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Histoire des rues de la Goutte d'Or : la rue des Poissonniers

Traditionnellement, le blog d’Action Barbès fait relâche pour l’été et quitte l’actualité de nos quartiers. Mais cette année durant la pause estivale, nous vous invitons à une promenade dans le temps à travers une série d’articles sur l’histoire des rues de la Goutte d’Or, ce quartier des faubourgs de Paris né dans la commune de La Chapelle.

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Après la rue Marx Dormoy, nous continuons notre série sur l’histoire de rues de la Goutte d’Or avec la rue des Poissonniers.

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La rue des Poissonniers marque la frontière Ouest du quartier administratif de la Goutte d’Or. D’une douzaine de mètres de large, la rue des Poissonniers commence au 26 boulevard Barbès pour finir 1420 mètres plus loin, boulevard Ney. 

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La rue des Poissonniers à l'angle de la rue d'Oran, vers 1900

 

La rue des Poissonniers est une voie ancienne qui passe par le col situé entre la Butte Montmartre à l’Ouest et la Butte des Couronnes (ou Butte des Cinq Moulins, la colline où s’est développé le quartier de la Goutte d’Or) à l’Est ; certains y voient un ancien chemin gaulois mais rien ne permet de l’attester avant le 12ème siècle. Son nom à conservé la mémoire de son usage premier, celui de route du poisson arrivant du Nord, de Dieppe en particulier, jusqu’aux halles de Paris. Ce dernier tronçon commençait à l’ancien port de Saint-Denis et poursuivait sur un axe passant par les actuelles rue du Faubourg Poissonnière, rue Poissonnière, rue des Petits Carreaux et rue Montorgueil. Cette activité va cesser complètement à l'arrivée du chemin de fer vers les années 1840. 

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Le Chemin des Poissonniers sur le plan Roussel de 1730 (le carré rouge figure la position actuelle du carrefour Barbès)

 

Cette rue a connu de nombreux changements de noms par le passé. Sa plus ancienne dénomination connue est chemin de la Marée et date de 1307, puis le toponyme évolue en chemin de la Marre (1514) et dérive en chemin Puquetière (1661). Sur certains plans, on la retrouve aussi sous le nom de chemin d’Epinay, Chemin des PoissonnièresChemin de Saint-Denis ou encore chemin vers la Franciade (La Franciade était le nom de Saint-Denis pendant la Révolution, La Chapelle Saint-Denis s'appelait Chapelle Franciade). Ensuite, la voie prend le nom de "chemin des Poissonniers". Elle est nommée rue de la Barrière Poissonnière sur un plan de 1837, pour finir par être baptisée par son nom actuel de rue des Poissonniers durant la première moitié du 19e siècle, mais seulement pour la partie comprise entre le boulevard de la Chapelle et la rue Marcadet, le surplus gardant le nom de chemin des Poissonniers. La voie est classée dans les voies parisiennes en 1863 et prend le nom de rue des Poissonniers dans sa totalité.

 

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La barrière Poissonnière en 1819 (peinture de Palaiseau)

 

Jusqu’à l’annexion des communes suburbaines à Paris en 1860, la rue des Poissonniers marquait la frontière entre les paroisses, puis les communes, de Montmartre et la Chapelle Saint-Denis. La rue des Poissonniers était une voie d’entrée du Nord de Paris et qui s’arrêtait donc à l’entrée de la ville, à la barrière Poissonnière.

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Médaille commémorative de la pose de la première pierre du bâtiment de l'octroi de la barrière Poissonnière, le 25 août 1824

 

La Barrière Poissonnière était une porte secondaire du Nord de la capitale, ouverte sur le Mur des Fermiers généraux entre la barrière Saint-Denis et la barrière de Rochechouart. D’abord nommée barrière Sainte-Anne à sa construction en 1645, la rue du faubourg Poissonnière s’appelant auparavant "rue Sainte-Anne", cette barrière pris également le nom de barrière du Télégraphe, en référence au télégraphe des frères Chappe qui marquait alors le sommet de la Butte Montmartre, avant de prendre le nom de barrière Poissonnière jusqu’à sa destruction en 1860 lors de la suppression du mur des Fermiers généraux et la création des boulevards sur son tracé. La villa Poissonnière, petite voie privée du quartier, ouverte en 1841, tient son nom de sa proximité avec cette barrière. 

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"Prise de la Barrière Poissonnière par la Garde nationale en 1848", tableau d'Eugène Bazin

 

Après l'annexion de Montmartre et de La Chapelle en 1860, la rue des Poissonniers a gardé son caractère frontalier, partageant depuis les quartiers administratifs de Clignancourt et de la Goutte d'Or. Frontière dont la rue des Poissonniers a cédé un peu de terrain au boulevard Barbès (première partie du boulevard Ornano à sa création) créé pour prolonger le boulevard Magenta et qui l'a amputé d'un petit tronçon à son percement en 1863.  

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La barrière Poissonnière avant sa destruction en 1860

 

En jouxtant une barrière de Paris, la rue des Poissonniers bénéficie d’une position favorable au développement d’auberges et de cabarets, car situés « hors les murs » ces établissements échappaient aux taxes parisiennes et la surveillance policière y était beaucoup plus relâchée. Cet environnement favorise aussi le développement d’une prostitution beaucoup moins contrôlée que dans les murs de la ville. Bon nombre de livreurs et de mareyeurs s’arrêtaient dans ces cabarets avant d’entrer à Paris pour y boire et manger à un coût moindre, on y croisait également des malfrats trouvant là un refuge discret ainsi que des bourgeois sortis de la ville pour s’encanailler à bons frais. L'activité, prostitutionnelle notamment, va perdurer longtemps après la destruction du mur.

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La rue des Poissonniers au croisement avec la rue Myrha, vers 1900

 

Mais si la rue des Poissonniers a abrité une activité de cabaretiers, elle a vu également se développer une activité industrielle dès le 18e siècle avec l’installation d’une importante nitrière artificielle à l’angle de la rue de la Goutte d’Or. Une nitrière, ou salpêtrière, était destinée à la fabrication du salpêtre, en l'occurrence pour fabriquer de la poudre à canon. Pour se faire, il fallait laisser décanter dans de grands bassins du plâtre avec de l'urine et des excréments d'humains et d'animaux dans de grand bassins durant de longs mois, la réaction chimique provoquant la formation de salpêtre. Les moulins de la Butte des Couronnes voisins alimentaient la nitrière en plâtre qui était extrait dans les carrières environnantes.

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La Nitrière artificielle des Cinq Moulins sur la plan Verniquet (1795)

 

Parmi les différentes industries présentes, signalons les plus remarquables, comme les forges des établissements Pauwel, qui seront remplacés par les ateliers de la Compagnie générale des omnibus, qui s’étendaient sur un terrain sur lequel on percera plus tard les rues de Suez et de Panama en 1884, ou encore les ateliers et les entrepôts ferroviaires au-delà de la rue Marcadet.

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Sur le chemin de l'usine, vue sur la rue des Poissonniers depuis la rue Marcadet, vers 1910

 

Durant la seconde moitié du 19e siècle, une industrie s’est particulièrement développée le long de la rue des Poissonniers : la manufacture de pianos. Le facteur Pleyel a débuté sont activité de fabrication avec une usine à Montmartre, rue des Portes Blanches (qui débouche sur la rue des Poissonniers), et à sa suite, plusieurs facteurs de pianos s’installèrent rue des Poissonniers, comme le facteur A. Bord qui fut un des plus gros fabricants de pianos au monde en son temps. Mais dans ce quartier, la facture de pianos se limitait à la fabrication, la commercialisation se concentrant dans l'actuel 9ème arrondissement.

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Au cours du 20e siècle, l'activité industrielle de la rue des Poissonniers s'est peu à peu éteinte pour laisser place à une vocation d'habitation et commerciale que nous lui connaissons aujourd'hui.

 

à suivre : la rue de la Goutte d'Or

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