À partir de ce mardi 4 janvier, le Louxor projète Neige, un film de Jean-Henri Roger et Juliet Berto, sorti en 1981 (avec Jean-François Stévenin, Juliet Berto, Robert Liensol). L'intrigue du film se déroule dans un décor bien connu de nos lecteurs, entre Barbès et Pigalle.
Ce soir, la séance sera suivie d'une rencontre avec Alain Nahum, premier assistant sur le tournage du film et de Jane Roger, distributrice et fille de Jean-Henri Roger. (réservation)
"Anita, elle est barmaid à « La Vielleuse », elle a un grand cœur. Willy lui, Anita il l’aime et c’est pas tous les jours facile. Jocko est antillais, pour vivre son exil, son « truc » c’est l’église de la Sainte-Trinité dont il est le Pasteur. Tous les trois, ils vivent sur les 800 mètres de boulevard entre Barbès et Pigalle. Bobby c’est le môme du quartier, il fait profession de « dealer ». Anita l’a presque élevé et elle ferait tout pour le protéger. Anita et ses deux copains, ils vont vite apprendre le prix du gramme d’héroine.
« Le film est sorti en mai 1981, le contexte politique de l’époque a-t-il eu une influence sur le film ?
Il n’y a pas de lien direct entre le contexte politique, le film et son tournage. Le succès de Neige a accompagné la victoire de la gauche au moment de la sortie du film. Tout simplement parce que le film répondait à un désir des gens. La disparition complète de ces personnages et de ces lieux populaires dans le cinéma français était vécu comme un manque. Aussi, le désir de mettre en avant cette galerie de personnages de la rue a rencontré le désir de changement politique. Parfois, la situation nous échappe, il y avait Court circuits de Patrick Grandperret, un film cousin de Neige, lui à la Semaine de la Critique, nous à la Quinzaine des réalisateurs, la sélection aurait pu être inverse, tout comme la réception par le public. Nous étions de la même bande, de la même tribu. Pour Neige, il y a eu un processus d’identification, ce film était dans l’air du temps, les gens voulaient ce film là, à ce moment là. Ils en avaient marre de cette occupation de l’espace par les mêmes gens et les mêmes films.
Pour ce qui des personnages et du quartier. Ce qui nous agite avec Juju (Juliet Berto, actrice et co-réalisatrice ndlr), c’est en quelque sorte de réhabiliter, de rééquilibrer cet ensemble, de faire en sorte que ces personnages secondaires deviennent des personnages principaux. Qu’un quartier populaire, dénigré, devienne le référent d’un film, et pas d’une manière folklorique, ni en bien ni en mal, tout simplement le décor, un lieu, parce que cette histoire se passe là, en prise avec une réalité. Voilà comment se caractérise le désir politique.
(...) Vous fréquentiez le Louxor ?
Non, pas vraiment. C’était un cinéma qui passait du cinéma de genre ou communautaire. Mais si on me propose une projection de Neige au Louxor, je ne dis pas non et je pense sincèrement que ça aurait de la gueule ! (rires). D’ailleurs, on a failli occuper le Louxor en 1997 avec le mouvement des cinéastes en soutien aux sans-papiers ! Nous avions réalisé un film et nous cherchions un QG, l’idée du Louxor est venue après une rencontre avec l’ancien propriétaire, Fabien Ouaki, mais Jean-François Bizot (ancien patron d’Actuel et de Radio Nova ndlr) l’a convaincu que ce n’était pas une bonne idée ! (rires).»
Jean-Henri Roger - Entretien avec Laurent Laborie, Paris Louxor, le 16 janvier 2013"