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Le tour de Lariboisière

Comme souvent nous avons été contactés ces jours-ci par un journaliste désireux de collecter des avis d'habitants du quartier face à l'implantation d'une salle de consommation à moindre risque. Le projet est toujours d'actualité même si sa concrétisation tarde. Vous trouverez toutes les informations souhaitées dans notre blog sur plus de deux ans (cliquer ici) et notamment les causes du délai de la mise en place de ce dispositif que nous réclamons. Après notre association, il a l'intention de rencontrer les opposants au projet.

Au terme d'une bonne demi-heure d'échanges avec ce jeune journaliste indépendant qui prépare un reportage de 10 minutes qu'il espère « placer » auprès de la rédaction de France Culture ou France Bleue, après une présentation succincte de la position de l'association, après l'affirmation que la salle peut améliorer les conditions de vie dans le quartier, tant des usagers de drogues eux-mêmes que des habitants, nous proposons un tour de l'hôpital.

 

Rue Ambroise Paré : il est 17h30. La nuit est tombée mais le ciel est encore clair, les nuages sont éclairés par les rayons de soleil en altitude. Il n'y a pas foule dans la rue. Des employés de l'hôpital se hâtent vers l'entrée arrière de la gare du nord. Pas de file de taxis débordant sur la rue de Maubeuge. Aucune présence de toxicomanes autour de la sanisette. Quelques mots pour expliquer l'utilisation qui en est faite et le mécontentement des plus proches riverains (ceux de la résidence La Sablière); pour évoquer l'expérience de sa fermeture pendant une période, comme s'y était engagé le maire du 10e. Situation pire, des intrusions dans les halls d'immeubles, une augmentation des consommations de drogue en scènes ouvertes. Résultat : la sanisette fut ré-ouverte.

 

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Rue de Maubeuge : nous montrons la fresque qui décore la sortie du parking Vinci Gare du Nord. Jolie. Cette déco a caché un temps la misère des toxicomanes qui procédaient à leur injection le plus vite possible, entre deux passages d'utilisateurs du parking. Puis, sans doute, les protestations trop nombreuses ont poussé la SNCF à faire poser de hautes grilles (voir photo ci-dessus). Nous les avons découvertes vendredi. De même nous avons découvert la dépose de la boite à seringues usagées fixée initialement au muret peint. (voir photo). Le recoin qui servait de parking privé et que les électriciens de la gare fréquentaient régulièrement — avec moult plaintes vis-à-vis des toxicomanes et des précaires regroupés là — a changé d'allure. La place est nette, limitée par de hautes grilles, elle aussi. (voir photo).

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Nous quittons le côté gare pour le côté hôpital. La rue est encore en sens unique. Certaines sources nous disent qu'elle repasserait en double sens. Une fois de plus. Dans quel but ? Nous y reviendrons.

Le jeune journaliste connaît l'association SAFE, qui gère les distributeurs de seringues, les entretient, les réapprovisionne. Chaque jour. Nous découvrons qu'un nouvel appareil a été récemment implanté un peu plus loin en remontant la rue (voir photo). L'emprise sur le trottoir n'a pas encore reçu sa couche de bitume. Il est rutilant, pas de graffiti, pas de marques. Nous insistons sur la nécessaire présence de ces automates qui délivrent gratuitement quelque 250 kits de deux seringues stériles chacun, chaque jour. Ils sont désormais trois dans le quartier, ces deux-ci et un troisième accoté au mur de l'hôpital qui donne sur le boulevard de La Chapelle.

 

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Nous expliquons la demande de l'association pour que des récupérateurs de seringues côtoient les distributeurs. Demande jamais exhaussée parce que les agents de la Direction de la propreté et de l'eau (DPE- Propreté de Paris) ne doivent pas être soumis aux risques de contamination des virus HIV et hépatites. Seul le Smash ramasse les seringues souillées parce que son personnel est équipé de façon adéquate. Malgré cela, nous soulignons que les seringues ne sont pas si nombreuses à joncher le sol, soit les usagers ne les laissent pas toujours sur place, soit le ramassage est efficace. Nous en croiserons une plus loin au cours de notre promenade.

 

Boulevard de La Chapelle : Sur le terre-plein central se trouve une sanisette, que nous « visitons » aussi ! Difficile d'ouvrir la porte. Le nettoyage est en cours.... C'est propre, en effet, mais des emballages de médicaments, des produits de substitution à l'héroïne, sont tassés au pied des parois. Ils ne passent pas les filtres dont est équipée la sanisette. Nous expliquons que les agents de JCDecaux vident quotidiennement le récupérateur d'eau usée qui se trouve dans la partie arrière de la sanisette et que celui-ci recueille des dizaines de seringues.

Le troisième distributeur, celui du boulevard, est dans un triste état mais remplit correctement sa fonction (voir photo ci-dessous). Ce soir-là, les trottoirs sont plutôt propres, même les pieds d'arbres ne concentrent que quelques papiers mouillés. Il est encore tôt (17h50), la placette Caplat-Charbonnière ne fait pas le plein. Les événements violents qui ont occupé les esprits toute la journée ont un peu vidé les rues, peut-être. Difficile d'émettre un avis rationnel sur la question.

 

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Quoi qu'il en soit, les vendeurs à la sauvette regroupés là, laisseront une quantité de mégots, de papiers et de cartons, ou encore de cellophanes et de blisters, emballages divers des « objets tombés du camion » qu'ils revendent. C'est le lieu de tous les deals, le bien nommé « marché aux voleurs », entre troc et convivialité...

 

Enfin la rue Guy Patin : nous revenons à notre point de départ, en arpentant le dernier côté de notre quadrilatère. Au nord de la rue, une station Autolib'. Les voitures sont en charge. Pas trace d'une seringue égarée. Pas de présence non plus de toxicomanes. C'est pourtant dans les halls de ces immeubles, notamment, que parfois des intrusions ont été dénoncées. Pas ce soir. Tout un côté de la rue est bordé d'immeubles typiquement haussmanniens, cinq étages et des chambres de bonne tout en haut. Sur le modèle de ceux du boulevard de Magenta. Dans l'un deux, l'association Coordination toxicomanies est venue à l'automne faire une séance d'information à destination des habitants. Une façon de leur donner les bons réflexes s'ils croisent un usager de drogue, entre le portail et l'escalier, en train de s'injecter. Le moment de l'injection est très stressant pour l'homme qui a passé une partie de sa journée à collecter la somme qui va lui permettre d'acheter sa dose. Il faut rappeler ici que les usagers de drogue du quartier ne sont pas des consommateurs de coke qui en général se font livrer à domicile... Non, ici, on est chez les précaires, les très précaires, parfois sans domicile, et souvent étrangers. Il faut faire vite, ne pas être interrompu de préférence, ne pas rater la veine, ne pas l'endommager, ne pas perdre le produit... le stress total. Si quelqu'un entre et vient casser ce rite délicat, il dérange, il risque au mieux la mauvaise humeur du toxicomane, au pire une certaine violence. Il faut le savoir et agir en conséquence.

L'hôpital occupe l'autre côté de la rue, et au 2 il héberge le centre du don du sang.

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Derrière les grilles, tout est propre ou presque, juste quelques canettes font des tâches de couleur. Ce n'est pas toujours le cas. Au bout de la rue, arrivés près de la placette, nous découvrons une seringue usagée, ce sera la seule rencontrée malgré notre attention et nos regards scrutant les caniveaux. Le micro du journaliste pique la curiosité d'un homme sans âge qui nous adresse la parole : « Vous faites quoi ? » « — On parle dans le micro... Un reportage sur l'évolution du quartier », répondons-nous évasivement. L'homme est un usager de drogue, cela ne fait aucun doute. Il l'a d'ailleurs annoncé lui même à regret. Nous l'interrogeons sur la salle de conso. Ira-t-il quand elle sera en service ? Certainement pas. Il aime sa tranquillité. Il craint la promiscuité de ces endroits, l'agressivité des autres usagers à l'occasion. Pourtant il est familier des médiateurs de Gaïa qu'il connait, qu'il rencontre au camion, ou qu'il croise dans la rue. Il leur fait confiance. Nous lui expliquons qu'ils seront à la salle, qu'il pourra leur parler et que les conditions d'injection seront plus sereines. Rien n'y fait. Souhaitons qu'après l'ouverture, la salle fasse ses preuves, et que les avis changent.

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Rien à voir avec notre marche exploratoire, mais nous constatons que le carrefour Chapelle-Tombouctou-Maubeuge n'a pas bénéficié de l'aménagement de voirie promis, qui aurait dû permettre aux automobilistes de revenir vers Barbès et son parking en sous-sol. Des adhérents nous demandent régulièrement pourquoi rien en bouge de ce point de vue et se lassent de devoir tourner à la place de La Chapelle... 

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