartiers aux abords de la Gare d'Austerlitz grâce à la couverture des voies du faisceau ferroviaire.
C'est donc un nouveau quartier "mixte et diversifié" que nous propose Déborah Pawlik. Son idée: créer de nouvelles surfaces foncières, là où l'espace est disponible, afin de permettre de nouvelles constructions. Et cela en deux phases distinctes.
Dans un premier temps (pouvant durer 5 à 6 ans, i.e. toute la mandature): il s'agirait de couvrir l'actuelle gare routière de la Gare du Nord, et réaliser ainsi, sur cette nouvelle dalle, un centre d'affaires, 300 logements (sociaux, intermédiaires et libres) et des places de stationnement.
Dans un deuxième temps, à plus long terme (i.e. à partir de 2020, lors d'une nouvelle mandature): la couverture d'une grande partie des voies de la Gare de l'Est serait envisagée, et permettrait la construction de 700 logements, d'une résidence étudiante et de divers équipements publics (crèche, complexe sportif etc.). Au nord de cette dalle couvrant les voies, une nouvelle voie de circulation, traitée en "Zone 30", verrait le jour entre Château-Landon et la rue de Dunkerque. Déborah Pawlik précise également son objectif de verdir ces nouvelles esplanades, avec 1,5 ha d'espaces verts (soit l'équivalent de la surface du Jardin Villemin); à cela s'ajouterait la végétalisation d'une grande partie de la rue d'Alsace, reliant les deux gares, qui serait également rendue piétonne. Nathalie Kosciusko-Morizet est revenue sur ce projet des deux gares lors d'une émission de radio (à réécouter ici).
A ces grandes lignes de son projet, Déborah Pawlik ajoute sa volonté de "fluidifier le boulevard de Magenta". Pour les moyens mis en oeuvre pour désengorger cet axe, outre la nouvelle voie de circulation, elle mentionne une technologie britannique de capteurs installés sur la chaussée (dénommée "SCOOT") qui auraient fait leurs preuves à Londres et permettraient d'adapter le cadencement des feux tricolores en fonction du trafic.
Quant au financement d'un tel projet de transformation urbaine, Déborah Pawlik précise que l'opération correspondrait à un investissement de 280 millions €, dont 70 % pour la création des dalles couvrant la gare routière de la Gare du Nord et les voies de la Gare de l'Est (avec un coût estimé de 3-5000 €/m²). Le budget nécessaire à une telle réalisation serait équilibré et auto-financé grâce aux nouvelles recettes provenant de la collecte des charges foncières sur les nouveaux bâtiments construits (logements, commerces, centre d'affaires etc.).
Face à un tel projet, les critiques ne se sont pas fait attendre. Outre la dimension "pharaonique" pointée du doigt par les opposants, nous pouvons surtout souligner la grande incertitude liée aux négociations d'achat avec les propriétaires actuels des terrains (RATP, SNCF et Réseaux Ferrés de France - RFF -) et au prix de cet éventuel achat. En considérant la durée des négociations et les délais de mise en chantier, certaines critiques font référence à la durée nécessairement longue, difficilement maîtrisable, pour la réalisation de ce projet d'aménagement, qui s'étalerait donc sur au moins deux mandats (12 ans). A cet égard, reprenons l'exemple de la ZAC Paris Rive Gauche que Déborah Pawlik et Nathalie Kosciusko-Morizet prennent en exemple : son plan d'aménagement fut élaboré entre 1987 et 1990, soit il y a près de 25 ans et l'opération d'aménagement n'est toujours pas achevée; les échelles d'espace et de temps furent mésestimées, impactées par les montages financiers, avec un coût effectif ayant dépassé les montants initialement budgétés.
Du côté adverse, Rémi Féraud estime que ce projet a été improvisé et n'a pas été élaboré avec rigueur et de façon réaliste, sans contacts préalables avec les éventuels vendeurs des terrains: "J'ai contacté Guillaume Pepy (ndlr: le Président de la SNCF) et ce dernier n'était pas au courant du projet de Nathalie Kosciusko-Morizet". Il ironise également sur la longue durée envisagée de ce projet alors que "Nathalie Kosciusko-Morizet semble dire qu'elle se limiterait à un seul mandat si elle est élue".
Certains détracteurs voient également, dans le projet de Déborah Pawlik, une intensification de la densification urbaine dans un arrondissement déjà très construit. Et Rémi Féraud d'ajouter, lors de son réunion publique du 17 mars: "Nous aimons le paysage ferroviaire du 10e, que l'opposition voudrait cacher" et de conclure: "Nous ne voulons pas de la couverture des voies".
Enfin, en proposant un projet avec un horizon long terme, Déborah Pawlik ne détaille pas la manière dont elle pourrait résoudre, à court et moyen terme, les difficultés de l'espace public aux abords immédiats des gares, et notamment de la Gare de l'Est. Aussi ne suggère-t-elle pas dans son programme, d'éventuels aménagements de voirie permettant de remédier aux problèmes existants, dont nous nous sommes fait l'écho notamment avec notre opération "Cartes Postales" en septembre dernier. A cette remarque, Déborah Pawlik réplique que ces aménagements peuvent être réalisés avec les budgets annuels d'investissement de l'arrondissement, en parallèle donc de son grand projet.
Les Gares dans le "Paris qui ose" de Rémi Féraud (PS-PCF-PRG)
Rémi Féraud est dans une situation particulière en tant que maire sortant : certains "projets urbains ambitieux" qu'il mettait en avant dans sa campagne de mars 2008 avec Bertrand Delanoë (comme le "Balcon Vert" de la rue d'Alsace et "l'aménagement du quartier des gares au cœur du 10e") n'ont pas totalement vu le jour. Le candidat qu'il est aujourd'hui, assume.
Alors que Déborah Pawlik raille (via Facebook et Twitter) l'engagement en 2008 de Rémi Féraud en faveur du projet du "Balcon Vert", ce dernier explique qu'avec la crise financière et économique, il n'y a pas eu d'investisseur et la construction du bâtiment n'a donc pas commencé. Toutefois, l'opération du "Balcon Vert" semble refaire surface, comme nous l'avions indiqué dans notre article du 12 décembre 2013, avec l'arrivée d'un nouvel investisseur pour la construction potentielle d'un hôtel, sur le toit duquel serait réalisé un jardin public au niveau de la partie élevée de la rue d'Alsace. Mais en dépit de cette avancée récente, Rémi Féraud reste un peu échaudé et se montre prudent, en affichant un enthousiasme très mesuré. C'est d'ailleurs cette expérience, et les négociations difficiles avec la SNCF et RFF, qui conduisent Rémi Féraud à exprimer de profonds doutes sur la faisabilité du projet présenté par Déborah Pawlik.
Sur l'aménagement du quartier aux abords de la Gare de l'Est, nous avons déjà mentionné, plus haut, les raisons qui avaient conduit les élus à mettre fin à la concertation inter-quartiers en 2010 sur le projet initial. Anne Hidalgo confirme les faits : "Les aménagements de la nouvelle Place de la République ont impacté, budgétairement, d'autres projets ; entre 2008 et 2010, la crise a été assez violente. Il a fallu revoir un peu tous nos projets".
Une des propositions phares d'Anne Hidalgo, en matière de transports, est la création de nouvelles lignes de tramway, sur pneus (à l'image du "Mettis" à Metz), assurant des liaisons inter-gares. Rémi Féraud insiste sur ce projet de tramway sur pneus, qui devrait permettre d'améliorer la circulation autour des Gares de l'Est et du Nord: "Nous en rêvons ; il permettra d'embellir, de modifier, de rationaliser les transports dans le 10e". Et d'ajouter: "J'y crois beaucoup pour changer la circulation entre la Gare de l'Est et la Gare du Nord".
Rappelons qu'un projet similaire de création des "tramways des gares" avait été proposé dans le programme des Verts en 2008.
Quand on lui parle de l'éventuel impact sur le quartier des gares de la future liaison CDG Express (dont le projet a été récemment relancé: cf. plus haut), Rémi Féraud précise sa vision des choses : "On ne va pas attendre le CDG Express (ndlr: mise en construction en 2017 pour une livraison en 2023, si tout se déroule comme prévu); sinon, on va retomber dans le même attentisme que pour le "Balcon Vert", et on ne peut pas attendre." Rémi Féraud affiche alors sa volonté de faire "du quartier des gares et du nord du 10e notre priorité en matière d'aménagement et d'amélioration de la qualité de vie".
Ces aménagements concerneront deux zones identifiées. D'une part (zone n°2 sur le plan ci-dessus), un réaménagement des "abords de la Gare de l'Est pour améliorer le cheminement et la sécurité des piétons, la circulation et le stationnement des bus et embellir un espace public aujourd'hui dégradé".
D'autre part, un aménagement de la rue du Faubourg Saint-Martin le long des voies de la Gare de l'Est est proposé (zone n°1 sur le plan ci-dessus, et croquis ci-contre).
Pour ces aménagements, l'équipe de Rémi Féraud compte bénéficier du rattachement récent du nord du 10e au vaste projet d'aménagement urbain Paris Nord-Est, pour pouvoir engager les transformations urbaines nécessaires, notamment en termes de soutien et de moyens octroyés par la Ville.
Rémi Féraud souhaite accompagner ces aménagements destinés à améliorer le cadre de vie dans l'espace public, par la mise en place de "correspondants de nuits" dans le quartier des gares afin de prévenir les nuisances et les incivilités (e.g. épanchements d'urine) dont ce quartier est victime (notamment du fait de la présence de nombreux bus de nuit Noctilien aux abords de la Gare de l'Est et de la Gare du Nord).
Concernant la faisabilité de ces aménagements, Anne Hidalgo confirme: "La crise est encore là, mais on espère en voir la fin rapidement. En outre, le budget de la Ville sera moins impacté par des grands projets ; les avancées technologiques permettront d'abaisser le coût de construction du tramway des Maréchaux, qui représentait un important poste budgétaire. Les dépenses seront donc moindres. Nous pourrons donc travailler sur des aménagements concernant l'espace urbain, la qualité de vie au quotidien et les équipements de proximité, et ce afin de rendre la vie plus agréable aux Parisiens dans une ville dense où la promiscuité est importante". Et de conclure: "Sur les abords de la Gare de l'Est, je suivrai les préconisations du maire d'arrondissement ; cela fait partie des sujets que l'on peut mettre en travaux assez vite".
(Photo par Charles-Henri Plaut, vers 1864)
Quand on évoque les éventuels ajustements pour les abords de la Gare du Nord (réaménagés en 2006), Rémi Féraud précise: "Il y a une problématique liée aux taxis ; nous travaillons avec la SNCF pour voir comment organiser l'ensemble autrement. L'espace est contraint, trop petit. C'est en quelque sorte l'héritage de la bataille entre Jacques-Ignace Hittorff (ndlr: l'architecte de la Gare du Nord) et le Baron Haussmann (ndlr: à l'origine de la transformation du quartier) : il faudra faire avec, mais on peut faire des progrès. Par ailleurs, j'attends de la Préfecture de Police qu'elle fasse mieux respecter les règles."
Les espaces publics mieux partagés autour des gares pour "Vivre Mieux" selon Anne Souyris (EELV)
A notre question sur l'espace public aux abords des gares du 10e, Anne Souyris et son équipe se montrent plus mordants et estiment que l'absence d'aménagement d'ensemble des abords de la Gare de l'Est, alors qu'il était programmé, a été le "loupé" de cette mandature 2008-2014.
La colistière Charlotte Nenner (ancienne Conseillère de Paris et adjointe chargée des transports, de la circulation et de la voirie de l'ancien Maire du 10e entre 2001-2008) explique: "la gestion de la circulation et des usages multiples de l'espace public est complexe, provoquant gênes et incivilités" et précise: "la problématique de cet aménagement est la place des terminus des lignes de bus dans l'espace public autour de la Gare de l'Est".
Aussi Anne Souyris s'engage-t-elle à "relancer le chantier de réaménagement des abords des gares de l'Est et du Nord", ce qui permettra de "refonder la politique d'urbanisme et de transports dans le 10e".
Anne Souyris déclare: "C'est le projet de réaménagement urbain de la prochaine mandature dans le 10e. Il faut mettre les moyens. Réaménager tout devant la Gare de l'Est jusqu'entre les deux gares avec le "Balcon Vert" et le trajet entre les deux gares et la gare de Magenta du RER E, afin qu'il soit piétonnier". Et d'insister: "C'est un enjeu de qualité de l'espace public".
Anne Souyris reconnait que l'aménagement de la nouvelle Place de la République est réussi: "Ce qui a été fait est positif". Elle continue: "Il faut reconduire cette bonne expérience pour les abords de la Gare de l'Est, dont le réaménagement était déjà dans les tuyaux en 2008". Sur la méthode, elle insiste sur la concertation et précise: "L'enjeu est de faire travailler ensemble la RATP, la SNCF, la Ville et les habitants. Créer les conditions, mettre autour de la table des interlocuteurs qui ne parlent pas le même langage, qui n'ont pas les mêmes intérêts, la même culture, etc.". Et d'ajouter: "Ceci n'est pas non plus dans la culture des élus".
Concernant le "projet des deux gares" de Nathalie Kosciusko-Morizet et de Déborah Pawlik, Anne Souyris fait remarquer que "le 10e est un arrondissement très dense, avec une densité record, qui dépasse celle de New York, Bombay et Calcutta; avec 0.4 m² d'espace végétal par habitant, notre arrondissement est l'un des territoires les moins respirables qui soit, en comparaison avec la moyenne dont disposent les Parisiens, avec 4 fois plus d'espaces verts, loin derrière Rome : 600 fois plus". Dans ce contexte, elle estime que "couvrir les voies de la Gare de l'Est serait pharaonique et idiot".
Face à ce constat de densité, Anne Souyris veut "multiplier par 3 la surface végétalisée du 10e": la réalisation du "Balcon Vert" contribuera à cet objectif, et, sur ce nouveau toit vert, elle propose un "observatoire des levers et couchers du soleil".
La Carte du "Vivre Mieux dans le 10e" précise ce réaménagement des abords de la Gare de l'Est: "Trop chaotique, pas pensés ces abords! C'est à revoir. Trottoirs plus larges, plus de places pour les piétons, les vélos. revoir le dépôt de bus. Ouvrir la gare sur la ville. Végétaliser."
Pour mieux partager l'espace public, outre le chantier de réaménagement des abords des gares, Anne Souyris s'engage à "promouvoir les circulations douces" (vélos etc.) et installer "du mobilier et des espaces publics ouverts" (bancs, nouvelles toilettes publiques, mais aussi un bain-douche dans le quartier des gares).
Elle souhaite "développer, ensemble avec les habitants, un code de la rue et de la ville" (pour la circulation, le partage de l'espace public, l'hygiène et la vie nocturne).
Commentaires
Au fait, pouvez-vous préciser quand, dans quelles conditions et à quel prix ces terrains ont été achetés par la SNCF, par exemple ?
Il me semble que la plus grande partie de ces terrains a été expropriée par l'Etat, et ensuite donnée à la SNCF.
L'état est donc fondé à lui reprendre ces terrains si l'intérêt et l'utilité publiques le nécéssitent.
D'ailleurs, à l'occasion de la refonte du PLU, la Ville de Paris, en accord avec l'Etat, peut très bien souhaiter ne plus avoir de tels faisceaux de voies qui balafrent et défigurent le Xeme, et exiger de la SNCF qu'elle recule ses gares - ou au moins les faisceaux - dans des zones plus propices du Grand Paris.
Et remette les surfaces ainsi libérées à disposition de l'espace public parisien.
A ma connaissance, on n'a pas construit les aéroports en pleine ville, ... Pourquoi le train jouit-il d'un privilège exhorbitant et anticoncurrentiel ?
gilles
@Gilles: Bonne question ;-)
Pour répondre, et si nous allions faire un tour aux Archives Nationales :-)...
En outre, lors de la construction de la Gare de l'Est et du faisceau de voies ferrées, il n'y avait pas une compagnie nationale, mais plusieurs sociétés de chemin de fer. Pour la Gare de l'Est, ce fut la Compagnie des chemins de fer de l'Est, créée en 1845...
La connaissance de l'Histoire avec un H, et donc notre société historique du 10e, Histoire & Vies du 10e, pourraient nous aider à comprendre ces mécanismes d'acquisition du foncier au 19e siècle...
Cela doit être un sujet technique, mais certainement passionnant!
Le régime de l’exploitation ferroviaire des compagnies de chemin de fer est régi par la loi du 11 juin 1942 –alchimie complexe entre un système d’économie mixte et le régime des concession- l’Etat avance les crédits aux compagnies pour la construction des lignes.
On peut dire que la loi de 1842 uniformisa les règles du jeu en matière de partage des tâches de construction et d’exploitation. S’agissant la ligne de Paris à Strasbourg elle fut réalisée sur les deniers de l’Etat, la compagnie a remboursé en fonction des recettes (sous la forme de convention) ces dépenses de premier établissement. Par contre la Compagnie de chemin de fer de Strasbourg (Compagnie de l’Est en 1854) finança l’indemnisation des expropriations pour cause d’utilité publique, l’Etat prenant à sa charge l’édification de la gare de l’Est à Paris. D'ailleurs, la Compagnie n'avait pas lésiné sur les moyens. Les sommes versées aux expropriés furent toujours au-dessus de la valeur vénale des bâtiments et des terrains (deux fois supérieurs en moyenne pour les maisons de la rue Neuve de Chabrol (en face de l’actuelle place du 8 mai 1945 aujourd’hui) et du Faubourg Saint-Martin, par exemples. Les propriétaires et les sociétés immobilières tiraient les indemnités à la hausse, tandis que la législation sur les expropriations, encore balbutiante, préserve les intérêts de la propriété privée. L'enveloppe s'est élevée à l’époque à près de 7 millions de francs pour l’implantation de la gare et de ses installations à Paris.
Patrick Cognasson, historien