Mercredi dernier, 9 heures, au 75 rue du faubourg Poissonnière. Temps radieux, on se dit bonjour quand on se reconnaît, dans les locaux de la direction de la Propreté de Paris, pour les 9e et 10e arrondissements.
Comme trois fois par an, conformément aux engagements du contrat de service signé avec la Ville en 2004 et toujours en vigueur, en attendant le prochain, car Bertrand Delanoë a promis pendant la campagne de mettre en place une certaine décentralisation vers les arrondissements, l’objectif est de faire un état des lieux, à des périodes définies (printemps, hiver, automne) sur des voies qui ont été repérées et font l’objet d’une attention particulière. Ces observations relevées méthodiquement (présence de détritus, de déjection canine, sur le trottoir, dans le caniveau, dépôt sauvage, épanchement d’urine, etc) permettent de faire des comparaisons et de juger si la situation s’améliore ou non. Et finalité suprême, d’améliorer le dispositif quand on constate des dysfonctionnements.
Les groupes se forment, on répartit les secteurs. Je suis avec Jean-Paul Bidaud, responsable de la division et Xavier Thorel, en route pour compter les salissures urbaines dans la rue du Delta, le haut du faubourg Poissonnière, le bd de Rochechouart (du 1 au 17) et la rue de Rochechouart au-dessus du carrefour Trudaine/Dunkerque.
Quand nous arrivons sur site, les équipes du matin sont à l’ouvrage et nous croisons la benne de collecte des ordures ménagères (OM) en redescendant la rue du Delta. Sur le trottoir des numéros impairs dont nous venons de observer chaque mètre en ventilant sur un tableau les objets repérés, passe le lancier avec son camion laveur. Arrivés un quart d’heure plus tard, nous n’aurions vu aucun épanchement d’urine, tous les mégots auraient été chassés dans le caniveau… « C’est là la limite de l’opération, explique M Bidaud, la propreté d’une rue n’est pas constante, c’est une variable en perpétuel mouvement, même dans une rue tranquille comme celle du Delta. Une voiture quitte son stationnement où elle était depuis une semaine, et l’espace est jonché de détritus immondes, alors que les balayeurs viennent de passer ! » Toute la journée les riverains verront la rue sale. On ne peut bien sûr pas laver ou ramasser en continu : la norme vers laquelle tend la Propreté, c’est que la rue soit propre quand elle a été lavée. Fatalement, elle ne le restera pas, parce elle sera à nouveau salie. Fréquentation, nombre de commerces, nombre de passages piétons, stationnement résidentiel ou non, tout cela interagit.
Nous croisons aussi un diable chargé de cartons made in China, à plat, puis nous le perdons de vue, occupés par la minutie de nos relevés. Les cartons seront déposés par tas en plusieurs lieux sur la longueur de la rue. « Inutile de chercher les étiquettes de livraison ! » me dit Xavier Thorel, « les marchands ont compris que des inspecteurs pouvaient les verbaliser. » Et oui !
Un autre sujet récurrent de préoccupation : le mauvais emploi des corbeilles de rue. Les habitants, disons certains habitants ont pris l’habitude de jeter leurs OM (jargon maison) dans ces réceptacles, fixés sur le trottoir, au pied de leur immeuble. Plus facile, plus rapide que d’aller dans le local poubelle ? Peut-être. Mais cette nouvelle coutume désorganise les services, obligés de vider ces corbeilles plusieurs fois par jour, faute de quoi elles débordent. Pendant ce temps, d’autres tâches attendent… Notons que la présence de ces corbeilles est mal acceptée par les commerçants qui en demandent fréquemment le déplacement (coût 90€ !).
Dernière observation : les mégots de cigarette décorent les canivaux et les grilles des arbres devant bars, brasseries ou restaurants, bureaux... depuis l'application de l'interdiction de fumer à l'intérieur des espaces publics. Un gros pot rempli de sable peut très bien devenir un cendrier de rue tout à fait acceptable. Qui lance la mode à Paris ?
Le large trottoir de la place du Delta, - place qui n'existe pas administrativement, puisqu'il s'agit du boulevard de Rochechouart-, est très encombré par les cycles.
A entendre mes collègues d’un jour, la tâche n’est pas aisée. Mal aimés des propriétaires de chien, parfois mal reçus par les commerçants, gênés dans leur travail par les nombreux cycles garés un peu partout, les employés de la Propreté de Paris dépriment, et dès qu’ils le peuvent, demandent à être mutés… à l’ouest ! Les syndicats les soutiennent, logiquement, puisqu’il s’agit bien de leurs conditions de travail qui se dégradent. Alors si nous voulons des espaces urbains propres, commençons par valoriser le travail difficile des employés de la Propreté et tentons de salir le moins possible. Toute une éducation !