François Loyer est aujourd’hui Directeur de Recherche au CNRS mais il a été Vice Président de la Commission du Vieux Paris. Historien de grande notoriété, spécialiste de l’architecture parisienne des 19ème et 20ème siècles, son livre, Paris XIXème siècle, l’immeuble et la rue fait autorité.
François Loyer a bien voulu se pencher sur le cas du Louxor. Dans un premier temps au titre de la Commission du Vieux Paris puis, plus récemment, pour le compte de l’association Action Barbès. Nous publions ici l’intégralité de la conférence qu’il a bien voulu donner lors de la dernière Assemblée Générale de cette association en septembre 2008.
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Le Louxor, Palais du Cinéma
Les plus anciens cinémas de Paris
En 1906, l’avocat Edmond Benoit-Lévy inaugurait, sur les grands boulevards, la première des salles non foraines du cinéma. Lié à Charles Pathé, le rival de Gaumont, il était le promoteur d’un cinéma éducateur tourné vers les classes populaires. Bientôt, le développement spectaculaire de ce nouveau support allait en faire une des formes modernes de l’art : en témoigne la création, en 1908,....
de l’éphémère « Société du Film d’Art »[1], placée sous la direction artistique du jeune Henri Lavedan (appelé à une grande destinée dans l’histoire de l’urbanisme). À la veille de la première guerre mondiale, existaient déjà plus de trois cents salles de cinéma en France (cent mille aux Etats-Unis !). Saluant la reconnaissance du Septième Art, le Guide Bleu de 1923 indique que Paris en possède désormais près de deux cents : la liste mentionne trente-six adresses, dont celle du « Louxor ». C’est dire la réussite foudroyante d’une industrie artistique appelée à un bel avenir.
Il ne reste pratiquement plus rien aujourd’hui d’une telle flambée de constructions. Seuls quatre cinémas parisiens peuvent se prévaloir de l’ancienneté de leur origine : le Panthéon, 13 rue Victor Cousin, (ouvert en 1907, rénové en 1930) ; le Cinéma Palace, 42, boulevard de Bonne Nouvelle (1907, dans sa version de 1921), le Max Linder Panorama, 24 Boulevard Poissonnière (1912, rénové en 1957 et 2007) et le Latina, ancien cinéma de l’Hôtel de Ville (1913, reconstruit en 1995). Encore faut-il remarquer qu’aucun d’entre eux ne subsiste dans son état initial : seul le site s’en est maintenu, la construction ayant été rénovée à plusieurs reprises. Ils n’en constituent pas moins de précieux souvenirs d’une histoire en train de s’effacer sous nos yeux. Rappelons que le dernier cinéma d’avant 1914, le Ternes Palace, 7-9 rue Pierre-Demours, a été détruit il y a deux ans. Créé en 1911 par E. Benoit-Lévy, il était connu pour son toit ouvrant (qui inspirera l’illustre « Maison du Peuple » à Clichy, dans les années trente). Il faut se rabattre sur le Grand Rex (1931, par Auguste Bluysen et Maurice Dufrêne), la Pagode (une ancienne salle des fêtes, transformée en cinéma la même année), ou le Balzac (1935) pour trouver des souvenirs de l’entre-deux-guerres – le Paramount (1927), dans l’ancien théâtre du Vaudeville, ne subsistant qu’à l’état de fragments dans une succession de rénovations qui l’ont peu à peu défiguré.
Tel qu’il nous est parvenu, Le Louxor (1921) apparaît donc comme l’un des plus anciens[2], sinon le plus ancien des cinémas de Paris – voire d’Europe. Cette rareté, correspondant à une période prestigieuse de la construction de salles de spectacle, donne à l’édifice un caractère d’autant plus exceptionnel qu’il n’a subi aucune modification depuis son abandon il y a trente ans. De ce point de vue, l’inscription des façades et toitures au titre des Monuments Historiques est notoirement insuffisante, s’agissant d’un « unicum » dans l’architecture parisienne (et d’une rareté, dans l’architecture européenne).
Le Louxor
« Palais du Cinéma », Le Louxor est une vaste salle - 1.200 places au total (le tiers aujourd’hui, au regard des normes de confort actuelles). La taille est sans comparaison avec les quelques centaines de sièges des cinémas d’avant-guerre[3]. Comme l’écrivait un contemporain, « les scénarios nouveaux et très adaptés au spectacle cinématographique par des metteurs en scène qui se sont révélés des maîtres, viennent de faire du cinéma un cinquième art, l’art muet. Son développement lui interdit désormais une installation précaire ; il lui faut un cadre digne de lui »[4]. Même si nous ne comptons plus tout à fait de la même façon aujourd’hui (et même si le cinéma a depuis longtemps conquis la parole), la spécificité du programme du cinéma de quartier est évidente à travers ces remarques. Et le même auteur de préciser : « il serait superflu de vouloir jouer à la grande architecture, le cinéma devant toujours garder son caractère populaire. Laissons les grandes ordonnances aux établissements des institutions d’Etats pour en souligner la puissance aux yeux du commun, mais restons dans des formes modernes, résultat du système de construction de notre époque dans lequel l’ornement ne viendra remplir qu’un rôle secondaire dans une place voulue mais non créée spécialement pour lui. » De ce point de vue, le Louxor est une remarquable réussite. Pour abondant que soit son décor extérieur de mosaïque, il est soumis à un rôle d’accompagnement, sans versatilité ni pittoresque.
L’architecture n’en est pas moins ambitieuse, ne serait-ce que par son échelle. L’auteur (un parisien d’origine levantine et de formation française) réalise une audacieuse construction en portiques de béton d’une grande légèreté, sur de simples semelles de fondation. On pense, en l’observant, au parti que retiendra deux ans plus tard Auguste Perret pour l’église du Raincy – dont Le Louxor est incontestablement le modèle[5] : l’ossature extérieure, les remplissages légers, le système de lanterneaux de ventilation sont communs aux deux édifices, ainsi que la géométrie d’un volume parallélépipédique tout en profondeur, au sol incliné[6]. Pour augmenter la capacité de la salle, deux grands balcons superposés exploitent l’importante hauteur sous plafond. L’architecte s’est inspiré de plusieurs salles de spectacle parisiennes – notamment, la salle Gaveau, transposée ici en ossature de béton. Les contraintes de la projection cinématographique le poussent à développer la superposition des places sur trois niveaux, en renonçant aux balcons enveloppants qui ne permettraient pas la vue frontale. Pour le reste, on est étonné de voir à quel point le traitement décoratif de la structure renvoie au travail de Perret pour le théâtre des Champs-Elysées : triomphe de l’ossature porteuse, système de claustra décoratifs, agencement du proscénium et de la fosse d’orchestre.
Un intérieur miraculeusement préservé
Pour autant, est-ce vraiment un cinéma ? A l’époque où se formalise la typologie des salles de projection, la référence au théâtre est encore très présente. Le cinéma muet l’impose : la projection est associée à un accompagnement musical qui justifie la fosse d’orchestre – on n’est pas loin du théâtre de variété ou de l’opéra comique. Cachée par de grands claustras de part et d’autre de l’écran (ce dernier pouvant être occulté par un rideau de scène – toujours en place dans les combles), un étroit volume en hauteur accueille le souffleur, chargé du bruitage et de l’accompagnement parlé. Tout cela fait du Louxor une salle de spectacle ouverte aussi bien à des performances musicales qu’à des conférences ou des débats[7], voire à des spectacles de variété ou de mime sur la petite scène devant l’écran. Soulignons à quel point la conservation de ces dispositifs est devenue rare, donnant à l’édifice un caractère exceptionnel dans l’histoire des cinémas de quartier.
La transformation de la salle en boîte de nuit, à moindres frais, a laissé la quasi-totalité du décor intérieur en place. Derrière l’habillage en moquette, les stucs marbre en ton bleu lapis lazzuli sont toujours là, de même que les grands motifs d’inspiration minœnne des peintures murales. Les décors de staff ont été préservés et l’on garde la trace des luminaires électriques. Une restauration en est entièrement possible, sachant que l’ensemble du dispositif spatial de la salle et de ses accès est toujours en place, avec tous les éléments d’origine. Au total, ce n’est pas un squelette ou une enveloppe qui sont parvenus jusqu’à nous, mais bien la salle entière, y compris son décor[8]. Un tel exemple est unique. Il ne donne pas seulement le souvenir d’une des premières grandes salles de cinéma construites en France, il en donne toute la matérialité, qui n’attend qu’une remise en état pour reprendre vie. L’extrême rareté des témoignages de l’architecture des débuts du septième art justifie qu’une attention toute particulière soit portée à la conservation, la restauration et la mise en valeur de ce bâtiment[9], depuis longtemps identifié comme un exemple majeur dans ce domaine à Paris.
Un projet de « façadisme »
La proposition faite par la Ville de Paris va en sens inverse. Tirant parti de la protection partielle, uniquement conservatoire, prise il y a vingt ans pour les façades et toitures du bâtiment, elle ignore délibérément l’intérêt des intérieurs redécouverts depuis 2003 sous le décor de la fin des années 1970. Pour introduire un programme de cinéma d’art et d’essai, sur le modèle des multiplexes de la dernière génération, elle est amenée à détruire les fondations pour creuser deux salles souterraines – on perd au passage la structure des grandes semelles traversant les anciens sous-sols voûtés hérités des constructions du début du XIXe siècle. Les règles de sécurité pour l’accès à ces nouvelles salles obligent ensuite à rogner la grande salle de cinéma, tant du côté de l’entrée que du côté de l’écran – détruisant au passage proscénium, fosse d’orchestre et cage du souffleur. Enfin, il faut isoler : les stucs et le décor d’origine disparaissent sous l’épaisse croûte d’un habillage isolant sur lequel sera imité, avec plus ou moins de bonheur, le décor disparu à cet occasion[10]. Toutes les proportions de la salle en seront bouleversées. Mais ce n’est pas le pire : afin d’éviter la transmission des vibrations de la musique électro-acoustique dans la structure, on scie les deux balcons, qui seront détruits puis reconstruits. Que restera-t-il de la salle après ces interventions ? Plus grand-chose, assurément !
Restauration ou réhabilitation ? Derrière ces deux mots, en apparence synonymes, se cache l’enjeu des projets actuels. Pour les habitants, la sauvegarde du Louxor entraîne sa conservation et sa remise en état – autrement dit, sa « restauration » au sens des Monuments historiques. La protection dont il bénéficie au titre de l’Etat (inscription MH) comme au titre de la Ville (« Protection Ville de Paris » dans le cadre du P.L.U.) leur donne à croire que ce sera la voie retenue. Pour la Ville, il s’agit de tout autre chose : l’ambition est de créer un équipement culturel nouveau, « centre dédié au cinéma et aux musiques nouvelles du « Sud » dans l’ancien cinéma du Louxor »[11]. Le souci majeur de la mission Cinéma du Secrétariat général de la Ville est « de répondre à l’objectif avancé d’équilibre financier de financement et d’exploitation » : « Les simulations des conditions d’exploitation et de fonctionnement (fréquentation, recettes prévisibles et dépenses de fonctionnement) incitent à constituer une offre diversifiée sur le site qui comprendrait au moins 3 salles de projection de jauges décroissantes. » En d’autres termes (et sans langue de bois), il s’agit de créer un multiplexe composé d’« au moins » trois salles. Contrairement aux affirmations de la délibération du Conseil de Paris, il ne s’agit donc pas « de conjuguer la restauration du bâtiment le « Louxor » en valorisant son patrimoine architectural et culturel avec la préservation de l’activité cinématographique », mais d’inclure un équipement nouveau dans un bâtiment ancien, quitte à le transformer radicalement à l’intérieur.
Est-ce comme cela qu’on protège le patrimoine ? Certainement pas ! La règle d’or de la protection est de rechercher un programme adapté à l’édifice et non l’inverse[12]. On peut transformer une cathédrale en grenier à foin, mais pas en faire un blockhaus, sauf à la noyer sous des masses de béton… De la même manière, la seule façon de conserver à un cinéma l’authenticité de sa structure et de son décor serait de trouver une affection adaptée à ses caractéristiques. L’idée qui vient aussitôt à l’esprit est d’exploiter la polyvalence de cette salle, mi-cinéma, mi-théâtre (et un peu salle de concert ou de conférences) pour y implanter des activités allant de la projection de films muets à la variété ou au café-théâtre en passant par les conférences, cours et débats[13]… Passer en force, imposer à l’édifice des transformations irréversibles pour y entrer au chausse-pied un programme inadapté à sa conservation n’est pas seulement une erreur, c’est un crime au plan patrimonial. On n’imaginerait pas de repeindre la Joconde, de l’agrandir ou de la diminuer pour correspondre à une quelconque image, au motif qu’elle trouverait ainsi son utilité économique. C’est pourtant bien ce que l’on ose proposer en la circonstance : dénaturer un édifice, au nom de la rentabilité. La Ville de Paris a déjà sur la conscience le théâtre de la Gaieté Lyrique, honteusement démolie pour en faire un parc d’attraction aussitôt en faillite. Va-t-elle recommencer avec le Louxor ? Les majorités changent, mais pas les pratiques !
Pour tout dire, la Ville de Paris manifeste une singulière incompétence en matière de conservation du patrimoine. Elle semble ignorer les règles de la Charte de Venise, promulguée par l’Unesco il y a près d’un demi-siècle, et s’obstine à maltraiter le patrimoine en fonction de ses besoins immédiats. Lorsqu’il s’agit d’un édifice d’intérêt majeur, comme Le Louxor, l’incompétence tourne au scandale. Il est indispensable que cela soit dit et compris. Car le patrimoine est une ressource rare, d’autant plus rare qu’elle n’est pas renouvelable : un édifice altéré ne pourra plus jamais être ce qu’il était auparavant, quelque argent qu’on y mette. Toute intervention se doit d’être réversible, respectueuse de l’intégrité de l’édifice. Mais peut-être la Ville de Paris ignore-t-elle la notion de patrimoine ?
Cléopâtre
Nous avons laissé de côté le style néo-égyptien, pour le moins inattendu, de cet édifice du début des années vingt[14]. Pourquoi diable avoir choisi l’Egypte plutôt que Rome, l’Antiquité que la Renaissance ou le règne de Louis XVI – alors fort en vogue dans les édifices de spectacle ? Il y a une raison à cela : à n’en pas douter, le bien nommé Louxor renvoie à l’un des films-cultes du cinéma muet. Il s’agit de Cleopatra tourné en 1917 pour la compagnie Fox par J. Gordon Edwards. Non seulement, c’est l’un de ces longs métrages (il dure 125 minutes) qui ont marqué la naissance du cinéma en tant qu’art, après la période des courts documentaires issus de la photographie ; mais ce fut l’un des plus prestigieux, avec un budget d’un demi-million de dollars et plus de deux mille participants. Dans cette veine du « péplum » à l’antique, il aura peu de concurrents avant les années cinquante. Enfin et surtout, le film a été marqué par la participation d’une des premières grandes stars du cinéma, la new-yorkaise Theda Bara, qui inaugure le règne des vamps. « Cleopatra » a été le plus grand de ses succès.
Lorsque le film arrive en France, l’année de l’Armistice, l’industrie française du cinéma a beaucoup perdu de sa superbe. Les années de guerre ont interrompu toute activité et il faudra attendre encore un peu pour que Max Linder relance son entreprise. Les investisseurs américains profitent de ce vide pour importer en Europe un cinéma populaire, dont les stéréotypes laissent une large place à l’imaginaire. Le « Palais du Cinéma » sera le palais des pauvres, dans le quartier populaire de Barbès. En cela, il est proche du monde de la variété, qui atteint le même public au plan musical. Le génie de l’investisseur Henry Silberberg[15] est de créer le décor chatoyant[16] qui donnera au nouvel art du cinéma sa consécration. Le Louxor est le temple du cinéma à grand spectacle et il nous renvoie à Theda Bara. Lui répond, à deux pas de l’Opéra, le théâtre Daunou, conçu en 1919 pour la comédienne Jeanne Renouardt, l’actrice vedette de Max Linder. La comparaison est frappante entre ces deux stars et les deux salles de spectacle (toutes les deux heureusement préservées) à Paris, au début des années vingt. Dans l’un et l’autre édifice, l’Art déco se décline à sa manière : dans sa version populaire, teintée d’imaginaire orientaliste, au Louxor ; dans une interprétation plus mondaine, internationale, proche des milieux de la mode, au théâtre Daunou.
Exceptionnel témoignage de la naissance du cinéma en France, Le Louxor marque aussi le lien étroit qui attache l’Europe à l’Amérique du Nord. Il prend un caractère authentiquement français, en croisant une culture américaine d’importation avec les plus grands exemples de l’architecture nationale de l’époque – de Jacques Hermant à Auguste Perret. Ce n’est pas par hasard : Henri Zipcy, son auteur, était un élève de Gaston Redon[17]. D’origine stambouliote, il avait d’abord exercé à Constantinople après ses études à Paris où il revient dans les années vingt[18]. Cette culture internationale le mettait à même d’interpréter la demande de ses commanditaires américains, dans un contexte qui voit exploser la culture architecturale en dehors des sphères traditionnelles de l’élite. Ne serait-ce qu’à ce titre, Le Louxor est un moment décisif dans l’histoire de l’architecture du XXe siècle. Plutôt que d’y voir naïvement une forme de « kitsch historiciste », il faut en comprendre la modernité - toute baignée du rêve américain enfin ouvert aux classes populaires de la vieille Europe. Voilà qui fonde on ne peut mieux le projet d’un lieu de l’art populaire du cinéma et de la variété dans le Paris des années folles.
François Loyer
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[1] Alain Carou, Le cinéma français et les écrivains. Histoire d’une rencontre. 1906-1914, Paris, Ecole nationale des Chartes/Association française sur l’histoire du cinéma, 2003.
[2] Seul l’ancien Barbès Palace, construit en 1914 au 34 boulevard Barbès, peut lui faire concurrence, mais sa typologie traditionnelle héritée du théâtre ainsi que son décor convenu - dans le goût Louis XVI - n’ont pas l’intérêt du « Louxor ». Quant à la salle de spectacle construite en 1908 par Charles Blondel pour la Ligue française de l’enseignement, rue Récamier, ou au théâtre de la Madeleine (Marcel Oudin, 1918), ils ne constituent pas à proprement parler des cinémas, même si l’on a pu dès l’origine y effectuer des projections. On regrettera d’autant plus la disparition du « Batignolles-cinéma » et du « Marcadet » (Paul Auscher, 1913 puis 1919), ainsi que du « Montrouge Palace » (Marcel Oudin, 1920), prototypes de ce nouveau programme.
[3] Il faudra attendre le début des années trente pour changer à nouveau d’échelle (3.300 places au Grand Rex, 6.000 au Gaumont Palace - aujourd’hui disparu).
[4] Eugène Vergnes, « Le Family-Cinéma à Malakoff », La Construction moderne, livraisons du 25 décembre 1921, p. 97, et du 1er janvier 1922, p. 108.
[5] Les planches photographiques consacrées au Louxor paraissent dans la livraison de La Construction moderne en date du 26 mars 1922. Au même moment, Auguste Perret est en train d’élaborer le parti structurel de l’église du Raincy, en se dégageant des études antérieures de l’ingénieur Guyot.
[7] Le cas échéant, la salle ferait un bon amphithéâtre d’enseignement, même si cette fonction n’a jamais été exploitée.
[8] Même les fauteuils sont connus, puisque certains ont été retrouvés – au point qu’on pourrait les reproduire, si on le souhaitait vraiment.
[9] « Le sort du Louxor dépend désormais de la Ville. C’est à nos élus qu’incombe la responsabilité de le réhabiliter dans les meilleurs délais et de le rendre à une vocation culturelle. Après des années d’atermoiements et de négligences, à l’heure où il est beaucoup question dans les discours officiels de patrimoine, de mémoire de la ville, de lien social, la réouverture du Louxor serait une belle occasion de mettre ces objectifs en pratique. » (Annie Musitelli, « Le Louxor : faste, déclin et renaissance ? », Histoire et vie du 10e, Bulletin de la Société historique du 10e arrondissement de Paris, n°5, 2006, pp. 49-60). On ne peut qu’adhérer à une telle déclaration, pourvu que la conservation de l’édifice n’aboutisse pas à sa dénaturation définitive, sous couvert d’adaptation à une nouvelle fonction. Car le remède serait pire que le mal !
[10] On nous dira que l’isolation phonique est insuffisante et qu’il faut y remédier. Mais pourquoi détruire l’intérieur pour assurer cette isolation ? Le bâtiment est composé d’une ossature qui demande des travaux de confortation, les fers à béton étant parfois à nu. Quant au revêtement extérieur, il s’agit d’un enduit de ciment sur une double paroi en brique creuse. Le dispositif permet de démolir la paroi extérieure pour la remplacer par une paroi isolante, sans toucher à l’intérieur. L’enduit, par nature non pérenne, peut être renouvelé sans atteindre à l’intégrité du bâtiment. Quant au décor de mosaïque, il peut sans doute être maintenu en place pour les parties concernées – ou, s’il le fallait, déposé et reposé après isolation par l’extérieur. Cette solution préconisée par l’architecte Agnès Cailliau, est de loin la plus adaptée au problème.
[12] Pourquoi la Ville, avant de se lancer dans la définition d’un programme, n’a-t-elle pas consulté les professionnels que sont les architectes du patrimoine, formés à l’Ecole de Chaillot ? L’expérience de multiples chantiers les a aguerris à ce genre de problème et leur permet d’apporter des réponses non destructrices à la difficulté rencontrée.
[13] La proximité avec l’ancien Barbès Palace pourrait donner à ce quartier une identité forte, héritage de plus d’un siècle de culture populaire de la variété et du cinéma.
[14] Le Louxor vient d’être inauguré lorsque, le 4 novembre 1922, l’archéologue anglais Howard Carter découvre les marches qui conduisent au tombeau de Toutankhamon. L’actualité scientifique n’est donc pour rien dans le choix du répertoire. Il en est de même pour l’illustre « Grauman’s Egyptian Theatre » de Holywood (Meyer & Holler, 1922) - dans une veine que le commanditaire Sid Grauman, homme de spectacle, n’hésitera pas à décliner sous diverses formes – notamment, pour le Chinese Theatre en 1927.
[15] La personnalité de l’investisseur est encore mal connue. Jean-Jacques Meusy (que je remercie vivement d’avoir répondu à mes questions) m’a signalé qu’il résidait à Paris, 25, boulevard Flandrin puis 42, rue Cortambert, dans les quartiers résidentiels du XVIe arrondissement. Sauf homonymie peu probable, il possédait dès avant la guerre une agence de publicité, boulevard des Capucines. Il meurt l’année même de l’ouverture du Louxor, après avoir fait de mauvaises affaires et avoir été déclaré en faillite. Le Louxor sera racheté par la Société des Cinémas Lutétia, qui passe en 1929 sous le contrôle de Pathé-Natan.
[16] L’originalité du décor du Louxor est qu’il se détourne d’une tradition d’égyptomanie venue des Lumières (et abondamment illustrée par la symbolique maçonnique) pour réduire l’évocation de la civilisation antique au seul décor des fleurs de lotus, sans cartouches ni idéogrammes (et sans représentation conventionnelle de la figure humaine, sauf des visages géants). Son art floral stylisé appartient beaucoup plus à l’héritage de l’Art nouveau encore présent dans l’Art déco qu’à une quelconque inspiration archéologique. La différence est patente avec la mise en scène du Grauman’s Theatre de Hollywood, présentant un décor égyptien en carton-pâte aussi évocateur que littéral.
[17] Grand Prix de Rome, professeur à l’Ecole des Beaux-arts, l’architecte – par ailleurs, frère d’Odilon Redon - a été l’auteur des aménagements du musée des arts décoratifs au Pavillon de Marsan.
[18] Le dictionnaire de David de Penanrun, Roux et Delaire, Les architectes élèves de l’école des beaux-arts, Paris, Librairie de la construction moderne, 2eère classe en 1897, il est alors établi à Istanbul (Constantinople). D’origine juive – on le dit parfois arménien – il se réfugie en France au lendemain de l’Armistice et continue sa carrière à Paris, où on le retrouve associé à Eugène Chifflot pour la construction de l’école Bréguet en 1931. édition, 1907, signale qu’Henri-André Zipcy, né en 1873 en Turquie, est élève de Redon : entré à l’école en 1892, 1