Web
Analytics

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : street art

  • --Les couleurs de Van Dongen réchauffent le musée de Montmartre

    Van Dongen (1877-1968), un peintre dont la notoriété est loin d'approcher celle d'un Picasso (1881-1973), bien que leurs vies artistiques aient fréquenté un même lieu à leurs débuts et que leurs longévités n'aient rien à se jalouser, 91 ans pour l'un et 92 pour l'autre, pas mal pour l'époque. Ils étaient contemporains et même voisins (coloc' on dirait aujourd'hui !) à l'époque du Bateau-Lavoir. Venus de Hollande, ou d'Espagne, ils ont appartenu à l'Ecole de Paris et à la légende du Montmartre bohème des années folles.

    Kees van Dongen est né dans la banlieue de Rotterdam, et vient à Paris en 1897 pour la toute première fois. Il s'installera deux ans plus tard, avec celle qui deviendra rapidement sa femme, une jeune Hollandaise (Augusta Preitinger), elle aussi artiste, rue Ordener puis rue Girardon. On la découvre lisant dans l'atelier du peintre parmi les œuvres exposées. Certains titres d'article ont qualifié Kees van Dongen d'artiste anarchiste... Certes, encore en Hollande, il a illustré l'ouvrage du communiste libertaire Pierre Propotkine et s'est manifesté par une certaine radicalité, mais il semble que son engagement politique ne soit pas allé très loin, ou plutôt n'ait pas duré très longtemps. Sa rencontre avec les milieux anarchistes parisiens et sa collaboration avec L'Assiette au beurre — très engagée dans les années 1905-1909 contre le colonialisme — sont davantage des témoignages de son insoumission aux normes surranées d'une société liberticide de la fin du 19e siècle.

    Van-Dongen, assiette-au-beurre

    Il participe à L'Assiette au beurre dès 1901, ne peint pratiquement pas entre 1896 et 1903, préférant à la peinture « l'art démocratique de l'imprimé », qu'il s'agisse de L'Assiette ou d'autres publications auxquelles il donne des contributions plus édulcorées, comme Le Frou-FrouLe Rab'laisLe Rire ou L'Indiscret. Ainsi, il écrit à un ami en 1901 : « À quoi cela sert-il de produire des tableaux qui ne servent qu'au luxe, quand nous sommes entourés partout de pauvreté ? Je préfère travailler autant que possible pour le bien commun, plutôt que pour quelques fripons délibérés ou involontaires. C'est pourquoi je dessine pour des magazines et j'ai abandonné la peinture ; je n'en fais qu'un peu, de temps en temps, et pour moi-même. »

    Cité par Jean-Michel Bouhours, Nathalie Bondil, Martine d'Astier et Anita Hopmans, Van Dongen, Hazan,   p112.

    On note son passage au Salon des indépendants où il expose en 1904 et rencontre Henri Matisse et Maurice de Vlaminck, puis l'année suivante, c'est le Salon d'automne où éclate littéralement le fauvisme. Il fait partie de ce mouvement nouveau qui révolutionne la peinture et débute par un scandale puisque le président de la République refuse d'inaugurer le Salon d'automne de 1905 au Grand Palais. 

    Les premières peintures réalisées aux Pays-Bas étaient inspirées des bas-fonds du port, le quartier De Wallen, quartier rouge, où se retrouvaient les matelots et les prostituées. Personnages hauts en couleur, postures singulières, cadre passionnant. De ces années-là, il lui restera certainement le goût pour les couleurs, la provocation et les femmes. La sensualité, la liberté, la spontanéité.

    Van Dongen Autoportrait

    Une des œuvres exposées au musée date de cette époque : Autoportrait en bleu 1895 (ci-dessus). Il a 18 ans. C'est le bleu qui domine. Le personnage est à contre-jour, sombre, massif, puissant. Presque provoquant. On sent déjà que cette toile et son auteur ont quelque chose à dire. Songez que nous sommes encore au 19e siècle.... Ce portrait pouvait surprendre et ne pas plaire.

    Nombre des toiles exposées viennent de collections privées ou de musées en région, et révèlent le travail minutieux réalisé par le musée de Montmartre pour s'inscrire dans l'hommage rendu à la culture néerlandaise en 2018.

     

    L'ombre sur le tableau de la postérité viendra peut-être de l'évolution de l'homme, d'abord pendant la Seconde Guerre mondiale où il ne prendra pas assez de distance avec l'occupant, puis de son goût pour une clientèle bourgeoise qui le fera vivre, bien vivre, et se retirer dans un cadre confortable sur le rocher... de Monaco. On lui reproche alors de faire de l'argent, en peignant, sur commande, des femmes riches ou célèbres. Ce sont plutôt ces décennies-là qui feront sa célébrité, mais dans le domaine des Beaux Arts les mondanités sont rarement synonymes de reconnaissance. A quelques exceptions près. 

    Malgré tout, certaines critiques que nous avons lues pour approfondir notre sujet après la visite de l'exposition au Musée de Montmartre la semaine dernière nous ont paru bien sévères. On peut lire parfois que le peintre en préférant la belle vie aux beaux arts se serait fourvoyé... notamment dans Les Echos en 2011, sous la plume de Judith Benhamou-Huet (mais l'article est réservé aux seuls abonnés). L'exposition de 2011 au musée d'Art moderne de Paris était-elle décevante ? Peut-être, nous préférons nous souvenir d'une exposition antérieure, en 2004 à Lodève (dans un musée de l'Hérault à ne pas rater dès sa réouverture l'été prochain !), expo riche de nombreuses œuvres, pas les mêmes qu'au musée de Montmartre cette année, ce qui démontre la grande diversité de l'artiste et laisse supposer que nous n'avons pas fini de redécouvrir dessins, illustrations et peintures. Pour notre part, avec un grand plaisir. 

    20180216_124205_2.jpg

    Couverture du catalogue de l'exposition de Lodève en 2004

    A défaut de vous montrer nos propres photos (elles sont interdites dans le cadre de cette expo), nous vous proposons de lire le blog de Montmartre-Addict qui vous ouvre les portes de l'exposition pour mieux vous donner envie : jetez-y un œil, peut-être un regard noir et charbonneux comme ceux des femmes de Kees van Dongen !

    paris,18e,montmartre,van-dongen,musée-de-montmartre

    Van Dongen et le Bateau-Lavoir

    Du 16 février au 26 août 2018 au Musée de Montmartre

    Ouvert tous les jours de 10h à 18h

    12 rue Cortot, 75018 Paris

  • Joyeux méli-mélo sur l'esplanade de l'Échomusée

    Ce jeudi 2 juillet, la Goutte d'Or était largement invitée à un vernissage en musique live à l'Échomusée. Invitée… d'autant plus que le bar est payant. Ce qui est compréhensible, il faut bien que le lieu vive !

    L'exposition ? un mélange de l'expo de-juste-avant et des œuvres de celle qui commence ce jour là. Ça, c'est pour l'intérieur de l'Échomusée.

    echomusée,18e,cafe-du-parc

    À l'extérieur, mélange aussi; entre tables et chaises, provenant à 96 % du Café du Parc, juste de l'autre côté de la rue Cavé, car ici on fait terrasse commune. Commandez votre bière au Café du Parc, ou votre verre de vin à l'Échomusée, dans une joyeuse ambiance totalement décomplexée. Un joyeux mélange d'établissements qui est dû… mais oui, à notre "cher" corona ! Ceci dit, l'Échomusée a toujours été l'un des les plus "trans-tout", trans-générations, trans-musiques, trans-couleurs, trans- arts graphiques… de la Goutte d'Or ! À la musique, on commence par un orchestre tendance balafon et kora, suivi d'un duo synthé année 1950 et batterie. La musique s'est sagement éteinte à 22 h 10, mais le bla-bla-bla a continué dans l'Échomusée après minuit ! Et l'expo, ah oui, l'expo... et si vous alliez la découvrir par vous même !

    Qui sait, la terrasse de l'Échomusée-du-Parc va-t-elle être le lieu "tendance" de cet été ?

  • Un été animé pour les enfants du 9e

    Cet été, dans le 9e, les centres d’animation "Nouvelle Athènes" et "Valeyre", ont concocté pour les enfants de l'arrondissement un riche programme d’animations, de stages, de sorties, d’ateliers, d’activités sportives mais aussi des spectacles et des projections de films.

    Il y en aura pour tous les goûts et tous les âges ! Retrouvez l’ensemble des propositions en cliquant ici. Vous y trouverez les stages, sorties et mini-séjours. Soumises au quotient familial ces activités vous permettront de pratiquer des activités de sport, de théâtre, de danse ou d’arts plastiques à des tarifs municipaux. Les sorties sont plutôt destinées aux enfants et aux jeunes, elles sont encadrées par les équipes d’animation et permettront de découvrir un lieu sur une journée complète ou une demi-journée.

    Pour les stages et les sorties, les inscriptions peuvent se faire directement en cliquant ici .Pour les mini-séjours, les inscriptions se font sur place, à l’accueil du centre qui les organise. Vous découvrirez ensuite les animations éducatives et culturelles que les centres ont planifiées. Ces propositions sont entièrement gratuites et s’adressent à un large public. Pour y participer, contactez directement les centres d’animation.

    Enfin, vous pouvez retrouver les équipes des centres d'animation du 9e sur Paris Plage, elles participeront à plusieurs temps d’animation sur le bassin de la Villette. 

    unnamed.png

  • Rencontres Photographiques du 10e : appel à candidatures

    L’association Fetart, en collaboration avec la Mairie du 10e, organise la 8e édition des Rencontres Photographiques du 10e qui se dérouleront du 14 octobre au 16 novembre 2019. Depuis le 7 janvier, nous sommes entrés dans la phase de candidatures, qui s'achèvera le 17 février 2019.

    vignette-appel-à-candidature-RP10-2019-copie-900x739.png

    Biennale initiée en 2005 par la bibliothèque du Château d’Eau et la Mairie du 10e, elle est organisée pour la seconde fois par l’association Fetart. Cet événement présente des expositions de photographes amateurs ou professionnels dans divers lieux tels que la Mairie, des bibliothèques, des lieux culturels, des galeries d’art ou encore des commerces afin de toucher un large public. Les Rencontres Photographiques du 10e sont aussi l’occasion d’échanger lors d’événements ponctuels (conférences, projections…) organisés tout au long de la biennale.

    Si les professionnels (photographes, galeries...) sont bien évidemment appelés à proposer des projets, les photographes amateurs peuvent également soumettre leurs oeuvres photographique. Le thème est libre, mais il doit impérativement concerner le 10e arrondissement ; la seule condition pour pouvoir exposer : habiter, travailler/étudier à Paris ou avoir un travail photographique sur le 10e. L’ appel à candidature est donc ouvert du  7 janvier au 17 février 2019. Une dizaine de photographes sera sélectionnée par un jury qui se tiendra fin février 2019.

    Pour plus d'informations et pour postuler, rendez-vous sur le site dédié à cet évènement, ou par mail : info@rencontresphotoparis10.fr .

  • Soutenons l'Échomusée de la Goutte d'Or !

    Les habitants et les amateurs d'art connaissent bien l'Échomusée, ce lieu d'exposition à taille humaine, incontournable à la Goutte d'Or, dont nous vous parlons régulièrement ici. Cet acteur culturel fête cette année ses trente ans d'existence. Trente ans qui ont vu défiler des résidents comme Jérôme Ménager, Denis Lavant, Fantazio, Monsieur Chat, Misstic, Popay et des centaines d’autres artistes émergents.

    Mais la crise sanitaire a fortement touché la vie de l'Échomusée et par conséquence ses finances. C'est pourquoi, pour que cet anniversaire ne soit pas le dernier, il faut soutenir l'Échomusée. Ceux qui le peuvent ont la possibilité de faire un don en ligne (avec de gentilles contreparties selon le montant de la contribution).

    Une autre manière de soutenir l'Échomusée sera d'assister au concert de soutien annuel offert par le Centre FGO Barbara, reporté cette année au vendredi 22 avril, suite aux restrictions des jauges. Ce concert s'annonce avec une affiche hors norme, avec sur scène : l’Orchestre National de Barbès, les Ogres de Barbark, la rue Kétanou, Mouss & Hakim des Motivés ainsi que d’autres invités surprises.

    Finissons en souhaitant un bon anniversaire et surtout longue vie à l'Échomusée !

    echomusée,goutte-d-or,18e

  • ”Palais cinéma”, une expo photo sur et au Louxor

    Une nouvelle exposition photos est à découvrir au Louxor jusqu'au 31 août. Vous pourrez plonger dans le travail de la photographe Nathalie Joyeux qui porte sur le Louxor, plus précisément sur la vie du cinéma. 

    expo-photos,louxor,10e,nathalie-joyeux

    "De Août 2021 à mars 2022, Nathalie Joyeux photographie le Louxor après les deux confinements dus à la pandémie. Du petit matin jusqu’à tard dans la nuit, l’équipe du Louxor s’active pour accueillir les spectateurs de tous âges dorénavant masqués. Les rencontres avec les artistes se multiplient pour faire revenir le public. Des soleils rayonnent fièrement en haut de mats sur le toit du bâtiment, ils sont la promesse de « l’histoire sans fin » du Louxor.

    expo-photos,louxor,10e,nathalie-joyeux

    Avec PALAIS CINEMA, la photographe saisit l’ambiance feutrée de la salle de cinéma, ses lumières dorées, les visages qui surgissent de la pénombre, les détails d’un décor d’exception, le mouvement d’un enfant impatient d’entrer en salle : une forme d’hommage à celles et ceux qui font exister les temples du septième art.

    expo-photos,louxor,10e,nathalie-joyeux

    L’exposition présente également une série de neuf portraits de personnalités venues au Louxor ou en d’autres cinémas de janvier à mars 2022."

    ExpoAffiche - copie.jpg

    C'est où ?

    Salon du Louxor, 170 boulevard Magenta, Paris 10e

    C'est quand ?

    Jusqu'au 31 août 2022

  • Conseil de quartier Lariboisière Saint-Vincent-de-Paul hier soir...

    ... la parole est à la Mission Cinéma de la Ville de Paris

     

    PHOTOS - Louxor Bd de La chapelle.JPGLa salle, venue pour entendre parler du projet Louxor et de quelle manière le quartier pourrait contribuer à l’enrichir, piaffait d’impatience, une impatience contenue toutefois, pendant que l’élue référente du conseil, Alexandra Cordebard, répondait aux questions restées en suspend et pertinemment rappelées par Jean-Louis Pierrel, animateur chevronné du conseil de quartier Lariboisière Saint-Vincent-de-Paul.

     

    Le tour de Michel Gomez, délégué général de la Mission cinéma de la Ville, est arrivé : il a su en quelques phrases faire le point sur l’avancée du chantier, dire combien la phase actuelle est complexe, car l’édifice est fragile et les destructions, nécessaires pour rendre la salle exploitable dans le cadre du projet choisi, requièrent toute l’attention de l’entreprise et de l’architecte. Le parti pris était de faire une boîte dans la boîte, il a donc fallu stabiliser les fondations, foncer des micro-pieux, détruire les balcons, etc. Quelques photos projetées sur l’écran donnent une idée de l’ampleur du réaménagement intérieur.

    En ce qui concerne la progression de la rénovation -la transformation du cinéma-, il a été décidé de n’autoriser ni prise de vue, ni tournage, amateur ou professionnel, mais de fixer sur pellicule les mêmes angles à des espaces temps réguliers. Des prises de vues sont également faits par le Forum des images tous les trois mois. Des visites auront encore lieu, très encadrées, par groupe de dix personnes, pour des raisons de sécurité.

    PHOTOS - mosaïques Bd de La chapelle.JPGRevenant aux façades, Michel Gomez annonce par ailleurs l’arrivée prochaine d’une bâche. Bertrand Delanoë a opté pour une bâche sans publicité, éclairée de nuit, avec une image de synthèse représentant le Louxor. C'est-à-dire dans la ligne de l’habillage des palissades qui depuis le début d’année reproduisent les mosaïques des façades. Rappelons qu'elles sont inscrites et protégées au titre du patrimoine.  Michel Gomez précise que les photographies exposées sur ces palissades évolueront au fur et à mesure du chantier, pour en partager la progression avec le quartier. Pour poursuivre dans la communication, le délégué de la Mission cinéma annonce une lettre semestrielle dont le premier numéro devrait arriver en même temps que la bâche : elle donnera des informations sur le chantier, sera un lien avec les associations du quartier, les mairies d’arrondissements, elle livrera tous les secrets du fonctionnement des salles Art et essai… dont Michel Gomez nous dit qu’il a beaucoup évolué depuis les années soixante, n'étant plus limité au soutien de film d'auteur... On ne demande qu’à le croire pour le futur du Louxor.

    Pour terminer sa présentation, et avant de laisser la parole à la salle, Michel Gomez insiste sur le fait qu’aucun exploitant privé n’aurait assumé le coût d’une telle rénovation-transformation… La Mairie de Paris a choisi de consacrer un investissement important tant sur le plan de l’urbanisme, du patrimoine que du cinéma, parce qu’elle pense que le quartier en a besoin. Le cinéma peut contribuer à modifier un environnement, et les nouveaux quartiers sont demandeurs de telles implantations, semble-t-il. La livraison des salles aura lieu au premier trimestre de 2013 : d’ici là, un exploitant aura été désigné par le biais d’une délégation de service public (DSP) fin 2012. C’est la rédaction du cahier des charges de cette DSP qui est en cours et qui, selon les prévisions, passera en conseil de Paris en mai. C’est aussi ce cahier des charges qui préoccupe les associations : quelle est la place réservée au quartier dans la définition de ce qu’on attend de l’exploitant ?

    Certes, c’est bien l’exploitant qui prend les risques et la Ville ne peut pas entrer dans le détail des modalités d’exploitation. Elle ne peut qu’énoncer les orientations qu’elle souhaite. Par exemple, demander à ce que l’éducation à l’image et l’ouverture aux jeunes publics soient présentes, que la programmation réponde aux critères des salles dites Art et essai, que les tarifs soient accessibles à tous en adhérant aux cartes des groupements, etc. Enfin, l’établissement, comme tous les cinémas indépendants de Paris, bénéficiera des subventions attribuées par les différents organismes d’aide au cinéma et aux salles indépendantes.

    Les questions de la salle laisseront peu de sujets dans l’ombre :

    -          N’y aura-t-il vraiment que du cinéma dans le Louxor ?

    -          Les cinéphiles amateurs d’Art et essai ne sont-ils pas vieillissants ?

    -          Que se passera-t-il si la majorité change au conseil de Paris ?

    -          La Mission cinéma aura-t-elle son mot à dire sur le nombre de films, leur choix ?

    -          Des exploitants se sont-ils déjà déclarés intéressés par le Louxor ?

    -          Y aura-t-il une salle de lecture, une médiathèque, une librairie ?

    -          En quoi le Louxor peut-il prendre une dimension structurante pour le quartier, améliorer la vie quotidienne de ses habitants ?

    -          La Ville pourra-t-elle imposer, voudra-t-elle imposer certains dispositifs, comme des salles disponibles pour des activités associatives ?

    -          Comment la ville compte-elle peser sur l’environnement pour qu’il ne nuise pas à la fréquentation de la salle ?

    -          N’y-t-il pas une possibilité de proposer un embellissement de carrefour (implantation d’une œuvre d’art contemporain comme près de la place Clichy) en faisant appel aux artistes du quartier (Villa Garance rue du Faubourg Poissonnière par ex.) en accompagnement à l’ouverture du Louxor ?

    -          Les salles du Louxor verront-elles des cinéphiles mangeurs de pop corn entre deux plans ?

    -          L’exploitant aura-t-il le temps de s’imprégner de la vie du quartier avant de se lancer dans l’aventure, car Barbès présente des caractéristiques propres, disons singulières !

    -          Le projet tient-il compte des normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ?

     

    Michel Gomez a répondu à tout sans esquiver : voici en vrac, les réponses.

    -          En sous sol, une des salles sera équipée d’une régie pour faire du théâtre ou de la musique, des conférences, éventuellement.

    -          L’Art et essai représente une gamme plus large qu’on ne le pense habituellement, et la Mission cinéma dit que les salles Art et essai se portent plutôt bien à Paris.

    -          En cas de changement de majorité municipale en 2014, rien ne se passera pour le Louxor : la DSP a une durée de 7 ans, durée nécessaire pour que l'exploitant puisse récupérer les premières années qui seront probablement déficitaires. Le projet s'inscrit dans la durée.

    -          La MCVP ne va pas infliger des contraintes de programmation à l’exploitant : il prend le risque et il est libre de ses choix dans le cadre du cahier des charges de la DSP.

    -          Le projet attire les exploitants ! les demandes sont nombreuses…

    -          Non, pas de salle de lecture, car, si la salle du rdc est grande, les espaces annexes sont petits. Pas de librairie non plus, car stockage impossible. Il y aura un café d’environ 50 m² et un hall d’entrée plus spacieux qu’à l’origine.

    -          Question conceptuelle de la mission structurante du Louxor ? Un cinéma, c’est un lieu abordable, connu de tous, accessible à tous. Il est au centre d'une circulation de personnes et génère des activités économiques. La ville souhaite recenser toutes les activités culturelles des quartiers proches du carrefour Barbès et inscrire le Louxor parmi elles, en créant des liens.  Elle choisira le meilleur projet pour le quartier et se réjouit que les candidats soient nombreux. Nous, avec elle !

    -          Difficile d’imposer la tenue de réunions associatives, en revanche des activités cinématographiques pilotées par des associations ou en collaboration, oui, pourquoi pas ? C’est avec l’exploitant qu’il faudra s’organiser. Nous pensons à une rétrospective du cinéma noir dans les bas fonds barbésiens…

    -          Propreté, vente à la sauvette et environnement ! Ce n’est pas vraiment la fonction de la MCVP mais elle participe au comité de suivi Barbès, piloté par le Secrétariat général de la Ville. Il se réunira bientôt, à la mi-mars, et les associations savent se faire entendre pour pointer tel ou tel point noir. [En effet, nous nous faisons entendre, mais le résultat n’est pas à la mesure de nos efforts, ni de ceux de la Propreté de Paris. La Préfecture devrait pouvoir mieux faire, la RATP aussi.]

    -          Le Louxor sera un cinéma neuf et toutes les normes d’accessibilité seront bien entendu respectées. Au niveau des normes il répondra également au label HQE de haute qualité environnementale.

    -          Un exploitant made in Barbès, ce serait idéal… La Mission cinéma promet de choisir le meilleur et non pas le moins disant, ou le moins ceci-cela. Elle regardera le parcours, le profil, le projet… avec minutie.

    •   Pour la vente du pop corn en salle… je n’ai pas entendu la réponse, désolée…

     

    document?id=14333&id_attribute=120

    Pour conclure, signalons la remarque pertinente d’Alexandra Cordebard qui a relevé que, tout le monde ici souhaitait que le projet culturel du Louxor sache s’intégrer dans le quartier, qu’il se fonde dans sa spécificité, qu’il réponde à la demande, mais aussi qu’il change le quartier et qu’il lui apporte des améliorations. Sacré défi !

     

  • L’histoire du Louxor

    François Loyer est aujourd’hui Directeur de Recherche au CNRS mais il a été Vice Président de la Commission du Vieux Paris. Historien de grande notoriété, spécialiste de l’architecture parisienne des 19ème et 20ème siècles, son livre, Paris XIXème siècle, l’immeuble et la rue fait autorité.

    François Loyer a bien voulu se pencher sur le cas du Louxor. Dans un premier temps au titre de la Commission du Vieux Paris puis, plus récemment, pour le compte de l’association Action Barbès. Nous publions ici l’intégralité de la conférence qu’il a bien voulu donner lors de la dernière Assemblée Générale de cette association en septembre 2008.

    oOo

    Le Louxor, Palais du Cinéma

    Les plus anciens cinémas de Paris

    En 1906, l’avocat Edmond Benoit-Lévy inaugurait, sur les grands boulevards, la première des salles non foraines du cinéma. Lié à Charles Pathé, le rival de Gaumont, il était le promoteur d’un cinéma éducateur tourné vers les classes populaires. Bientôt, le développement spectaculaire de ce nouveau support allait en faire une des formes modernes de l’art : en témoigne la création, en 1908,....

     

     

    de l’éphémère « Société du Film d’Art »[1], placée sous la direction artistique du jeune Henri Lavedan (appelé à une grande destinée dans l’histoire de l’urbanisme). À la veille de la première guerre mondiale, existaient déjà plus de trois cents salles de cinéma en France (cent mille aux Etats-Unis !). Saluant la reconnaissance du Septième Art, le Guide Bleu de 1923 indique que Paris en possède désormais près de deux cents : la liste mentionne trente-six adresses, dont celle du « Louxor ». C’est dire la réussite foudroyante d’une industrie artistique appelée à un bel avenir.

     

    Il ne reste pratiquement plus rien aujourd’hui d’une telle flambée de constructions. Seuls quatre cinémas parisiens peuvent se prévaloir de l’ancienneté de leur origine : le Panthéon, 13 rue Victor Cousin, (ouvert en 1907, rénové en 1930) ; le Cinéma Palace, 42, boulevard de Bonne Nouvelle (1907, dans sa version de 1921), le Max Linder Panorama, 24 Boulevard Poissonnière (1912, rénové en 1957 et 2007) et le Latina, ancien cinéma de l’Hôtel de Ville (1913, reconstruit en 1995). Encore faut-il remarquer qu’aucun d’entre eux ne subsiste dans son état initial : seul le site s’en est maintenu, la construction ayant été rénovée à plusieurs reprises. Ils n’en constituent pas moins de précieux souvenirs d’une histoire en train de s’effacer sous nos yeux. Rappelons que le dernier cinéma d’avant 1914, le Ternes Palace, 7-9 rue Pierre-Demours, a été détruit il y a deux ans. Créé en 1911 par E. Benoit-Lévy, il était connu pour son toit ouvrant (qui inspirera l’illustre « Maison du Peuple » à Clichy, dans les années trente). Il faut se rabattre sur le Grand Rex (1931, par Auguste Bluysen et Maurice Dufrêne), la Pagode (une ancienne salle des fêtes, transformée en cinéma la même année), ou le Balzac (1935) pour trouver des souvenirs de l’entre-deux-guerres – le Paramount (1927), dans l’ancien théâtre du Vaudeville, ne subsistant qu’à l’état de fragments dans une succession de rénovations qui l’ont peu à peu défiguré.

     

    Tel qu’il nous est parvenu, Le Louxor (1921) apparaît donc comme l’un des plus anciens[2], sinon le plus ancien des cinémas de Paris – voire d’Europe. Cette rareté, correspondant à une période prestigieuse de la construction de salles de spectacle, donne à l’édifice un caractère d’autant plus exceptionnel qu’il n’a subi aucune modification depuis son abandon il y a trente ans. De ce point de vue, l’inscription des façades et toitures au titre des Monuments Historiques est notoirement insuffisante, s’agissant d’un « unicum » dans l’architecture parisienne (et d’une rareté, dans l’architecture européenne).

     

    Le Louxor

     

    « Palais du Cinéma », Le Louxor est une vaste salle - 1.200 places au total (le tiers aujourd’hui, au regard des normes de confort actuelles). La taille est sans comparaison avec les quelques centaines de sièges des cinémas d’avant-guerre[3]. Comme l’écrivait un contemporain, « les scénarios nouveaux et très adaptés au spectacle cinématographique par des metteurs en scène qui se sont révélés des maîtres, viennent de faire du cinéma un cinquième art, l’art muet. Son développement lui interdit désormais une installation précaire ; il lui faut un cadre digne de lui »[4]. Même si nous ne comptons plus tout à fait de la même façon aujourd’hui (et même si le cinéma a depuis longtemps conquis la parole), la spécificité du programme du cinéma de quartier est évidente à travers ces remarques. Et le même auteur de préciser : « il serait superflu de vouloir jouer à la grande architecture, le cinéma devant toujours garder son caractère populaire. Laissons les grandes ordonnances aux établissements des institutions d’Etats pour en souligner la puissance aux yeux du commun, mais restons dans des formes modernes, résultat du système de construction de notre époque dans lequel l’ornement ne viendra remplir qu’un rôle secondaire dans une place voulue mais non créée spécialement pour lui. » De ce point de vue, le Louxor est une remarquable réussite. Pour abondant que soit son décor extérieur de mosaïque, il est soumis à un rôle d’accompagnement, sans versatilité ni pittoresque.

    Salle en 1922.JPG

    L’architecture n’en est pas moins ambitieuse, ne serait-ce que par son échelle. L’auteur (un parisien d’origine levantine et de formation française) réalise une audacieuse construction en portiques de béton d’une grande légèreté, sur de simples semelles de fondation. On pense, en l’observant, au parti que retiendra deux ans plus tard Auguste Perret pour l’église du Raincy – dont Le Louxor est incontestablement le modèle[5] : l’ossature extérieure, les remplissages légers, le système de lanterneaux de ventilation sont communs aux deux édifices, ainsi que la géométrie d’un volume parallélépipédique tout en profondeur, au sol incliné[6]. Pour augmenter la capacité de la salle, deux grands balcons superposés exploitent l’importante hauteur sous plafond. L’architecte s’est inspiré de plusieurs salles de spectacle parisiennes – notamment, la salle Gaveau, transposée ici en ossature de béton. Les contraintes de la projection cinématographique le poussent à développer la superposition des places sur trois niveaux, en renonçant aux balcons enveloppants qui ne permettraient pas la vue frontale. Pour le reste, on est étonné de voir à quel point le traitement décoratif de la structure renvoie au travail de Perret pour le théâtre des Champs-Elysées : triomphe de l’ossature porteuse, système de claustra décoratifs, agencement du proscénium et de la fosse d’orchestre.

     

     

    Un intérieur miraculeusement préservé

     

    Pour autant, est-ce vraiment un cinéma ? A l’époque où se formalise la typologie des salles de projection, la référence au théâtre est encore très présente. Le cinéma muet l’impose : la projection est associée à un accompagnement musical qui justifie la fosse d’orchestre – on n’est pas loin du théâtre de variété ou de l’opéra comique. Cachée par de grands claustras de part et d’autre de l’écran (ce dernier pouvant être occulté par un rideau de scène – toujours en place dans les combles), un étroit volume en hauteur accueille le souffleur, chargé du bruitage et de l’accompagnement parlé. Tout cela fait du Louxor une salle de spectacle ouverte aussi bien à des performances musicales qu’à des conférences ou des débats[7], voire à des spectacles de variété ou de mime sur la petite scène devant l’écran. Soulignons à quel point la conservation de ces dispositifs est devenue rare, donnant à l’édifice un caractère exceptionnel dans l’histoire des cinémas de quartier.

     

    La transformation de la salle en boîte de nuit, à moindres frais, a laissé la quasi-totalité du décor intérieur en place. Derrière l’habillage en moquette, les stucs marbre en ton bleu lapis lazzuli sont toujours là, de même que les grands motifs d’inspiration minœnne des peintures murales. Les décors de staff ont été préservés et l’on garde la trace des luminaires électriques. Une restauration en est entièrement possible, sachant que l’ensemble du dispositif spatial de la salle et de ses accès est toujours en place, avec tous les éléments d’origine. Au total, ce n’est pas un squelette ou une enveloppe qui sont parvenus jusqu’à nous, mais bien la salle entière, y compris son décor[8]. Un tel exemple est unique. Il ne donne pas seulement le souvenir d’une des premières grandes salles de cinéma construites en France, il en donne toute la matérialité, qui n’attend qu’une remise en état pour reprendre vie. L’extrême rareté des témoignages de l’architecture des débuts du septième art justifie qu’une attention toute particulière soit portée à la conservation, la restauration et la mise en valeur de ce bâtiment[9], depuis longtemps identifié comme un exemple majeur dans ce domaine à Paris.

    3. Louxor Ecran 1922.jpg
    Scène, fosse d'orchestre et écran en 1922

     

    Un projet de « façadisme »

     

    La proposition faite par la Ville de Paris va en sens inverse. Tirant parti de la protection partielle, uniquement conservatoire, prise il y a vingt ans pour les façades et toitures du bâtiment, elle ignore délibérément l’intérêt des intérieurs redécouverts depuis 2003 sous le décor de la fin des années 1970. Pour introduire un programme de cinéma d’art et d’essai, sur le modèle des multiplexes de la dernière génération, elle est amenée à détruire les fondations pour creuser deux salles souterraines – on perd au passage la structure des grandes semelles traversant les anciens sous-sols voûtés hérités des constructions du début du XIXe siècle. Les règles de sécurité pour l’accès à ces nouvelles salles obligent ensuite à rogner la grande salle de cinéma, tant du côté de l’entrée que du côté de l’écran – détruisant au passage proscénium, fosse d’orchestre et cage du souffleur. Enfin, il faut isoler : les stucs et le décor d’origine disparaissent sous l’épaisse croûte d’un habillage isolant sur lequel sera imité, avec plus ou moins de bonheur, le décor disparu à cet occasion[10]. Toutes les proportions de la salle en seront bouleversées. Mais ce n’est pas le pire : afin d’éviter la transmission des vibrations de la musique électro-acoustique dans la structure, on scie les deux balcons, qui seront détruits puis reconstruits. Que restera-t-il de la salle après ces interventions ? Plus grand-chose, assurément !

     

    Restauration ou réhabilitation ? Derrière ces deux mots, en apparence synonymes, se cache l’enjeu des projets actuels. Pour les habitants, la sauvegarde du Louxor entraîne sa conservation et sa remise en état – autrement dit, sa « restauration » au sens des Monuments historiques. La protection dont il bénéficie au titre de l’Etat (inscription MH) comme au titre de la Ville (« Protection Ville de Paris » dans le cadre du P.L.U.) leur donne à croire que ce sera la voie retenue. Pour la Ville, il s’agit de tout autre chose : l’ambition est de créer un équipement culturel nouveau, « centre dédié au cinéma et aux musiques nouvelles du « Sud » dans l’ancien cinéma du Louxor »[11]. Le souci majeur de la mission Cinéma du Secrétariat général de la Ville est « de répondre à l’objectif avancé d’équilibre financier de financement et d’exploitation » : « Les simulations des conditions d’exploitation et de fonctionnement (fréquentation, recettes prévisibles et dépenses de fonctionnement) incitent à constituer une offre diversifiée sur le site qui comprendrait au moins 3 salles de projection de jauges décroissantes. » En d’autres termes (et sans langue de bois), il s’agit de créer un multiplexe composé d’« au moins » trois salles. Contrairement aux affirmations de la délibération du Conseil de Paris, il ne s’agit donc pas « de conjuguer la restauration du bâtiment le « Louxor » en valorisant son patrimoine architectural et culturel avec la préservation de l’activité cinématographique », mais d’inclure un équipement nouveau dans un bâtiment ancien, quitte à le transformer radicalement à l’intérieur.

     

    Est-ce comme cela qu’on protège le patrimoine ? Certainement pas ! La règle d’or de la protection est de rechercher un programme adapté à l’édifice et non l’inverse[12]. On peut transformer une cathédrale en grenier à foin, mais pas en faire un blockhaus, sauf à la noyer sous des masses de béton… De la même manière, la seule façon de conserver à un cinéma l’authenticité de sa structure et de son décor serait de trouver une affection adaptée à ses caractéristiques. L’idée qui vient aussitôt à l’esprit est d’exploiter la polyvalence de cette salle, mi-cinéma, mi-théâtre (et un peu salle de concert ou de conférences) pour y implanter des activités allant de la projection de films muets à la variété ou au café-théâtre en passant par les conférences, cours et débats[13]… Passer en force, imposer à l’édifice des transformations irréversibles pour y entrer au chausse-pied un programme inadapté à sa conservation n’est pas seulement une erreur, c’est un crime au plan patrimonial. On n’imaginerait pas de repeindre la Joconde, de l’agrandir ou de la diminuer pour correspondre à une quelconque image, au motif qu’elle trouverait ainsi son utilité économique. C’est pourtant bien ce que l’on ose proposer en la circonstance : dénaturer un édifice, au nom de la rentabilité. La Ville de Paris a déjà sur la conscience le théâtre de la Gaieté Lyrique, honteusement démolie pour en faire un parc d’attraction aussitôt en faillite. Va-t-elle recommencer avec le Louxor ? Les majorités changent, mais pas les pratiques !

     

    Pour tout dire, la Ville de Paris manifeste une singulière incompétence en matière de conservation du patrimoine. Elle semble ignorer les règles de la Charte de Venise, promulguée par l’Unesco il y a près d’un demi-siècle, et s’obstine à maltraiter le patrimoine en fonction de ses besoins immédiats. Lorsqu’il s’agit d’un édifice d’intérêt majeur, comme Le Louxor, l’incompétence tourne au scandale. Il est indispensable que cela soit dit et compris. Car le patrimoine est une ressource rare, d’autant plus rare qu’elle n’est pas renouvelable : un édifice altéré ne pourra plus jamais être ce qu’il était auparavant, quelque argent qu’on y mette. Toute intervention se doit d’être réversible, respectueuse de l’intégrité de l’édifice. Mais peut-être la Ville de Paris ignore-t-elle la notion de patrimoine ?

     

    Cléopâtre

     

    Nous avons laissé de côté le style néo-égyptien, pour le moins inattendu, de cet édifice du début des années vingt[14]. Pourquoi diable avoir choisi l’Egypte plutôt que Rome, l’Antiquité que la Renaissance ou le règne de Louis XVI – alors fort en vogue dans les édifices de spectacle ? Il y a une raison à cela : à n’en pas douter, le bien nommé Louxor renvoie à l’un des films-cultes du cinéma muet. Il s’agit de Cleopatra tourné en 1917 pour la compagnie Fox par J. Gordon Edwards. Non seulement, c’est l’un de ces longs métrages (il dure 125 minutes) qui ont marqué la naissance du cinéma en tant qu’art, après la période des courts documentaires issus de la photographie ; mais ce fut l’un des plus prestigieux, avec un budget d’un demi-million de dollars et plus de deux mille participants. Dans cette veine du « péplum » à l’antique, il aura peu de concurrents avant les années cinquante. Enfin et surtout, le film a été marqué par la participation d’une des premières grandes stars du cinéma, la new-yorkaise Theda Bara, qui inaugure le règne des vamps. « Cleopatra » a été le plus grand de ses succès.

     

    Lorsque le film arrive en France, l’année de l’Armistice, l’industrie française du cinéma a beaucoup perdu de sa superbe. Les années de guerre ont interrompu toute activité et il faudra attendre encore un peu pour que Max Linder relance son entreprise. Les investisseurs américains profitent de ce vide pour importer en Europe un cinéma populaire, dont les stéréotypes laissent une

  • Défendre le patrimoine n'est pas être conservateur

    On a souvent tendance à caricaturer les positions de ceux qui préconisent un meilleur respect du patrimoine, d'en faire des conservateurs un peu extrèmistes. Le débat a d'ailleurs été instrumentalisé par le monde politique et pour faire simple, la défense du patrimoine serait de droite alors que le dynamisme et les accommodements avec ce patrimoine, sous couvert de mordernité, serait de gauche. En fait la question n'est pas celle-là.

    " Quand on a saisi les clés du patrimoine, on ne le regarde plus comme un paradis perdu, mais comme une langue qui nous est offerte, avec sa grammaire et sa rhétorique. On en saisit l’individualité, produit d’expressions propres à un lieu et à un groupe humain. Et l’on n’en saisit que mieux la fragilité : la mort de la culture vient toujours de sa domination par une autre. S’attacher à faire vivre notre héritage est le moyen de garder cette personnalité, par rapport à d’autres cultures dont l’ambition est hégémonique. Ce n’est certainement pas en nous crispant sur notre héritage que nous y parviendrons, mais plutôt en en inscrivant les données vivantes dans l’architecture de notre temps, au-delà de l’appauvrissement de cette sous-culture universelle qui nous menace. Le patrimoine n’est pas seulement un héritage, il est l’enjeu du futur que nous voulons construire." conclut François Loyer dans une conférence préparée pour l'association SOS Paris. (télécharger cette conférence).

    En complément à ces considérations intellectuelles, voici le point de vue d'un architecte.

    "Un bâtiment ancien reconstitué n'a aucun sens, c'est Disneyland. Soit on conserve le maximum, soit on le démolit et on assume. La reconstitution n'est pas de l'architecture, c'est du populisme et de la démagogie.

    Adapter le bâtiment au programme de manière irréversible et profonde est non seulement idiot (voir l'article 5 de la Charte de Venise), c'est une erreur de programmation récurrente que l'on rencontre souvent dans la maîtrise d'ouvrage publique. En France, en particulier à Paris , où l'on veut coûte que coûte être à la mode (c'est ancien, au 18ème siècle on se gaussait en Europe de la légerté des français cf. Gotthold Ephraim Lessing, les lettres de Wolfgang Amadeus Mozart à son père etc.), on ne sait pas apprécier les potentialités d'une parcelle, d'un espace, en particulier celui d'un bâtiment patrimonial. En clair, on n'adapte pas le programme à l'espace, on décide d'abord d'un programme (que l'on veut d'abord branché, souvent hélas bling-bling: arts numériques, cinéma d'art et d'essai, musique pour public "jeune") et on le force à rentrer dans une parcelle comme celle du Louxor ou du Centre Barbara. A aucun moment, on se pose la question de la pertinence du lieu et de sa configuration, bref de ses potentialités. Or, la parcelle de Louxor est longue et étroite, elle se prête volontiers à un type d'usage mais pas à d'autres, notamment au cinéma (manque de chance). Ce n'est pas le type de programme qui est critiquable, c'est le fait qu'il soit inadapté! De là les innombrables quiproquos, méprises etc. avec certains/certaines ("vous voulez un musée figé", "vous êtes contre le cinéma (sic)", "vous défendez la musique (sic)")"

    image001.jpg

     

  • Quelques explications - 1ère partie

     

    Le projet dit "de requalification" du Louxor est emblématique pour beaucoup de raisons. Projet culturel phare de la Ville, il a préoccupé et préoccupe toujours à deux titres : respect du patrimoine et programmation culturelle . Passons en revue ces deux sujets.

    LE PATRIMOINE

    Parler du patrimoine n’est pas toujours chose facile. Longtemps taxés de conservatisme, ses défenseurs n’ont pas toujours la vie simple devant ceux qui confondent modernité et modernisme.

    Qui ne comprend que notre culture d’aujourd’hui puise sa vitalité et sa richesse dans ce qu’il y a de meilleur dans notre passé ? Une très bonne illustration nous est donnée en ce moment même par l’exposition Picasso et les Impressionnistes au Grand Palais. C’est après une longue et minutieuse étude du tableau de Manet Le déjeuner sur l’herbe que Picasso s’est lancé dans son interprétation picturale de l’œuvre. Manet lui-même n’avait-il pas, lui aussi, longuement et minutieusement regardé les œuvres de Delacroix et d’Ingres avant de peindre ? Delacroix, Manet et Picasso n’en étaient pas moins pour autant des précurseurs - des révolutionnaires ? - dans leur art à leur époque. Chacun comprend que sans passé il n’y a pas d’avenir.

    C’est avec cette approche, nous semble t-il, qu'il faut s'emparer d’un des volets du projet Louxor : le respect du patrimoine dans un souci de pérennité de notre culture. Point de conservatisme ici, un simple souci de garder ses racines. Alors pourquoi avec le Louxor ? Eh bien parce que Le Louxor est une des dernières, si ce n’est la dernière, salle de cinéma à Paris et peut être même en France, témoin des années de l’essor du 7ème art. C’est la rareté qui fait la valeur, ce n’est pas Le Louxor en lui-même, mais ce qu’il représente encore, le dernier témoin.

    Pour bien comprendre cette position, il nous faut aussi revenir sur la chronologie des événements liés au Louxor depuis 2003. Au moment de son rachat par la Ville de Paris, personne ne portait attention à l’intérêt patrimonial de la salle. L’extérieur avait été mis à l’inventaire des monuments historiques en 1981 et chacun s’en satisfaisait. C’est dans ce contexte que le projet a été lancé par la Ville. En 2005, des investigations sérieuses faites par des experts incontestables ont mis au jour tout l’intérêt de la salle : sa structure intacte, ses décors égyptisants, sa petite scène et sa fosse d’orchestre, son écran, etc. … tout est encore en place. Des visites organisées en 2007 ont permis de se rendre compte de l'intérêt du bâtiment. N’oublions pas non plus que la Commission du Vieux Paris avait donné un avis défavorable au projet de la Mairie de Paris,  comprenant déjà en 2005 les conséquences des travaux, c’est-à-dire et quoiqu’on en dise, la destruction de la salle.

    Le projet présenté le 28 novembre dernier par l’architecte Philippe Pumain ne contredit en rien ces affirmations : la salle sera détruite puis reconstruite au deux tiers afin de permettre l’installation des équipements nécessaires aux salles du sous sol; les décors disparaitront puisque pour des raisons techniques liées à l’acoustique et au nécessaire isolement du bruit, on va recouvrir ceux-ci de matériaux isolants. Seul l’extérieur sera préservé et le projet consiste donc en un façadisme, hélas très à la mode à Paris, à savoir la reconstitution d’un décor sans aucun intérêt par rapport à  ce qu’est encore Le Louxor aujourd‘hui. Ceux qui défendent le projet au nom d’une certaine modernité avec comme argument que Paris ne doit pas devenir un musée devraient réfléchir plus avant si ils veulent a contrario que Paris devienne un parc d’attraction rempli de copies de bâtiments sauvant certes les apparences mais sans âme ? Un petit Las Vegas.

    Des solutions techniques alternatives existent. De nombreux architectes, qu’ils soient spécialistes du patrimoine ou non, nous l’ont confirmé. La Mairie de Paris ne veut rien entendre, persiste dans son projet conçu avant la découverte de l’importance patrimonial du Louxor et s’apprête à faire démolir le dernier témoin des années folles du cinéma à Paris, détruisant ainsi un peu de notre mémoire. Voilà le sens du combat  à mener. Il est légitime pour les générations futures et s’inscrit dans une approche dynamique de la vie culturelle à Paris.

  • PETITION : SAUVONS LE LOUXOR !

    Le cinéma Le Louxor sera-t-il  « façadisé » par la Mairie de Paris ?

    Au carrefour Barbès se situe Le Louxor (Henri Zipcy architecte, Amédée Tibéri décorateur, 1920-1921), célèbre pour sa décoration en mosaïque dans un goût égyptien Art déco qui n'est pas sans évoquer l'illustre film Cleopatra - premier des grands péplums, tourné à New-York par l'actrice Theda Bara en 1917.

    Longtemps abandonné, l'édifice a été racheté par la Mairie de Paris qui entend l'adapter aux standards contemporains en matière d'isolation phonique et de projection (selon le principe de la « boîte dans la boîte »). Prétendant assurer l'équilibre économique du projet, la Ville envisage de créer deux salles en  sous-sol (sans trop se soucier de la stabilité des fondations, dans un quartier miné par d'anciennes carrières de gypse). En imposant de détruire la totalité de la structure, ainsi que les espaces et les décors intérieurs pour n'en conserver que l'enveloppe (protégée au titre des Monuments Historiques), les options retenues conduisent à une redoutable opération de « façadisme », tel qu'on n'en fait plus depuis dix ans.

    Le programme choisi est directement en cause : un cinéma d'art et d'essai, composé de trois petites salles - là où il n'en existe aujourd'hui qu'une seule, beaucoup plus vaste. Conséquence de ce choix destructeur, ce n'est plus le cinéma des années vingt que nous retrouverons après travaux, mais son succédané à plus petite échelle. Une telle duperie n'est pas acceptable : le faux ne remplacera jamais le vrai. La sauvegarde de l'original serait à la fois moins coûteuse et plus satisfaisante que ce qu'on nous prépare.

    Le Louxor mérite plus que le triste sort qu'on lui réserve. D'abord pour son architecture : rare témoignage d'une typologie caractéristique des débuts du cinéma muet, il possède encore ses deux balcons superposés, exploitant un volume tout en longueur (dispositif nécessité à l'époque par les contraintes de la projection). Il a conservé son cadre de scène, son estrade, sa fosse d'orchestre, ainsi que l'emplacement de l'orgue électrique qui y avait été primitivement installé. Enfin, lors des travaux préalables à la démolition, son décor intérieur qu'on croyait disparu - notamment, à la naissance du plafond, une haute frise de personnages de profil, à la manière égyptienne...- a été redécouvert intact : masqué par des habillages postérieurs, il a miraculeusement survécu.

    La généralisation des multiplexes a fait disparaître la plupart des cinémas, dont les plus anciens remontent aux années trente. Conçu dix ans plus tôt, à l'époque du muet, Le Louxor n'en est que plus précieux. Sa sauvegarde serait facile : pourquoi ne pas tirer parti de son volume exceptionnel, propice à l'audition des musiques non enregistrées ? « Temple du cinéma », la salle, qui a accueilli Dizzy Gillespie et vu les débuts de Gilbert Bécaud, ne pourrait-elle pas devenir le conservatoire de la variété, dans le Paris qui fut celui d'Edith Piaf et de Georges Simenon ?

     

     

    Sauver Le Louxor, c'est sauver une culture populaire

    dont il est le dernier représentant à Paris.

    SIGNEZ LA PETITION

    REJOIGNEZ NOTRE GROUPE SUR FACEBOOK

    TELECHARGER LA PETITION

  • Hôtel Lambert, le Louxor : deux poids, deux mesures !

    Galerie d'Hercule hotel Lambert.jpg

    La galerie d'Hercule de l'hôtel Lambert - gravure de Bernard Picart - source Wikipédia

    L'hôtel Lambert est situé 2, rue Saint Louis en l'Ile à Paris (IVème). Il fut construit de 1640 à 1644 par l'architecte Louis Le Vau pour Jean Baptiste Lambert, conseiller et financier récemment enrichi du roi Louis XIII. Les décors sont de Charles le Brun, Eustache Le Sueur, entre autres. La galerie d'Hercule en est le plus célèbre décor. Elle date du XVIIème siècle.1 Sans conteste, l'hôtel Lambert est un joyau de l'architecture.

     

    P1090547.JPG

    Façade du Louxor - Source Action Barbès

    Le Louxor est une salle de cinéma située 170, boulevard de Magenta à Paris (Xème). Il fut construit dans les années 1920/21 par l'architecte Henry Zipcy 2 Voir son histoire sur ce même blog.

    Comparer l'hôtel Lambert au Louxor n'a pas grand sens a priori. On peut même affirmer, sans crainte d'être contredit, que la valeur patrimoniale du premier est sans commune mesure avec celle du second.

    Comparaison n'est pas raison, d'accord. Toutefois, à certains égards, un rapprochement des deux situations engendrées par les projets de réhabilitation a un certain sens.

    L'hôtel Lambert est depuis 2007 la propriété d'une famille du Qatar qui a l'intention de le « moderniser » et a confié cette délicate mission à Alain-Charles Perrot, architecte en chef des monuments historiques.

    Le Louxor est depuis 2003 la propriété de la Ville de Paris qui a décidé de le « moderniser » en créant un cinéma Art & Essai de trois salles, tâche confiée à l'architecte Philippe Pumain sous l'égide de la Mission cinéma de la Ville de Paris.

    L'association Paris Historique, dont le Président a signé notre pétition, a déposé au mois d'août trois recours auprès du Tribunal d'Instance de Paris suite à la décision du ministère de la Culture avalisant le projet de restauration de l'hôtel Lambert. Ces trois recours portent sur des sujets qui sont voisins de ceux concernant le Louxor :

    1/ le bouleversement des sols et des fondations ;

    2/ la climatisation de l'ensemble des appartements ;

    3/ l'installation de trois ascenseurs ex-nihilo.

    Quels sont les rapports avec le Louxor ?

    En ce qui concerne les fondations, l'incertitude règne tant du côté de l'Ile Saint Louis que du boulevard de Magenta, certes pour des raisons différentes. A Barbès, l'incertitude vient du fait que nous sommes au pied de Montmartre, zone d'anciennes carrières. S'il faut creuser non seulement pour réaliser les deux salles en sous sol, conforter les fondations par le fonçage de micropieux, mais aussi creuser encore pour mettre en place un système de conditionnement de l'air lié à la géothermie, vers quels désordres s'avance t-on ?

    La climatisation des appartements de l'hôtel Lambert s'apparente à la mise en conformité des salles du Louxor pour accueillir le public. Bien sûr, accueillir du public nécessite des conditions de sécurité maximum. Cette mise aux conditions justifie-t-elle pour autant la destruction du patrimoine ? Les indispensables accès incendie et handicapés, la mise aux normes en matière d'acoustique, les choix par ailleurs constatables pour la consolidation du bâtiment, justifient-ils la destruction d'une grande partie de la salle du Louxor et l'enfouissement de ses décors d'origine encore en place ?

    L'installation des trois ascenseurs à l'hôtel Lambert correspond à la mise en place des équipements modernes pour la projection des films Art & Essai. Cela justifie-t-il la destruction des balcons de la salle, la destruction de sa structure d'origine, la disparition de la fosse d'orchestre et de l'avant scène tels que nous pouvons encore les voir aujourd'hui ?

    Par ailleurs, une absence de cohérence émerge derrière tout cela. Pour les deux projets mentionnés ci-dessus, la Commission du Vieux Paris a émis un avis défavorable aux modifications envisagées. Dans un cas, celui de l'hôtel Lambert, la mairie de Paris s'appuie sur cet avis défavorable pour combattre la décision du ministère de la Culture. Dans le cas du Louxor, pourtant avec le même avis défavorable aux travaux envisagés, la mairie de Paris n'en a cure et passe outre.  De là à penser que ces projets ne sont en fait que des supports à des joutes politiques, ou pour être plus explicites, à des joutes politiciennes, entre la Ville de Paris et l'Etat, il n'y a qu'un pas que nous pourrions envisager de franchir si nous avions mauvais esprit.

    Il nous faut raison garder mais nous ne pouvons pas ne pas constater que pour les deux projets, il y a deux poids deux mesures de la part de la mairie de Paris !

     

    1 - Dictionnaire des Monuments de Paris - Editions Hervas

    2 - Wikipédia - Le Louxor (cinéma)