Il est évident que la restructuration de l'hôpital Lariboisière dans le cadre du projet Paris Nord Est de l'AP-HP aura un impact important sur le quartier autour du carrefour Barbès et bien au-delà. C'est pour cela que nous nous y intéressons de près. Après avoir rencontré la direction de l'hôpital en décembre 2014 (voir notre article) qui nous a présenté les modifications au projet initialement prévu, des voix se sont élevées contre celui-ci, notamment du côté des élus communistes du 10e arrondissement mais aussi du syndicat CGT. Soucieux de vous fournir une information aussi complète que possible, nous avons donc rencontré les trois élus communistes du 10e, à savoir Didier Le Reste, Dante Bassino et Dominique Tourte. Voici leurs réponses à nos interrogations.
Comment regardez-vous le projet « hôpital Paris Nord » de l'APHP dans son ensemble ?
Didier Le Reste (DLR) - Avec les élus communistes du 10earrondissement, nous ne sommes pas hostiles par principe au projet d’hôpital Nord, si celui-ci était créé pour répondre aux besoins de santé des populations de Seine-Saint-Denis sans vider les hôpitaux du Nord parisien. Il ne s’agit pas de déshabiller Paul pour habiller Jacques ! Par ailleurs, il faut faire attention au gigantisme. De nombreux services qui sont des services de proximité n’ont aucun intérêt, autre que financier, à être regroupés dans des grands pôles.
N'est ce pas à l'échelle de la métropole du Grand Paris que ce projet devrait être envisagé ?
DLR - Les besoins de santé peuvent et doivent effectivement être envisagés à grande échelle, celle du grand Paris, .....
... mais également à l’échelle régionale et nationale. N’oublions pas que certains hôpitaux parisiens, le Val de Grâce notamment qui est sur la sellette, sont des centres d’excellence reconnus nationalement et même internationalement.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (PLFSS), a été marquée par une volonté de réaliser un certain nombre d’économies, d’où cette volonté de vendre les terrains les plus attractifs et les plus rentables de l’AP-HP, et donc les sites parisiens. Aujourd’hui au lieu de réfléchir à un projet francilien de santé, on oppose les sites hospitaliers entre eux sur la base des coûts estimés de leur rénovation et de la valeur potentielle de la vente de leur patrimoine immobilier au plus offrant.
Tel que présenté par l'AP-HP, le projet prévoit une profonde mais nécessaire restructuration de l'hôpital Lariboisière. Cette restructuration est aussi une modernisation pour un meilleur traitement des patients. Etes-vous d'accord avec cette affirmation ou y a t-il quelque chose qui ne vous convient pas dans ce projet ?
DLR - Nous sommes pleinement engagés dans le projet du nouvel hôpital Lariboisière-Fernand-Widal et n’acceptons pas les remises en cause de ce projet.
Pour mémoire, la fermeture du site de l’hôpital Fernand Widal est prévue depuis plusieurs années par l’AP-HP. Cet hôpital accueille aujourd’hui encore des services de gériatrie et de soins de suite et de réadaptation de longue durée (environ 140 lits), d’addictologie et de psychiatrie. Après de longues négociations et échanges, un consensus avait été trouvé entre les habitants du 10e, la communauté hospitalière, les syndicats et les élus de gauche de l’arrondissement. Ce consensus était fondé autour de la reconstruction de l’hôpital Lariboisière sur lui-même et l’accueil sur ce site rénové de tous les services et tous les personnels de l’hôpital Fernand Widal.
C’est ce projet, engagement de l’AP-HP et engagement de la liste conduite par Rémi Féraud, sur lequel la maire de Paris Anne Hidalgo s’était personnellement prononcée, que nous continuons de défendre.
Le projet prévoit déjà la vente de l’hôpital Fernand-Widal, dont le site doit être utilisé pour accueillir des logements, dont une part de logement social, des équipements publics, comme une crèche, un espace vert...
Sur cette base le Conseil de Paris avait voté la modification du plan local d’urbanisme pour permettre l’utilisation du site de Fernand-Widal à des fins autres qu’hospitalières.
Et aujourd’hui, alors que ce consensus avait été difficile à trouver, on nous dit qu’il faudrait en plus vendre jusqu’à un tiers de l’hôpital Lariboisière et mettre ainsi en péril le transfert des services de Fernand-Widal.
Les services de gériatrie ne sont pas les seuls à être mis en danger par une vente aussi importante de l’hôpital Lariboisière, la capacité de la maternité à fonctionner est aussi en question, tout comme les deux crèches des personnels qui risquent purement et simplement d’être supprimées.
Dante Bassino (DB) - On a toujours voulu partir d'un projet de soins. Les lits de gériatrie à Fernand Widal sont des lits, soit de longue durée, soit de réadaptation. Il est nécessaire d'avoir ces lits au sein d'un hôpital de manière à ce que les personnes qui sont hospitalisées en gériatrie bénéficient des services d'un hôpital. Ces personnes ne sont pas seulement âgées, elles peuvent avoir un cancer et donc aussi des problèmes d'hématologie, des problèmes de gastro-entérite, etc. ... Le fait de les mettre à Lariboisière permet l'accès à ces soins sans avoir besoin de transport tout en gardant de la proximité puisque les patients aujourd'hui à Fernand Widal sont essentiellement des patients qui viennent des quartiers voisins.
Notre projet ne considère pas uniquement les habitants du 10e, les 18e et 19e arrondissements sont aussi concernés. 75% des patients de Fernand Widal viennent de ces trois arrondissements. Le meilleur endroit pour les accueillir est Lariboisière.
Enfin, ce qu'il est important de dire sur les hôpitaux c'est que s'ils sont en mauvais état, c'est qu'il y a eu sous investissement de l'AP-HP depuis des années.
Des voix parmi vos amis politiques se sont élevées contre ce projet parce qu'un service de gériatrie de Fernand Widal serait transféré à Bichat et pas à Lariboisière. Qu'en dites-vous ? Est-ce là la raison principale de votre désaccord sur le projet ?
DLR - Comme indiqué précédemment, ce n’est pas le seul élément qui pose problème. Ceci étant dit, la possibilité de garder dans le dixième arrondissement les services de soins de suites et de réadaptation et les services de long séjour est cruciale. Il ne s’agit pas ici d’opposer les arrondissements les uns aux autres pour garder un service de santé au sein de notre arrondissement, mais de travailler à un maillage du territoire parisien. Les services de gériatrie sont des services de proximité qui gagnent à être au plus près possible du domicile des patients. C’est déterminant pour lutter contre l’isolement, trop important, des personnes âgées. Pour une personne âgée, un déplacement jusqu’à l’hôpital Bichat en transport public implique soit de prendre la ligne 13, soit de prendre un bus, puis de marcher pendant 15 minutes. Cela peut être un vrai frein pour rendre visite à un conjoint ou un proche hospitalisé.
Par ailleurs, de nombreuses incertitudes existent sur l’avenir de Bichat, dont la ville de Paris et l’AP-HP partage le constat « d'inadaptation des structures actuelles des hôpitaux à une prise en charge efficace, garantissant pleinement et dans la durée qualité et sécurité des soins.»
Pire, Pascale Boistard, Secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, a affirmé au Sénat en réponse à Pierre Laurent, sénateur de Paris, que « la majeure partie des activités des hôpitaux Bichat et Beaujon seront [...] regroupées au sein d’un nouvel ensemble, l’Hôpital universitaire du Grand Paris Nord ». Le grand hôpital Nord a vocation à être situé à Saint-Ouen ou Clichy. Ces services de gériatrie seraient-ils donc transférés à Bichat pour ensuite être envoyés dans un deuxième temps hors de Paris ?
L'opération de rénovation de Lariboisière est aussi une importante opération immobilière avec la vente d'une part de l'emprise actuelle de l'hôpital afin de financer les travaux, dit l'AP-HP. Cette disposition a reçu l'accord de la mairie de Paris et celle du maire du 10e notamment. Y voyez-vous un risque et souhaitez-vous qu'un autre mode de financement du projet soit trouvé ?
DLR - Au jour d’aujourd’hui, la seule décision irréversible qui ait été prise par la mairie de Paris est celle d’autoriser le site de Fernand Widal à avoir un usage autre qu’hospitalier. Cela a été fait en 2012 sous réserve du transfert de tous les services vers le nouveau Lariboisière.
Concernant la vente possible d’une partie de l’hôpital Lariboisière, option mise sur la table par l’AP-HP, la Ville ne peut s’engager définitivement avant le vote du Plan local de l’urbanisme qui interviendra à la fin de l’année 2015.
La révision du plan local de l’urbanisme se fera par phases successives, avec une enquête publique organisée au printemps. Un cahier sera disponible en mairie du 10e où chacun pourra exprimer sa position.
Aujourd’hui nous ne voyons pas comment les différents services de Lariboisière pourraient avoir suffisamment de place pour fonctionner dans la partie restante du site.
Se pose en particulier la question de la maternité qui fait partie de l’aile ouest qui pourrait être vendue.
La maternité devrait donc être intégrée au chausse-pied dans le nouveau bâtiment de Lariboisière, alors que celui-ci est limité en hauteur et n’est pas extensible à loisir. Et ce, alors que dans le même temps l’AP-HP veut augmenter le nombre d’accouchements ! Comment est-ce possible à moins de pratiquer des accouchements à la chaine en multipliant les déclenchements et les césariennes et en réduisant le nombre de jours d’accueil des jeunes mamans à l’hôpital ?
Une vente aussi importante du patrimoine hospitalier à des fins purement spéculatives est un réel risque pour l’avenir. En particulier dans une dimension francilienne : pour nombre d’habitants de la Seine-Saint-Denis, l’hôpital Lariboisière via gare du Nord est accessible plus facilement que certains hôpitaux de leur département. Sans parler des patients qui sont obligés de venir se faire soigner à Paris du fait de la désertification médicale en province
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Pour compléter ce tableau des opinions à propos de la restructuration de Lariboisière, nous allons demander aux élus écologistes et aux élus socialistes leurs positions respectives. A suivre donc.
Commentaires
Agé de 23 ans et revenant d'un tour du monde, je ne me reconnais pas du tout dans cette interview conservatrice. A quand des aides pour les jeunes qui veulent aller de l'avant et créer des projets, des start-ups par exemple ? Il y a de l'espace qui se libère et cela permettrait à des personnes de se réaliser et de proposer des solutions de partage de connaissance adaptés à un monde qui change, comme on le voit dans le monde entier de Mumbai à Santiago en passant par Brazzaville et Oslo. Est ce possible également d'utiliser une partie de l'espace disponible sous le métro aérien pour créer un incubateur/ accélérateur de jeunes pousses innovantes ? On ne va pas moderniser Paris en regardant dans le rétroviseur. Merci beaucoup.