Le 24 juin dernier, la direction du groupe SNCF annonçait les transformations de la Gare du Nord d'ici 2023 - annonce que nous avions relayée dans notre article du 6 juillet dernier sur les modifications de voirie aux abords de cette gare. Nous avions développé, plus en détail cette profonde mutation à venir de cette gare dans notre article du 5 août.
Le 27 juillet, l'économiste et écrivain Jacques Attali a développé sur son blog et dans L'Express une vision très tranchée et critique des gares parisiennes, "les pires gares du monde". Le 10 août, le Directeur Général de l'entité SNCF Gares & Connexions a répondu à Jacques Attali dans L'Expansion. A cette réponse, Jacques Attali a, à nouveau, apporté sa réponse.
Voici les extraits, tirés de ces 2 articles, des propos de Jacques Attali.
© SNCF - Eurostar
Sur les gares parisiennes en général
" [Les gares] sont, depuis leur création, les mal aimées de la croissance. Dès qu’on a commencé à les installer, en 1830, elles n’ont pas trouvé de réelle identité. Au point même que les mots qu’on emploie depuis lors pour les décrire (« gare », « quai », « débarcadère »), restent empruntés au vocabulaire fluvial, sans qu’un lexique spécifique ne soit apparu pour l’univers des trains.
Aujourd’hui, les gares parisiennes sont dans un état lamentable : leurs abords sont misérables, leurs accès sont sales, leurs signalétiques sont désastreuses, leurs lieux de restauration, mis à part le mythique « Train Bleu » de la gare de Lyon, sont, pour la plupart, glauques ou à tout le moins impersonnels. Il n’y a dans ces gares aucune commodité ; les toilettes y sont lointaines et incertaines. Quand il fait froid, on y gèle. Quand il fait chaud, on y étouffe, comme dans une serre. On n’y trouve pas non plus de moyens d’accès efficients aux outils modernes de communication. Aucun lieu pour recharger facilement son téléphone ou son ordinateur, ni pour consulter ses mails. Le wifi y est incertain, quand il existe, en tout cas il n’est jamais indiqué ni proposé. Plus encore, les rues environnantes sont de moins en moins sûres. Aucune ne vaut mieux que les autres. " [...]
" On ne retrouve pas ce délabrement des gares parisiennes en province, où certaines sont exemplaires. Comme si, une fois de plus, les Parisiens voulaient prouver au monde qu’ils n’aiment pas recevoir ceux qui viennent les voir et leur apportent leur créativité et leurs ressources.
Certes, des travaux sont en cours un peu partout [...]. Mais cela ne doit pas servir d’alibi commode à la situation actuelle. On peut comprendre qu’on ait voulu donner la priorité aux besoins des banlieusards. Mais les travaux ont tardé à commencer et semblent interminables. "
" Cela doit changer au plus vite. Il faut que les gares deviennent une priorité des Parisiens, qui devraient tout faire pour bien accueillir ceux qui veulent les visiter. Tous devraient liguer leurs efforts immédiatement : Etat, Région, ville, SNCF et surtout la société qui lui est de nouveau rattachée, Réseaux ferrés de France (RFF), pour qu’avant cinq ans toutes les gares parisiennes soient au niveau d’excellence des meilleures du monde. L’argent ne manque pas pour cela : il suffit de le vouloir. L’impact en termes d’emplois, de sécurité et de croissance, serait incomparable. Encore faut-il que toutes ces autorités veuillent bien mettre en commun un peu de l’énergie qu’elles emploient à se concurrencer. "
" Je m'inquiète enfin quand je vois la SNCF limiter la mutation des gares à l'installation de pianos et au renfort des chefs qui prêtent, de loin, leur renommée.
Tout ceci est très inquiétant. Rénover des gares devrait consister à en faire des lieux de vie, de rencontre, de confort, d'attention et de service aux voyageurs et aux autres. Quand et où verrons-nous cela? "
Sur la Gare du Nord
© Wilmotte
" La Gare du Nord, première gare d’Europe et troisième du monde, d’où débarquent tous les jours des milliers de voyageurs venus d’une gare magnifique à Londres, Saint Pancras, ou d’autres, à Bruxelles, Amsterdam ou Cologne, moins rutilantes que Saint Pancrace mais incomparablement plus fréquentables que la Gare du Nord. "
" Pour la gare du Nord, les responsables de la SNCF viennent seulement d’annoncer un plan de rénovation dont la première étape doit se terminer… en 2023 ! C’est beaucoup trop lent. Pendant ce temps, Paris va perdre plus encore de son attrait et les quartiers voisins des gares vont continuer de se dégrader. "
Sur la Gare de l'Est
" La Gare de l’Est est incommensurablement triste."
" La rénovation de la Gare de l'Est est un échec : tant qu'elle restera aussi lugubre et que le quartier sera ce qu'il est, il ne pourra en être autrement. "
oOo
NDLR : Concernant les quartiers des gares du 10e, nous vous invitons à consulter l'article que nous avions rédigé lors de la campagne pour les élections municipales de mars 2014 : "Les abords des gares - un enjeu majeur de la prochaine mandature dans le 10e".
Commentaires
Certains propos de Jacques Attali font bondir!
Si on ne peut contester la nécessité de revoir les abords des gares (on pense ici à la rue d'Alsace et à la rue de Maubeuge), comment peut-on écrire "Plus encore, les rues environnantes sont de moins en moins sûres"? Dans quel monde vivez-vous M.Attali? Pensez-vous que les riverains doivent se murer chez eux et qu'ils risquent une agression à tout moment?
" leurs abords sont misérables, leurs accès sont sales, leurs signalétiques sont désastreuses" et oui M.Attali, il y a de nombreux sans domicile fixe qui errent dans le quartier des gares, et oui il y aussi de nombreux toxicomanes, la société est ainsi. Sur la saleté et la signalétique, je vous l'accorde, c'est exact.
Je passe sur l'utilisation du mot "banlieusard" dont on connait la connotation!
Vous êtes inquiet? Il y a des sujets beaucoup plus préoccupants. Action Barbès vous propose une visite de notre quartier, nous pourrons même pousser jusqu'à la Goutte d'or. On vous attend!
Comme beaucoup, Attali se send en danger lorsqu'il lui arrive de croiser des pauvres, des immigrés ou des toxicos. Il exige alors qu'on les caches à ses yeux. C'est du pur mépris de classe.
Je pense qu'il a raison sur le constat, et il suffit de voyager un tout petit peu (allez à Saint Pancras à Londres et on se reparle après) pour s'en rendre compte.
Par contre, je ne suis pas de son avis sur les solutions: je préconiserais des hubs de création numérique ou encore des pépinières de start-ups (tout comme sous le métro aérien de la ligne 2). Ces créateurs pourraient bénéficier d'une visibilité internationale (je crois qu'à Roissy, il y a des pitchs de start-ups, et c'est une bonne initiative), et surtout cela créerait de vrais jobs d'avenir pour les jeunes qui souffrent, en tout cas, autour de la Gare de l'Est et du Nord, d'un fort taux de chômage. Enfin, ils pourraient attirer des investisseurs et pourquoi pas créer les Google Européens dont nous avons tant besoin. Qu'en pensez-vous?
Mais, je ne suis pas sûr (démentez moi cela me ferait plaisir), que faire baisser le taux de chômage, s'intéresser à la sharing-economie qui se dessine en ce moment, et surtout proposer de vraies alternatives concrètes aux jeunes (plutôt qu'en les dopant aux idéologies, ce qui ne fait qu'accroitre leur mal-être), ne soit la priorité, si ? Monsieur Lejoindre, avez vous un avis - concret - sur la question ? Quand verra t-on nos hommes politiques célébrer le travail, la confiance, la réussite (puis la redistribution ensuite) ?
@WhyNot : ah le blabla qui défend au fond la précarisation généralisée du travail ! Y a t-il plus de chômage autour des gares de l'Est et du Nord, argumentez. Tous les "jeunes" comme vous les appelez non sans doute pas envie de vos solutions qui ne parlent que de "réussite" mais quelle réussite ? C'est affligeant comme perspective et c'est vous qui les dopés aux idéologies mortifères.
@Didier
Qu'est ce une idéologie mortifère ?
Connaissez-vous Blablacar, une start-up créée en France et connue dans le monde entier (désolé pour vous, les gens sont libres de jugement hors de France et ne s'intéressent pas au politiquement correct et aux idéologies gauche droite qui n'intéresse que le monde politico-médiatique ici, désolé encore, on est en retard d'un siècle)
bref Blablacar permet, en partageant sa voiture, de réduire le coût énergétique (on pollue moins à plusieurs, ce qui n'est pas neutre alors que Paris va accueillir la Cop21 à la fin de l'année, les écolos devraient ADORER cette start up et peut-être (mais attention c'est un gros mot chez les bien pensants) en être actionnaire), de baisser drastiquement les coûts de transport (mais peut-être n'est ce pas un problème pour vous de payer plus de 100 euros des voyages en TGV, vous préférez le statu quo c'est cela?), et a créé, des dizaines, bientôt des centaines d'emplois à Paris.
Qu'ont fait de mal les créateurs de cette solution intelligente? Mon souhait est de voir des Blablacar secréer dans le 18eme pauvre (Ornano, Ney, La Chapelle...) en accueillir des Blablacar, tout comme les 19eme, 20eme arrondissement, tout comme La Courneuve, Aubervilliers, Bondy, Stains. Mais tiens, par exemple, êtes vous tout simplement allés à Stains, Monsier-le-docteur-de-ce-qu'il-faut-dire-ou-penser?
Merci de votre ouverture d'esprit à venir (et essayez Blablacar, vous vous ferez, peut-être, des amis?).
Contrairement à ce que dit M. Attali, je trouve la gare de l'Est très agréable.
Concernant la gare du Nord, de petites modifications ont été effectuées et c'est un grand changement : que de places pour les piétons maintenant que la moitié de la voie a été interdite aux voitures et le dépose-minute déplacé dans le parking ! Concernant ces modifications de circulation, je regrette que la rue de Compiègne entre la rue de Dunkerque et le boulevard de Magenta n'ai pas été fermée. Les voitures qui se garait auparavant devant la gare viennent maintenant s'y garer alors que dans cette rue, seule est nécessaire une voie d'accès au parking souterrain.
Il est évident qu'il y a de la pauvreté dans le quartier. Il suffit de voir des personnes - jeunes ou âgées - qui font les poubelles. Y être insensible n'est pas humain.
Le rôle des politiques devrait être d'encourager ceux qui veulent créer de la richesse et la redistribuer ensuite, plutôt que de décourager et trop taxer tout le monde. Toute la dette de Paris et des autres collectivités locales devra être payée un jour ou l'autre par nos enfants, ce n'est pas un super cadeau.