Le Conseil de Paris a voté à l'unanimité, lors de sa dernière séance tenue le 20 octobre, l'adoption d'un vœu présenté par Delphine Bürkli, maire du 9e, Jean-Baptiste de Froment, Gypsie Bloch, conseillers de Paris du 9e et l'ensemble du groupe UMP.
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Que dit ce vœu ? Il autorise "la présence d'agents de sécurité privée dans le périmètre des enseignes qui en feraient la demande dans une limite géographique à fixer conjointement avec elles". Tel est le texte exact de la demande faite au Préfet de Police.
Quels sont les motifs de ce vœu tels qu'on peut les comprendre à la lecture des "considérants" ? C'est la zone Haussmann des Grands Magasins qui est visée. Le très grand nombre de personnes qui y passe chaque année (45 millions nous dit-on), la forte présence de touristes dont la moitié serait asiatique, les faits de délinquance dont ces mêmes touristes sont les victimes et le souhait de certaines enseignes de renforcer la sécurité à leurs abords immédiats, voilà ce qui motive le vœu. (télécharger le texte du voeu).
Avant de le regarder plus en détail, faisons un petit rappel de ce qu'est un vœu pour le Conseil de Paris. L'article 14 du règlement intérieur du Conseil de Paris précise les conditions de dépôt, de discussion et d'adoption d'un vœu.
La valeur, notamment juridique, d'un vœu reste un mystère. Rien dans le règlement intérieur du Conseil de Paris ne le précise a contrario de ce qui est écrit à propos des délibérations qui elles sont exécutoires dès leur affichage. Interrogé sur la question, le Secrétariat Général de la Ville ne nous a pas répondu. Un vœu reste donc un vœu, pieux dirons certains. Dans le cas qui nous préoccupe, le vœu consiste en une demande au préfet de police. Rien n'oblige le préfet à satisfaire cette demande quand bien même celle-ci a été votée à l'unanimité du conseil de Paris.
Passons à l'interprétation de celui-ci adopté par le Conseil de Paris en ce 20 octobre, adopté à l'unanimité, rappelons-le.
Il y a une certaine ambiguïté dans ce texte. Le vœu, basé sur des informations relatives au quartier Haussmann s'applique uniquement au périmètre des Grands Magasins. C'est l'interprétation la plus logique. Mais rien ne dit que celui-ci ne puisse s'appliquer à l'ensemble du territoire parisien et en conséquence toutes les enseignes qui feraient la demande d'une zone de sécurité, qu'elles soient aux Champs Elysées, à Nation ou aux Halles sont susceptibles de bénéficier de cette autorisation de présence d'agents de sécurité privée. Donc, l'adoption de ce vœu signifie que le Conseil de Paris reconnait que la problématique spécifique au quartier des Grands Magasins est en fait générale à la capitale et que "les vols à la tire ou les escroqueries à la fausse pétition" sévissent un peu partout dans Paris. Quoiqu'il en soit, cette disposition crée un précédent, ouvre une porte restée fermée jusqu'à maintenant : l'arrivée de sociétés privées de sécurité dans l'espace public à Paris.
Avec l'adoption de ce vœu, le Conseil de Paris admet implicitement que toutes les enseignes parisiennes proches du boulevard Haussmann sont prêtes à faire appel à des sociétés de sécurité privée. Mais si cela n'était pas le cas, on aurait alors l'apparition d'une différence de traitement de la sécurité, les zones où les enseignes ont les moyens de se payer les services d'une société de sécurité et celles qui ne les auraient pas.
L'autorisation de présence d'agents de sécurité privée n'est valable que dans un périmètre conjointement fixé par la mairie de Paris et les enseignes. Donc, la mairie de Paris va donner à des entreprises privées un droit de regard, ici au nom de la sécurité, sur ce qui se passe dans l'espace public. Personne ne doute que ces entreprises respecteront scrupuleusement la loi mais cette disposition ne manque pas de poser des questions. De quel périmètre parlons-nous au juste ? Quels seront les pouvoirs de ces agents de sécurité ? Pour un périmètre aussi vaste que celui du boulevard Haussmann et de la rue Auber autour des Galeries Lafayette et du Printemps sans parler des autres grandes enseignes, y aura-t-il une seule société de sécurité ou plusieurs suivant le choix des enseignes impliquées ?
Les agents de sécurité ne seront pas armés, précise le texte du vœu. Fort bien. Mais ne met-on pas le doigt dans un engrenage dangereux car il y a fort à parier qu'à la première bavure, des armes seront requises pour ces agents. Et seront-ils identifiés comme tels, c'est à dire différenciés de la police nationale, par leurs tenues par exemple ?
Par ailleurs, de quelle sécurité parle-t-on en fait ? Bien sûr, on nous présente la chose comme le souci de la sécurité des personnes, mais en réalité ne s'agit-il pas plutôt de la sécurité des enseignes qui veulent vendre, dont c'est là l'objectif premier. On ne peut pas le leur reprocher mais il y a quand même beaucoup d'hypocrisie à présenter ce type de disposition comme un plus pour la population alors que les premiers bénéficiaires seront les enseignes.
Enfin, il en va hélas du traitement de la sécurité aux abords des magasins comme celui des toxicomanes. On repousse le problème de quartiers en quartiers, on ne le traite pas.