Nous avions déjà évoqué le sujet des auvents, ces avancées, le plus souvent en béton, parfois avec un habillage métallique, qui ont été arrimées aux façades de certains immeubles anciens ou haussmanniens, généralement au cours du 20e siècle. Le béton prenait alors son essor en architecture, grâce à des architectes renommés qui ont su l'utiliser pour jouer avec les lignes des bâtiments et les effets d'ombres et de lumières.
Dans notre précédent article sur ce sujet, nous avions utilisé un titre provocateur: "La guerre aux auvents est-elle déclarée?". Nous avions en effet montré à quel point ce sujet n'est pas anodin, mais était au contraire devenu un sujet de crispation pour certains riverains et certains services municipaux.
Loin désormais de servir à leur fonction initiale, celle de protéger des éléments climatiques (pluie, ensoleillement, température) les badauds ou les clients des vitrines au dessus desquelles ils étaient accrochés, les auvents sont de plus en plus fréquemment décriés.
Des auvents triplement décriés...
1ère raison: ces éléments ne sont pas d'origine mais ont été couramment ajoutés bien postérieurement à l'édification de l'immeuble.
2ème raison: ces auvents récents n'apportent pas de valeur ajoutée aux immeubles sur le plan architectural; ils sont habituellement très communs et manquent d'élégance (à la différence de certaines marquises de style, au-dessus des portes d'entrée et en harmonie avec leurs bâtiments classiques); ils n'ajoutent généralement rien à la valeur patrimoniale de l'immeuble et peuvent, au contraire, la desservir.
Et 3ème raison, qui est l'argument le plus souvent invoqué actuellement: ces auvents attirent une population sans-abri, parfois en errance, voire marginalisée qui y trouve un espace abrité ou un semblant de refuge. On a même assisté à certains phénomènes de sédentarisation sous ces auvents, somme toute ponctuelle, de personnes défavorisées, préférant parfois y demeurer et sortant alors du champ assistanciel. Dans ces cas, la cohabitation entre ces personnes sans domicile et les habitants se révèle habituellement difficile, ce qui conduit à des plaintes répétées des riverains auprès des élus et des pouvoirs publics.
Pour illustrer ces tensions, nous avons déjà cité l'exemple quelque peu emblématique de la Gare du Nord, dont la facade a été récemment restaurée. Au cours des travaux de ravalement en 2009 et 2010, la Ville de Paris et le Maire du 10e, Rémi Féraud, ont ainsi fait pression sur la SNCF afin qu'elle supprime l'auvent existant, sous lequel se réfugiait une population de personnes sans-abri et marginalisées. C'est donc en réponse à certaines nuisances, vécues comme telles par les riverains, que l'auvent fut déposé, permettant par ailleurs à la façade monumentale de la gare, d'inspiration romaine, de retrouver son aspect d'origine, sans cet auvent ajouté postérieurement à sa construction par Jacques Hittorff. On peut voir le changement sur cet assemblage de photos prise avant/après la dépose de l'auvent:
Outre cet exemple, nous avons depuis peu un nouvel exemple dans nos quartiers, avec la dépose très récente de l'auvent qui entourait l'immeuble du 99 boulevard de Magenta (formant l'angle avec la rue Lafayette) au dessus du magasin Leader Price. Pour les habitués des séances plénières du Conseil de Quartier Lariboisière Saint-Vincent-de-Paul, l'évocation de cet auvent rappellera des souvenirs de débats animés, tant les nuisances relatives à la présence de cet auvent avaient été maintes fois et vivement discutées.
En décembre 2011, lors d'une rencontre avec le cabinet du Maire du 10e, nous avions appris que le Maire cherchait à convaincre l'OPAC, propriétaire et bailleur de cet immeuble, de déposer son auvent imposant, sous lequel des jeunes gens marginalisés et très souvent en état d'ébriété avaient pris l'habitude de se retrouver, avec les nuisances propres à ces comportements (trottoirs transformés en urinoir, bouteilles cassées, canettes à l'abandon etc.).
C'est donc désormais chose faite: l'auvent a été déposé au cours des mois d'octobre et novembre 2013, comme en témoignent ces deux photos prises respectivement avant et après l'enlèvement:
La dépose de l'auvent incriminé ravit certainement les habitants de ce quartier aux abords de la Gare du Nord. C'est plutôt également bienvenu à quelques mois du premier tour des élections municipales, même si la fixation du calendrier de dépose n'a certainement pas été maîtrisée et calculée à des fins électoralistes par le Maire du 10e, candidat à sa réélection...
Nous manquons évidemment de recul pour dire si la suppression de l'auvent contribuera à terme à l'amélioration du cadre de vie pour les riverains.
Toujours est-il que, dorénavant, cette placette, avec les 3 grandes jardinières en forme de pots de fleurs (comme celles installées place du 8 novembre 1942 et sur la placette paré-patin) fait bonne figure, au pied d'une façade haussmannienne débarassée de cet élément architectural peu esthétique.
Dans le 1er arrondissement, en plein coeur de Paris, nous avons également découvert un autre exemple confirmant l'accélération de la tendance visant à supprimer les auvents modernes accrochés aux immeubles anciens. Il s'agit de l'auvent situé au dessus du magasin Minelli à l'angle du 132 rue de Rivoli et 17 rue du Pont Neuf, face à La Samaritaine, supprimé à la fin de l'été 2013:
Malgré les suppressions de plus en plus souvent observées, tous les auvents, ajoutés aux immeubles anciens, ne connaissent pas cette fin accélérée, notamment du fait des contraintes financières résultant du coût pour entreprendre une telle dépose ou liées aux divers accords et autorisations nécessaires (AG copropriété, urbanisme etc.).
Et certains de ces auvents qui demeurent, vieillissent mal faute d'entretien... Comme celui situé au 151 boulevard Magenta.
Cet auvent identifié a la particularité de ne pas être en béton mais constitué de panneaux de verres sur une armature métallique. C'est peut-être la raison pour laquelle il montre des signes accentués de fatigue.
Les photos que nous avons prises (cf. ci-dessous) témoignent d'un état qui nous laisse plus que dubitatifs: carreaux de verre brisés et fissurés, armature métallique rouillée et se rompant à quelques endroits, risquant de se décrocher.
Bien évidemment, cet état problématique nous semble présenter des risques pour les passants du boulevard Magenta.
En conséquence, nous avions déjà alerté en novembre 2012 le cabinet du Maire du 10e et son adjointe en charge de l'aménagement de l'Espace Public, Elise Fajgeles. Un architecte de sécurité de la Préfecture de Police de Paris (via son Bureau de la Sécurité de l'Habitat) devait donc se rendre sur le site pour étudier la situation.
Mais plus d'un an après, nous n'avons pas de nouvelle et avons donc relancé les services concernés à la mairie du 10e et à la Préfecture de Police. A suivre...
Commentaires
Article intéressant, merci !