Le 4 novembre dernier, Action Barbès s’est rendu à l’hôtel des ventes Drouot-Montmartre, voir ce que proposent maître Morel dans la salle A et maître Morand dans la salle B, deux ventes dites "classiques".
Il convient d’être matinal, huit heures trente, pour dès l’ouverture du rideau de fer, se dépêcher d’aller dans l’une ou l’autre salle, d’un coup d’œil rapide, expert ou instinctif, ce qui va être dispersé ce jour, et ce qu’on va "surveiller". Nous disposons de trente minutes pour ouvrir les panières à linge, regarder la signature des assiettes, feuilleter les toiles empilées contre les rebords, tester les fauteuils et les tiroirs des secrétaires, soupeser les bijoux… Rituel bien réglé, chacun se salue, s’échange un bibelot, ça se bouscule un peu sous l’œil du commissaire priseur, de ses assistants qui installent les ordinateurs sur l’estrade, et les garçons de salle qui s’efforcent de mettre un peu d’ordre. Eh oui ! nous ne sommes pas rue Drouot et ses seize salles, où chaque exposition, la veille, permet de regarder plus au calme ce que recèle les ventes du lendemain. À Drouot-Montmartre, il faut faire vite !
À neuf heures tapantes, le commissaire priseur et tout son staff ordonne à tout les acheteurs de passer derrière les tables qui séparent les acteurs des spectateurs-vendeurs. Ce cérémonial, ce jeu de rôles mêlant hommes et femmes de toutes origines, vous le connaissez, bien sûr. Sinon, c’est trop tard : ce 4 novembre, quand le dernier coup de marteau tombera, quand le dernier acheteur aura enlevé sa marchandise, les rideaux de fer tomberont définitivement sur Drouot-Montmartre. Ainsi en a décidé la SCI Drouot Immobilier - qui n’est pas rattachée à Drouot-Patrimoine, gestionnaire de Drouot-Richelieu, rue Drouot - situé dans le 9e arrondissement et qui est dévolu aux ventes habituelles. Dommage, c’était une belle activité dans le quartier de la Goutte d'Or. Un repaire à bonnes affaires dans un grand brassage social et commercial.
Revenons tout de même à notre vente. Que voyons nous passer aujourd’hui ? Plateaux en métal argenté, tableaux, table à manger et chaises en acajou (sur laquelle des acheteurs cassent la croûte, en attendant que la table et ses chaises passent en vente !), des lustres d’hôtel, trente livres de la collection Pléiade, des casiers pleins de verres, une TV écran plat "en l’état", un frigo - deux portes quand même -, des estampes "époque Amélie Poulain", une boite d’une dizaine de petites montres-gousset en or ; tout le monde s’approche …
Les assistants font le va-et-vient entre les acheteurs et l’estrade "des ordinateurs", demandant un nom, donnant un ticket, prenant une carte bancaire. Le commissaire priseur connaît bon nombre des acheteurs "M. X, allons, 10 €, ça ne se refuse pas ! Bon, 5 €, adjugé", "Un Mac Book air, 200 €. En l’état. Ne venez pas me demander le mot de passe ou de le débloquer !". Il s’efforce en même temps de maintenir un minimum de calme, poussant de grands "Silence ! Et repassez derrière les tables, merci !", ordonnant à un petit malin qui s’est infiltré du côté pro, pour voir un objet de plus près, de repasser immédiatement du côté public. Sévérité très bonhomme, bien sûr.
Voilà, Drouot-Montmartre, ce nid à bonnes affaires installé rue Doudeauville, ce lieu sympathique et vivant à rendu l’âme.
Deux questions se posent à nous : pourquoi ? et quoi à la place ?
Elément de réponse à "pourquoi" : depuis quelques années, "notre Drouot", conçu au départ pour écouler la "drouille", c’est à dire le tout venant de peu de valeur, pas assez noble pour Drouot-Richelieu, était monté en gamme, proposant de belles et bonnes affaires, meubles, tableaux, etc. que l’on retrouvait fréquemment… aux Puces de Saint-Ouen. Dans le même temps, Drouot-Richelieu, sorte de club dont les membres sont soixante-dix maisons de ventes de Paris, ne se porte plus aussi bien. Beaucoup des seize salles sont irrégulièrement ouvertes, même en juin, période de pointe de ce commerce. Et surtout, bon nombre des plus grandes maisons de vente (Tajan, Piasa, Artcurial, Cornette de Saint Cyr…) ont ouvert leur propre salle des ventes, ne procédant à Drouot-Richelieu qu’a leurs ventes courantes… les mêmes ou presque maintenant qu’à Drouot-Montmartre !
Quid du futur ? Il s’agit d’un espace privé, faisant partie d'une grande copropriété, même si les pouvoirs publics peuvent tenter d’influer sur le choix du commerce. Pas facile d'envisager ce grand espace, sans fenêtres, avec bien peu d’ouverture sur la rue Doudeauville, mais un espace de chargement rue d’Oran très pratique. Des indiscrétions nous laissent entendre qu'un magasin de meuble et qu'une grande surface de bricolage se sont mis sur les rangs, affaire à suivre...