La prochaine mise en place de la salle de consommation de drogues à moindre risque (SCMR) au 39 boulevard de La Chapelle fait l’objet d’une controverse que seule une approche rationnelle peut valablement résoudre. Les a priori, les principes et les postures politiciennes ne font pas avancer le débat. S’enfermer dans une logique uniquement répressive pour les questions liées à la drogue n’a jamais donné de résultats. Les trafics et les réseaux de trafiquants ont-ils disparu ces dernières décennies ? Non bien sûr. Le nier serait faire preuve d’une réelle mauvaise foi. Qui empoisonne aujourd’hui les cités Nord de Marseille si ce n’est le développement des mafias et de l’économie souterraine dont il y a fort à parier qu’aucune action de police ne viendra à bout. Faire respecter l’Etat de Droit est évidemment indispensable, la police et la justice sont là pour cela mais, concernant la drogue, ne faut-il pas y ajouter un accompagnement sanitaire des toxicomanes ? L'accompagnement des toxicomanes en grande précarité permet simplement de les extraire de l'espace public (notre intérêt en tant que résidents), tout en améliorant leur état sanitaire (dans l'intérêt général et leur intérêt en particulier).
C’est donc une nouvelle approche de la question qu’il faut avoir. S’obstiner dans des politiques de répression coûteuses, inefficaces et même dangereuses par leurs effets secondaires (argent sale, criminalité, …) ne sert à rien.
Action Barbès se propose de vous fournir régulièrement des informations sur le sujet afin que chacun puisse construire son opinion. Nous avons publié il y deux semaines une interview de Line Beauchesne traitant de la prohibition puis la semaine dernière un débat sur France Inter. Continuons ce travail.
Le Consortium International sur les Politiques des Drogues (IDPC), réseau mondial pour un débat ouvert et objectif sur les politiques liées à la drogue, a publié en juin 2012 un intéressant rapport intitulé : Salles de consommation à moindre risque : les preuves et la pratique.
Action Barbès a étudié ce rapport et vous en propose ci-après un petit résumé. Vous pouvez télécharger le rapport complet en cliquant ICI
Le rapport est constitué de trois parties :
- Les objectifs d’une SCMR et le contexte local des projets existants,
- Les salles de consommation à moindre risque dans le monde : passage en revue détaillée des 8 pays qui ont lancé cette expérimentation avec conditions d’utilisation, profils des usagers et résultats,
- Conclusions.
Les objectifs d’une SCMR et le contexte local des projets existants
L’IDPC définit les objectifs d’une SCMR ainsi :
- améliorer l’accès aux services de santé pour les groupes d’usagers de drogues les plus vulnérables
- améliorer leur état de santé et leur bien-être
- contribuer à la sécurité et à la qualité de vie des communautés locales
- réduire l’impact des espaces de consommation de drogues à ciel ouvert sur la communauté.
Le contexte juridique dans lequel les projets ont été lancés varie bien évidemment d’un pays à l’autre et des lois ont du être votées pour permettre l’installation des SCMR. Le point crucial ici est la compatibilité entre la pénalisation de l’usage de drogues en général et son autorisation dans les SCMR. De façon assez générale, ce sont des structures locales, de proximité, qui gèrent ces projets, le cas le plus fréquent est celui de la prise en charge par une ONG. Il faut également noter que les Conventions internationales sur le contrôle des drogues contraignent les pays ayant lancé des projets de SCMR et qu’une vraie bataille juridique à propos de l’interprétation des textes est en cours, notamment à l’ONU.
« Les SCMR sont une façon innovante de réduire les risques liés aux drogues, tout en étant une approche controversée dans le cadre politique de lutte contre la drogue. Il est par conséquent primordial d’évaluer attentivement l’efficacité de ces établissements » nous dit l’IDPC dans son chapitre consacré aux arguments en faveur des SCMR.
KPMG, l'un des 4 plus grands cabinets d’audit dans le monde, a publié en 2010 un rapport d’évaluation du projet australien dont voici les principaux éléments :
Les SCMR ont eu un impact positif sur la réduction des overdoses,
Les SCMR ont fonctionné comme un portail vers le traitement de la dépendance,
Les SCMR ont réduit de manière significative les problèmes sécuritaires liés à l’usage de drogues à ciel ouvert et aux seringues usagées,
Les SCMR ont contribué à une baisse du taux des nouvelles infections de VIH et d’hépatite C.
L’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT) a publié quant à lui deux rapports sur les SCMR, passant en revue les informations disponibles quant aux effets des SCMR. L’OEDT a conclu que :
Les SCMR atteignent les groupes vulnérables et sont acceptés par les groupes cibles, les communautés et autres acteurs clés,
Les SCMR aident à améliorer l’état de santé des usagers de drogues et réduisent les comportements à risque,
Les SCMR peuvent réduire le nombre de décès par overdose,
Les SCMR pourraient avoir un impact sur les taux d’infection au VIH et à l’hépatite C, bien qu’il soit nécessaire de fournir des preuves supplémentaires dans ce domaine,
Les SCMR peuvent réduire la consommation de drogues à ciel ouvert et les problèmes qui en découlent, si elles font partie d’une stratégie locale globale.
Les salles de consommation à moindre risque dans le monde : passage en revue détaillée des 8 pays qui ont lancé cette expérimentation avec conditions d’utilisation, profils des usagers et résultats.
Les 8 pays concernés sont l’Australie, l’Allemagne, le Canada, l’Espagne, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse.
Il n’est pas utile de reprendre l’ensemble des informations très complètes touchant chacun de ces pays. Sont passés en revue les sujets suivants : situation politique actuelle, concepts et objectifs des SCMR, prestations de services, profil des clients, résultats, défis et prochaines étapes. Ceux qui s’y intéressent peuvent se référer au rapport.
Il convient de noter qu’aucun de ces projets n’a fait l’objet d’un rejet systématique des populations et que l’expérience semble montrer que l’ordre public n’a pas été affecté par l’installation d’une SCMR.
Conclusions
Le défi auquel sont confrontées les SCMR reste aujourd’hui leur acceptabilité par les populations, notamment celles directement concernées par l’implantation d’un projet dans leur environnement proche. Ne pas prendre en considération ce problème serait une grave erreur. Les expériences menées tendent à prouver qu’une bonne pédagogie du projet doublée de réelles mesures d’accompagnement pour le maintien de l’ordre public permettent de résoudre ce problème.
Quant aux bénéfices sur le plan de la santé publique, personne ne les conteste plus aujourd’hui.
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