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Château-Rouge blues (2) : Une conversation aimable

Notre adhérente du 18e à la plume agile a décidé de décrire ses observations de terrain et de nous les offrir dans une série qu'elle a intitulée "Château-Rouge blues". Voici l'opus 2. Vous pouvez partager ou non son point de vue et engager le débat dans l'espace commentaire au bas de l'article. 

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Longtemps, je me suis interrogée, avant de m’indigner, sur la cohabitation pacifique et quasi indifférente entre les vendeurs à la sauvette et les forces de l’ordre postées aux stations Barbès-Rochechouart et Château-Rouge. Ma curiosité l’emportant sur ma patience, j'ai récemment eu une discussion dont je préfère m’amuser avec des CRS postés à Château-Rouge. Ayant réussi, avec peine, à me frayer un chemin hors du métro (côté escalator) entre les rabatteurs au service des coiffeurs de la rue Poulet, les marabouts, les vendeurs à la sauvette et autres fakirs, je les ai interrogés sur leur cohabitation si harmonieuse, et pacifique donc, avec la population interlope des stations Barbès et Château-Rouge, précisant, que cela se faisait au détriment de la tranquillité des riverains, bien qu’il fut superfétatoire de le préciser. On me répondit de manière fort affable et un brin taquine, que si si, bien sûr, ils étaient très actifs (aurais-je donc la berlue ?) et the proof being in the pudding*, ils désignèrent un petit homme originaire du sous-continent indien, hirsute, maigrelet et affolé comme un lapin pris dans les phares d'une voiture, à qui ils venaient de confisquer son chargement de Dieu-sait-quoi, planqué au fond de son caddie. Certes, pour un vendeur à la sauvette tourmenté (le pauvre homme aurait bien voulu récupérer sa précieuse marchandise), il y en avait cinq ou six qui faisaient obstruction devant les escalators. Mais visiblement, les gérer tous eut été mission impossible. Il aurait sans doute fallu plus de quatre CRS — nos officiers des Compagnies Républicaines de sécurité étaient au nombre de quatre ce jour-là, en tout cas, quatre étaient visibles au moment où je me trouvais devant la station — peut-être même aurait-il fallu doubler les effectifs. Quant à l'épineuse question des vendeurs de cigarettes contrefaites à Barbès, autrement plus problématique, ils m'ont assuré sans faillir qu'ils agissaient. Diantre ! Les CRS seraient-ils formés à la même école de la langue de bois que les politiciens ? Car il me semble bien que ceux qui sont postés à Barbès bronzent l'été dans leur camionnette, et s'y tiennent au chaud en hiver. Bientôt, ils feront des dessins sur les vitres embuées de leur véhicule pour se distraire. Si Marguerite Duras était encore de ce monde, elle en aurait fait un film, qu’elle aurait intitulé La camionnette, avec Gérard Depardieu, dans le rôle du chef d’escadron. Bref, cette conversation charmante, tout aussi instructive que stérile, a plongé la citoyenne naïve, et néanmoins exaspérée que je suis dans la confusion. Quelque chose m’échappe. Les agents postés en quasi-permanence aux dites stations disent agir même si tout porte à croire le contraire, car les vendeurs à la sauvette, notamment de cigarettes contrefaites, ne semblent pas inquiétés et mènent leur florissant business au nez et à la barbe des forces de l’ordre. La présence de ces derniers n’est donc pas dissuasive, pire encore, le signal envoyé aux fauteurs de trouble est clair : la voie est libre. La passivité — ou devrait-on dire l’impuissance ? l’inefficacité ? — des forces de l’ordre est-elle la conséquence de consignes dictées par leurs supérieurs ? Si c’est le cas, pourquoi ne leur donne-t-on les moyens d’agir, mais d’agir vraiment ? Parmi la panoplie d’actions possibles pour faire cesser ces trafics, pourquoi ne pas confisquer systématiquement les marchandises, notamment les cigarettes contrefaites, encore plus toxiques que les vraies ? Pourquoi mobiliser chaque jour un personnel aussi important, avec les coûts que cela induit, pour des résultats aussi contestables ? N’y a-t-il pas un problème de méthode ? Non, vraiment, quelque chose m’échappe. Je veux bien qu’on m’explique. 

 

* Non, ça ne veut pas dire La preuve est dans le pudding. 

Commentaires

  • Nous nous posons tous les mêmes questions...

    Ce n'est pas propre à Château-Rouge d'ailleurs : place de la Charbonnière des objets volés sont revendus en leur présence, et Porte de Clignancourt, cela fait 15 ans que cela dure. Les CRS contemplent paisiblement les trafiquants (certains "permanents" exercent en ce lieu depuis une dizaine d'années, à jours et horaires fixes...). Enfin, je devrais plutôt dire "contemplaient", puisque désormais ils sont plongés dans leurs smartphones à longueur de journée.

    Quand l'ennui devient trop grand ils fument une clope, vont se dégourdir les jambes, contrôlent avec autorité une ou deux voitures, ou interpellent un "paki"...

    Ces interpellations se font "au faciès", voire sur une base raciale. Tout simplement parce qu'il est très facile et sans risque d'harceler un pauvre gars qui vend du maïs grillé, tandis qu'il est délicat voire dangereux de s'en prendre aux voyous qui contrôlent ces bouts de "territoire".

    Questions, pour compléter les vôtres : combien coûte à la collectivité une journée de CRS ? A quoi servent-ils, ici, sinon à montrer que l'on peut s'adonner à des activités illégales en toute impunité ? Est-il légal que des agents de la force publique n'interviennent pas alors que des délits sont commis sous leurs yeux ? Il semble que non.

    PS : des saisies de marchandises il y en a tout le temps, quand interviennent des policiers "classiques" ou en civil. Elles ne servent strictement à rien, d'autant que les forces de l'ordre semblent ignorer où sont les cachettes (!). Elles semblent ignorer aussi où se fournissent les vendeurs de contrefaçons et cigarettes, et cela c'est carrément inquiétant, voire bizarre.

  • Autour du métro Barbès, les arrestations, saisies de produit, surveillance par la police sont incessantes. Il y a un véritable travail et effort devant des trafics nombreux et très organisés. Les CRS semblent être en renfort en cas de problème. Le travail est difficile et sûrement décourageant, car les trafics sont incessants, se réorganisent constamment...

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