Sur la réunion de mercredi dernier, tout a été dit dans la presse, avec plus ou moins de justesse. Toutefois elle a su rendre l'ambiance houleuse qui régnait dans la salle des fêtes de la mairie du 10e et des craintes, souvent infondées, des peurs et des fantasmes (toute l'Europe de la toxicomanie fondrait sur la Gare du Nord ! par exemple) de certains habitants. Nous n'y reviendrons donc pas tout de suite, mais la semaine prochaine, le temps que les esprits se calment. Voici quelques liens vers des articles parus hier : France Info ; Libération ; Le Monde ; L'Express ; Le Figaro ; le JDD ; RMC (vous pouvez switcher rapidement la pub!) qui vous fourniront un résumé des débats. Une courte vidéo sur le site de BFM traduit l'ambiance.... vivante. Enfin M6 Info se concentre sur les atouts de l'expérimentation.
Les associations de riverains réclament plus d'information, plus de concertation au maire du 10e, en oubliant un peu que chaque fois qu'ils en ont formulé la demande, ils ont été reçus par ledit maire, en l'occurence Rémi Féraud. Les habitants du quartier situé entre la gare du Nord et l'hôpital Lariboisière, c'est à dire quelques rues du 10e, ont les moyens de s'informer par eux-mêmes plutôt que d'avoir recours aux sempiternelles communications alarmistes qui effraient les plus timorés et ne recueillent que haussements d'épaules de la part des personnes informées. Informées parce qu'elles se sont penchées sur le problème. Car, oui, il y a bien un problème et il n'est que trop temps de lui trouver des solutions. L'une des solutions est l'ouverture d'une salle de consommation surveillée, là où se concentrent les usagers de drogue. Plusieurs salles seraient un avantage pour ne pas concentrer la demande. Les habitants opposés à la salle seraient peut-être moins dans le refus si le projet prévoyait plusieurs ouvertures simutanées.
Le boulevard de Magenta la nuit, entre Barbès et la rue Ambroise Paré.
Commencer par l'information.
En quoi la toxicomanie est-elle un problème de santé publique ?
En premier lieu, parce qu'elle met en danger les usagers de drogue. On nous dira que personne ne les oblige à en user. Vrai. Mais on soigne bien le cancer des poumons d'un gros fumeur... L'usage de la drogue, des drogues, associé souvent à l'usage de l'alcool, peut conduire à une précarisation des usagers, par la perte de ses repères, perte d'un emploi, perte des revenus, perte d'un toit, rupture familiale, descente aux enfers assurée. Dans notre quartier, on constate régulièrement cette précarisation bien visible de personnes de tout âge, de tout sexe.
En second lieu, l'usage de drogue injectable comporte des risques de contamination par les maladies qui se transmettent par le sang, pour les usagers eux-mêmes, si les seringues sont réutilisées. Toute la campagne de réduction des risques faite dans la décennie précédente en fournissant massivement des seringues stériles avait pour but de limiter la transmission du sida et des hépatites, entre autres pathologies infectieuses. Mais le but était aussi de prévenir les conséquences des pratiques d'injection (abcès) et les conséquences du mode de vie (désocialisation, malnutrition, manque d'hygiène, isolement). Réduire les risques également pour les non-usagers si les seringues sont abandonnées sur l'espace public (blessure involontaire des personnels de nettoyage, enfants)
La France n'a pas été la seule à développer cette politique de lutte contre les drogues. Les institutions chargées de cette mission sont en constante relation avec les organismes internationaux et partagent les résultats de leurs enquêtes nationales. Les principaux acteurs de cette lutte contre les drogues en France sont
- La Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), chargée de coordonner l’action du Gouvernement dans le domaine de la prévention, la prise en charge sanitaire et sociale, la répression, la formation, la communication, la recherche et les échanges internationaux ;
- Le Ministère de la santé, et plus particulièrement la Direction générale de la santé (DGS) qui prépare et met en œuvre la politique de santé publique en matière d’addictions ;
- L’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) chargé de mettre en œuvre les politiques de prévention et d’éducation pour la santé.
Observer la situation
Le monde des drogues n'est pas figé, il est au contraire en constante évolution. La législation a bien du mal à suivre. Et l'interdiction pure et simple des stupéfiants risque de déplacer le problème tant la création de nouveaux produits de synthèse (NPS) est inventive... et leur mise sur le marché rapide. L'information dispensée et mise en ligne par les pouvoirs publics, même si elle est très lue par le grand public, parce bien faite dans un cadre de prévention et de vulgarisation des connaissances, est très vite obsolète. La brochure intitulée "Drogues et dépendances" édité par l'INPES, réédité en mars 2007, reste un vulgarisateur de qualité mais doit être complétée régulièrement tant l'arrivée de nouveaux produits stupéfiants (NPS) est inquiétante et rapide, tant les chiffres de consommation évoluent vite. La vente de substances psychotropes par internet ne facilite pas la tâche des autorités chargées d'en endiguer la consommation. L'éradiquer est pure utopie. Reste à l'encadrer.
Pour compléter l'information de chacun, il existe une publication récente (janvier 2013) sur le site de l'OFDT intitulé "Nouveaux produits de synthèse et Internet", téléchargeable gratuitementen ligne.
L'objectif de ce numéro de Tendances est de faire un état des lieux des connaissances sur le sujet : l'offre, les profils des usagers, les modes de consommation, les conséquences sanitaires et les questions sur leur législation. Cela dans un contexte où le nombre de ces substances ne cesse de s'accroître tant en Europe qu'en France.
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- Les professionnels aussi se posent des questions et cherchent à les résoudre. Ainsi la Fédération Addiction en partenariat avec le Réseau Français de la Réduction des risques organise-t-elle le 3 avril prochain le deuxième séminaire de la RDR sur le thème "Construire des espaces de consommations". On est ici au coeur de notre problème local. C'est un moment de travail prévu pour et par les professionnels, un moment d'échange et d'élaboration d'un cadre pour la construction de possibles espaces de consommation au sein des structures. Le fil rouge est le suivant : Quels sont les problématiques que vous rencontrez dans vos structures ? Quels cadres juridiques pour penser l'espace de consommation ? Quelles questions sanitaires . Quelle construction possible avec les acteurs politiques ?
Le parvis de la Gare du Nord.