... la parole est à la Mission Cinéma de la Ville de Paris
La salle, venue pour entendre parler du projet Louxor et de quelle manière le quartier pourrait contribuer à l’enrichir, piaffait d’impatience, une impatience contenue toutefois, pendant que l’élue référente du conseil, Alexandra Cordebard, répondait aux questions restées en suspend et pertinemment rappelées par Jean-Louis Pierrel, animateur chevronné du conseil de quartier Lariboisière Saint-Vincent-de-Paul.
Le tour de Michel Gomez, délégué général de la Mission cinéma de la Ville, est arrivé : il a su en quelques phrases faire le point sur l’avancée du chantier, dire combien la phase actuelle est complexe, car l’édifice est fragile et les destructions, nécessaires pour rendre la salle exploitable dans le cadre du projet choisi, requièrent toute l’attention de l’entreprise et de l’architecte. Le parti pris était de faire une boîte dans la boîte, il a donc fallu stabiliser les fondations, foncer des micro-pieux, détruire les balcons, etc. Quelques photos projetées sur l’écran donnent une idée de l’ampleur du réaménagement intérieur.
En ce qui concerne la progression de la rénovation -la transformation du cinéma-, il a été décidé de n’autoriser ni prise de vue, ni tournage, amateur ou professionnel, mais de fixer sur pellicule les mêmes angles à des espaces temps réguliers. Des prises de vues sont également faits par le Forum des images tous les trois mois. Des visites auront encore lieu, très encadrées, par groupe de dix personnes, pour des raisons de sécurité.
Revenant aux façades, Michel Gomez annonce par ailleurs l’arrivée prochaine d’une bâche. Bertrand Delanoë a opté pour une bâche sans publicité, éclairée de nuit, avec une image de synthèse représentant le Louxor. C'est-à-dire dans la ligne de l’habillage des palissades qui depuis le début d’année reproduisent les mosaïques des façades. Rappelons qu'elles sont inscrites et protégées au titre du patrimoine. Michel Gomez précise que les photographies exposées sur ces palissades évolueront au fur et à mesure du chantier, pour en partager la progression avec le quartier. Pour poursuivre dans la communication, le délégué de la Mission cinéma annonce une lettre semestrielle dont le premier numéro devrait arriver en même temps que la bâche : elle donnera des informations sur le chantier, sera un lien avec les associations du quartier, les mairies d’arrondissements, elle livrera tous les secrets du fonctionnement des salles Art et essai… dont Michel Gomez nous dit qu’il a beaucoup évolué depuis les années soixante, n'étant plus limité au soutien de film d'auteur... On ne demande qu’à le croire pour le futur du Louxor.
Pour terminer sa présentation, et avant de laisser la parole à la salle, Michel Gomez insiste sur le fait qu’aucun exploitant privé n’aurait assumé le coût d’une telle rénovation-transformation… La Mairie de Paris a choisi de consacrer un investissement important tant sur le plan de l’urbanisme, du patrimoine que du cinéma, parce qu’elle pense que le quartier en a besoin. Le cinéma peut contribuer à modifier un environnement, et les nouveaux quartiers sont demandeurs de telles implantations, semble-t-il. La livraison des salles aura lieu au premier trimestre de 2013 : d’ici là, un exploitant aura été désigné par le biais d’une délégation de service public (DSP) fin 2012. C’est la rédaction du cahier des charges de cette DSP qui est en cours et qui, selon les prévisions, passera en conseil de Paris en mai. C’est aussi ce cahier des charges qui préoccupe les associations : quelle est la place réservée au quartier dans la définition de ce qu’on attend de l’exploitant ?
Certes, c’est bien l’exploitant qui prend les risques et la Ville ne peut pas entrer dans le détail des modalités d’exploitation. Elle ne peut qu’énoncer les orientations qu’elle souhaite. Par exemple, demander à ce que l’éducation à l’image et l’ouverture aux jeunes publics soient présentes, que la programmation réponde aux critères des salles dites Art et essai, que les tarifs soient accessibles à tous en adhérant aux cartes des groupements, etc. Enfin, l’établissement, comme tous les cinémas indépendants de Paris, bénéficiera des subventions attribuées par les différents organismes d’aide au cinéma et aux salles indépendantes.
Les questions de la salle laisseront peu de sujets dans l’ombre :
- N’y aura-t-il vraiment que du cinéma dans le Louxor ?
- Les cinéphiles amateurs d’Art et essai ne sont-ils pas vieillissants ?
- Que se passera-t-il si la majorité change au conseil de Paris ?
- La Mission cinéma aura-t-elle son mot à dire sur le nombre de films, leur choix ?
- Des exploitants se sont-ils déjà déclarés intéressés par le Louxor ?
- Y aura-t-il une salle de lecture, une médiathèque, une librairie ?
- En quoi le Louxor peut-il prendre une dimension structurante pour le quartier, améliorer la vie quotidienne de ses habitants ?
- La Ville pourra-t-elle imposer, voudra-t-elle imposer certains dispositifs, comme des salles disponibles pour des activités associatives ?
- Comment la ville compte-elle peser sur l’environnement pour qu’il ne nuise pas à la fréquentation de la salle ?
- N’y-t-il pas une possibilité de proposer un embellissement de carrefour (implantation d’une œuvre d’art contemporain comme près de la place Clichy) en faisant appel aux artistes du quartier (Villa Garance rue du Faubourg Poissonnière par ex.) en accompagnement à l’ouverture du Louxor ?
- Les salles du Louxor verront-elles des cinéphiles mangeurs de pop corn entre deux plans ?
- L’exploitant aura-t-il le temps de s’imprégner de la vie du quartier avant de se lancer dans l’aventure, car Barbès présente des caractéristiques propres, disons singulières !
- Le projet tient-il compte des normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ?
Michel Gomez a répondu à tout sans esquiver : voici en vrac, les réponses.
- En sous sol, une des salles sera équipée d’une régie pour faire du théâtre ou de la musique, des conférences, éventuellement.
- L’Art et essai représente une gamme plus large qu’on ne le pense habituellement, et la Mission cinéma dit que les salles Art et essai se portent plutôt bien à Paris.
- En cas de changement de majorité municipale en 2014, rien ne se passera pour le Louxor : la DSP a une durée de 7 ans, durée nécessaire pour que l'exploitant puisse récupérer les premières années qui seront probablement déficitaires. Le projet s'inscrit dans la durée.
- La MCVP ne va pas infliger des contraintes de programmation à l’exploitant : il prend le risque et il est libre de ses choix dans le cadre du cahier des charges de la DSP.
- Le projet attire les exploitants ! les demandes sont nombreuses…
- Non, pas de salle de lecture, car, si la salle du rdc est grande, les espaces annexes sont petits. Pas de librairie non plus, car stockage impossible. Il y aura un café d’environ 50 m² et un hall d’entrée plus spacieux qu’à l’origine.
- Question conceptuelle de la mission structurante du Louxor ? Un cinéma, c’est un lieu abordable, connu de tous, accessible à tous. Il est au centre d'une circulation de personnes et génère des activités économiques. La ville souhaite recenser toutes les activités culturelles des quartiers proches du carrefour Barbès et inscrire le Louxor parmi elles, en créant des liens. Elle choisira le meilleur projet pour le quartier et se réjouit que les candidats soient nombreux. Nous, avec elle !
- Difficile d’imposer la tenue de réunions associatives, en revanche des activités cinématographiques pilotées par des associations ou en collaboration, oui, pourquoi pas ? C’est avec l’exploitant qu’il faudra s’organiser. Nous pensons à une rétrospective du cinéma noir dans les bas fonds barbésiens…
- Propreté, vente à la sauvette et environnement ! Ce n’est pas vraiment la fonction de la MCVP mais elle participe au comité de suivi Barbès, piloté par le Secrétariat général de la Ville. Il se réunira bientôt, à la mi-mars, et les associations savent se faire entendre pour pointer tel ou tel point noir. [En effet, nous nous faisons entendre, mais le résultat n’est pas à la mesure de nos efforts, ni de ceux de la Propreté de Paris. La Préfecture devrait pouvoir mieux faire, la RATP aussi.]
- Le Louxor sera un cinéma neuf et toutes les normes d’accessibilité seront bien entendu respectées. Au niveau des normes il répondra également au label HQE de haute qualité environnementale.
- Un exploitant made in Barbès, ce serait idéal… La Mission cinéma promet de choisir le meilleur et non pas le moins disant, ou le moins ceci-cela. Elle regardera le parcours, le profil, le projet… avec minutie.
- Pour la vente du pop corn en salle… je n’ai pas entendu la réponse, désolée…
Pour conclure, signalons la remarque pertinente d’Alexandra Cordebard qui a relevé que, tout le monde ici souhaitait que le projet culturel du Louxor sache s’intégrer dans le quartier, qu’il se fonde dans sa spécificité, qu’il réponde à la demande, mais aussi qu’il change le quartier et qu’il lui apporte des améliorations. Sacré défi !