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  • SCMR : retour sur le séminaire de recherche sur "La réduction des risques chez les usagers de drogues, un exemple de prise de décision en santé"

    Invitée par l'EHESS à participer à son séminaire interdisciplinaire,  "La réduction des risques chez les usagers de drogues, un exemple de prise de décision en santé", le 12 avril dernier dernier, Action Barbès était présente dès le matin à l'amphithéâtre Vulpian de Paris-Descartes, d'abord pour entendre Marie Jauffret-Roustide sur "Enjeux sociologiques, de santé publique et sciences politiques et analyse du débat médiatique", puis l'après midi pour une intervention au milieu d'autres associations pour présenter nos observations sur "La mise en œuvre concrète de la salle de consommation supervisée".

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    Entrée de l'hôpital Lariboisière, rue Ambroise Paré

    Le nom de la sociologue Marie Jauffret-Roustide, chargée de recherche à l'INSERM, n'est pas inconnu des lecteurs de ce blog qui ont suivi le dossier de la salle de consommation à moindre risque (SCMR) du 10e arrondissement. En juin 2014, déjà, nous vous présentions la chercheuse (c'est ici). A ce moment-là, on parlait alors du 39 boulevard de la Chapelle pour l'installation de la salle.

    En effet, madame Jauffret-Roustide a été choisie pour conduire une enquête qui consiste à faire un état des lieux et des opinions avant l'ouverture de la salle — c'est ainsi que nous l'avions rencontrée à l'époque — et de la poursuivre ensuite sur plusieurs années, précisément 6 ans à partir de l'ouverture de la salle. Le but est d'évaluer la tranquillité autour de la salle et d'analyser son impact sur l'espace public.

    Au cours du séminaire (il y avait d'autres interventions, voir ici l'ordre du jour -PDF à charger-), elle nous a présenté une analyse du débat médiatique, qui fait partie de son enquête :  un gros travail puisque ce ne sont pas moins de 1735 articles de journaux, au sens large, entre 1990 et 2017 qui ont été décortiqués. La période suivante est en cours d'étude. Le ton des médias est en décalage avec les interviews qu'elle a menées en tant que sociologue. Elle souligne qu'ils ont plus souvent relayé la position des opposants et les faits sensationnels autour du dossier de la réduction des risques liés à l'usage des drogues (RdR), les protestations souvent légitimes des habitants mais pas toujours liées à la SCMR, les rixes éventuelles alentour... alors que les articles de fond donnant la parole aux usagers, par exemple, sont beaucoup plus rares. En revanche, les politiques sont entendus fréquemment. Dans le cas de la salle du 10e, elle a noté que les élus locaux ont largement eu la parole, davantage même que les élus nationaux, ce qui mérite d'être souligné. Quant au débat entre les professionnels, on ne retrouve dans la presse que des oppositions modérées des académies, assez éloignées de l'expérience des professionnels de terrain, qui eux se retrouvent sur l'essentiel.

    Mais son intervention ne se résumait pas à l'enquête sur l'impact de la SCMR de notre quartier, elle s'est largement exprimée sur l'historique de la politique de réduction des risques, dans différents pays et en France. Elle a rappelé que la catastrophe du Sida a été l'élément déclencheur, en conduisant d'abord à l'autorisation de vente libre des seringues dès le milieu des années 1980. Jusque là les injecteurs partageaient leur matériel... la seringue donc, et le virus en prime. La baisse des contaminations a convaincu de continuer dans cette voie. Le jugement moral vis à vis des consommateurs a faibli. Ensuite l'accent a été mis sur l'exposition aux risques. Il fallait sevrer, sortir de la consommation. Comme l'avait dit peu avant Valérie Saintoyant de la Mildeca dans son intervention, on a encore trop souvent la représentation qu'une large part de la société n'aura pas à faire avec les addictions, et par ailleurs que les alcooliques et les toxicomanes seraient des personnes « perdues ». Il faut se départir de cette représentation dichotomique, c'est un déni des risques.
    La réduction des risques s'observe dans les pays étudiés selon plusieurs modèles, du faible au fort, en passant de la vision neutre, centrée sur le pragmatisme qui prend peu en compte les usagers, sans criminaliser l'usage, mais aussi sans changement de la loi, sans autorisation des salles supervisées, en favorisant plutôt les traitements de substitution, à une vision moins morale, qui prend en compte le contexte des usagers de drogues, leur reconnaît un droit, voire une liberté de cet usage et de cette expérimentation, dans des conditions de réduction des risques pas toujours optimales. Les frontières sont mouvantes entre les modèles et la réduction des risques s'effectue par étapes. La dimension sanitaire est malgré tout toujours à l'origine de la mise en place de la politique de réduction des risques. C'est aussi un moyen de « mieux faire passer » cette politique et de faire admettre qu'il faut renoncer à l'éradication des drogues. Vivre en réduisant les risques.

    La politique française de réduction des risques s'apparente plutôt au modèle faible, longtemps axé sur une réponse médicamenteuse — nous avons le plus haut niveau de substitutions aux opiacés (85%) — elle est très centrée sur le risque sanitaire, le risque infectieux, plus que sur son acceptabilité dans la société. Les interdits moraux priment encore. Ils ralentissent l'ouverture de salles de consommation supervisées qui ont pourtant montré leurs aspects positifs dans le monde. La politique actuelle a ainsi conduit à mener une expérimention de SCMR et non décidé son fonctionnement définitif. Même si nombre d'intervenants pensent qu'en France l'expérimentation n'est qu'une première étape vers une décision plus pérenne, rarement démentie. On ménage simplement la société. Pour autant, les échanges entre les différents pays confrontés aux mêmes situations montrent l'échec de la politique dure de criminalisation.


    En fin de matinée ont été entendus les professionnels de la RdR et les associations d'usagers. Nous ne reviendrons pas ici sur les perspectives qu'ils ont brossées dans un temps assez court pour chacun, et sans doute trop court pour être exhaustifs comme ils l'auraient souhaité. Mentionnons seulement que nous avons écouté Fabrice Olivet directeur de Asud, Nathalie Latour déléguée générale de la Fédération Addiction, Marie Dubrus de Médecin du Monde, référente pour la RdR et Marc Dixneuf, directeur de Aides.

    L'après midi a été consacré plus précisément aux salles de consommation à moindre risque. La tribune a accueilli successivement les acteurs de la prévention, médecins ou autorités compétentes, puis les associations d'habitants intéressées par les problèmes de l'addiction dans l'espace public. Chacun a exposé les grands axes de sa mission, de son travail et de ses observations.

    Elisabeth Avril, la directrice de Gaïa, association qui gère la SCMR de la rue Ambroise Paré, en plus de son antenne dans le 11e, a repris l'historique de la salle, les progrès faits, le réel succès de ce dispositif quand on en juge par le nombre d'inscrits depuis octobre 2016 et le nombre de passages par jour. Des informations que nous avons reprises ici dans le blog après chaque réunion du comité de voisinage qui se tient à la mairie du 10e et qui sont consultables également sur son site. Nous n'y revenons donc pas. Mais si l'on se place du côté des habitants, tout n'est pas parfait. La tranquillité du quartier est encore incertaine, des commerces se plaignent de la présence des usagers de drogues, certains chercheraient à fermer, tout comme certains habitants aimeraient déménager. La responsable de Gaïa en est consciente et reconnaît que les heures d'ouverture de la salle ne couvrent pas toute la journée et encore moins la nuit. Elle souligne que les maraudes organisées par l'association ont été augmentées grâce aux rallonges de budget et qu'ils font le maximum pour limiter les difficultés, notamment en répondant rapidement s'ils sont sollicités, y compris par téléphone. Elle fait savoir toutefois que les rixes ou les désordres à l'extérieur de la salle ne sont le fait que de très peu d'usagers. La présence d'un psychiatre tous les lundis après midi aidera peut-être à trouver des solutions aux cas d'usagers souffrant psychiquement. Souvenons-nous aussi que Gaïa n'est pas là pour gérer l'espace public dans sa globalité. La police est là également et collabore de façon satisfaisante, a ajouté Elisabeth Avril.

    Nous avons écouté un peu plus tard Stéphane Bribard, adjoint à la maire du 10e, Ruth Gozlan, chargée de la Mission santé à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), la responsable de la salle de consommation de Strasbourg, Aurélie Kreiss, puis Delphine Vilain de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, et des représentants associatifs : Action Barbès, le Collectif des parents, Stalingrad Quartier Libre et le Collectif des Riverains Lariboisière-Gare du Nord.

    Notre intervention a été modérée et conforme à notre position de toujours. Nous soutenons depuis le début l'installation d'une salle dans le quartier, dans ce quartier parce que la présence de toxicomanie ici, entre la Goutte d'Or, Barbès et les gares, ne datent pas d'hier, et encore moins de l'ouverture de la salle. Ce qui nous distingue des opposants à la salle, habitants qui continuent à demander non plus sa fermeture mais maintenant son déplacement dans un quartier moins résidentiel, disons moins habité. L'exemple de la salle de Strasbourg reste pour eux un modèle. Mais Strasbourg n'est pas Paris, site, population, histoire sont bien différents, comme l'a expliqué Aurélie Kreiss, notamment par le nombre d'usagers qui biaise toute comparaison. En revanche, nous sommes fermement favorables à l'ouverture d'autres salles pour soulager la pression qui s'exerce sur une salle unique, d'autant que les fumeurs de crack frappent à la porte, et aimeraient disposer d'un lieu qui tolère leur pratique. C'est un autre débat. Ce sont d'autres problèmes, très présents notamment du côté de Stalingrad, haut lieu du crack depuis plusieurs décennies, entrecoupées d'accalmie.


    Pour approfondir le sujet, on peut (re)lire avec intérêt l'article de Marie Jauffret-Roustide paru le 22 janvier 2015 sur La Vie des Idées : "Les salles de consommation à moindre risque. De l’épidémiologie à la politique".

  • Ce soir conférence sur l'exception alimentaire française

     Nous relayons ici une invitation de la mairie du 18e qui nous semble intéressante :

    Dans le cadre l’Université populaire de la Mairie du 18e organisée en partenariat avec l’Ecole de hautes études en sciences sociales (EHESS), la mairie du 18e a le plaisir de vous inviter le mardi 25 octobre à une conférence sur le thème :

    Alimentation et santé : du "french paradox" à l’exception alimentaire francaise

     

    par Claude FISCHLER, sociologue, directeur de recherche au CNRS, directeur du Centre Edgar-Morin (EHESS)

    Mairie du 18e, 19h30

    Depuis 20 ans, les scientifiques s’accordent pour mettre en évidence un curieux phénomène : alors que le régime alimentaire des Français est relativement riche en lipides, cela ne semble avoir aucun impact négatif sur leur santé

    Cette contradiction qualifée de “french paradox” (paradoxe français) par les nutritionnistes, notamment américains, mérite d’être expliquée et discutée aujourd’hui alors que les messages pour une alimentation saine connaissent un fort développement et que la question de l’obésité chez les plus jeunes est une inquiétude grandissante. Qu’en est-il exactement ?

    Cette conférence de l’Université populaire de la Mairie du 18e et les questions que vous pourrez poser seront l’occasion de mieux comprendre ce phénomène

    Un pot amical est offert en fin de soirée.

     

  • Des nouvelles de l'université populaire du 18e

    Nous avons pris l'habitude de vous informer des conférences qu'organise l'université populaire du 18e arrondissement en partenariat avec l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), dans la salle des fêtes de la mairie.

    La prochaine conférence aura lieu ce soir 24 mai à 19h30. Elle est ouverte à tous et gratuite.

    Le sujet :

    Paris, capitale du 19e siècle : mythes et réalité.

    par Maurizio Gribaudi, directeur d'études à l'EHESS,

    L’évolution de Paris au cours de la période contemporaine est très souvent lue et interprétée comme un processus unique au cours duquel la ville de l’Ancien Régime se restructure pour se transformer progressivement en capitale du 19e siècle. 
    Ce qui est moins connu est que la formation des pratiques et des images qui fondent cette nouvelle modernité urbaine s’accompagne de la perte de lisibilité de la partie plus ancienne et populaire de la ville. Au fur et à mesure que se développe la pétillante culture des boulevards, les traits qui composent les cohérences et les perspectives des nombreux autres lieux et personnages de la ville se brouillent et s’estompent pour disparaître progressivement de l’avant de la scène.

    250px-Arrondissements_de_Paris_avant-apr%C3%A8s_1860.svg.png

    Paris se transforme et absorbe en 1860 ses faubourgs
    jusqu'aux fortifications construites par Thiers en 1844.
    Il passe de 12 à 20 arrondissements.

    Maurizio Gribaudi est directeur d'études à l'EHESS et l'auteur de plusieurs ouvrages historiques, dont "1848, la révolution oubliée", en collaboration avec Michèle Riot-Sarcey, plus anciennement, Itinéraires ouvriers. Espaces et groupes sociaux à Turin au XXe siècle (Ed. de l'EHESS, 1987) et Espaces, temportalités, stratifications (Paris, EHESS, 1999). Des articles ont été publiés par les Cahiers Charles Fourier, notamment Passages et phalanstère, Espaces urbains et visions utopiques, tout récemment (cahier n°21 de janvier 2011).

    Pour rafraîchir nos souvenirs ici un article "wikipédien" assez complet sur les transformations de Paris sous le Second Empire.