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Billet d'humeur ! Château rouge blues

Depuis l'an dernier, le blog d’Action Barbès ouvre ses colonnes aux adhérents de l'association qui souhaitent informer d'une manifestation, relater un évènement de leur quartier  …. ou encore écrire un billet d'humeur. C'est le cas pour l'article du jour envoyé par une adhérente de la rue du Chevalier de la Barre. Publier ce billet d’humeur ne signifie pas qu’Action Barbès partage entièrement l’avis de son auteure. Il est un témoignage.

Château rouge blues

On ne se lasse pas d’avoir la chance de vivre à deux pas du Sacré-Cœur. La nuit, il suffit de se pencher à la fenêtre pour apercevoir sa silhouette blanche et ronde se détacher en haut de la colline. Quand la nuit est claire, c’est plus beau encore. On ne s’en lasse pas.

On ne s’en lasse pas ?

Vendredi soir — 21h40. Je me rends chez des amis, je suis seule. Je descends la rue du chevalier de la Barre, autant admirée — la rue — par les riverains que par les nombreux visiteurs étrangers qui continuent à nous faire la grâce de gravir chaque jour la pente abrupte qui mène au Sacré-Cœur. C’est le printemps, les arbres ont retrouvé leurs feuilles, et la jolie rue pavée, si faiblement éclairée, si typiquement Montmartroise, ondule gentiment jusqu’à la rue Ramey.

paris,dealers,propreté,sécuritéEn bas de la rue, je contourne les poubelles qu’on a laissées sur le trottoir, évite les détritus que les équipes de nettoyage n’ont pas ramassés. Je bifurque à droite, rue Ramey. L’odeur fraîche du printemps laisse place à celle de l’urine. Je me fraie un chemin entre les dealers qui sont postés là, depuis plus de deux ans. Les affaires semblent aller bon train, à en juger par le ballet incessant des scooters sur le trottoir. Ce soir, ils ne sont que six ou sept, ce n’est pas si mal.

Comme chaque jour, vers 18h, ...

... ils se sont postés à l’angle de la rue du chevalier de la Barre et de la rue Ramey. Ils sont cinq, dix, parfois plus, en été, quand il fait beau. Quand il pleut, ou qu’il fait trop froid, ils s’installent dans le hall d’un immeuble dont ils se sont procuré le code. Quand la température leur sied, ils s’assoient sur le rebord d’une fenêtre du même immeuble. L’occupant de l’appartement concerné garde ses volets fermés en permanence, ou invente des stratagèmes floraux, voire cactaceaen, pour les tenir éloignés du rebord de sa fenêtre, comme on tenterait de tenir des moustiques à distance, mais ils reviennent toujours, comme les moustiques, ils reviennent chaque jour. Leur présence, parfois jusque tard dans la nuit, est rythmée par une musique tonitruante dès leur arrivée. Parfois, à bout, on s’approche, on leur demande de ne pas mettre la musique si fort, on prend des gants, on ne veut pas les froisser, risquer une insulte ou autre comportement peu civil — S’il vous plaît, La musique … Quoi ? elle te plaît pas la musique ? Tu veux quoi ? Du Charles Aznavour ? Si, au contraire, j’adore le rap hargneux et vindicatif, surtout quand les basses sont à fond. Le problème, c’est le volume, on vous entend à dix lieues, même quand les fenêtres sont fermées — Ta mère la p*** qu’on fait ce qu’on veut, c’est chez nous ici ! Va te faire enc**** connasse ! On appelle la police, qui ne vient pas. De guerre lasse, on consulte le site de la mairie du 18e. On clique : Prévention tranquillité publique. Plusieurs choix s’offrent à nous : Direction prévention protection, Prévention et médiation, Contrat de sécurité d’arrondissement, zone de sécurité prioritaire. Le millefeuille, une pâtisserie bien française. On cherche un contact. On n’en trouve aucun. On opte pour : Direction prévention protection. Voici ce qu’on lit :

      Coproduction de la politique de sécurité, de tranquillité publique à Paris et de lutte contre les incivilités (Contrat Parisien de Sécurité, Contrats de Sécurité d'Arrondissement, ingénierie sécuritaire, gestion de crise).

Son organisation opérationnelle :

732 inspecteurs de sécurité (ISVP) et 220 agents de la surveillance spécialisée (ASS) de la DPP interviennent, 7j/7, 24h/24, sur le domaine public de la Ville de Paris pour assurer la protection de plus de 3000 bâtiments, équipements et espaces verts.

Ils assurent la sécurité et la tranquillité des usagers (…)

Les inspecteurs de sécurité mènent des opérations de lutte contre les incivilités liées à la propreté dans l'ensemble des arrondissements de la Capitale. Ils sont amenés à effectuer des mises en garde mais également à verbaliser certaines infractions.

Ils ont donc un rôle de prévention, de dissuasion et de répression.

(…)

Parmi les 635 ISVP qui opèrent sur le terrain 24h/24, il y a 8 unités territoriales de jour (patrouilles motorisées), 2 unités de nuit (nord et sud), 3 unités spécialisées (cynophiles, motocyclistes, VTT).

On clique ensuite sur l’onglet : Prévention et médiation. On y trouve les informations suivantes :

Les correspondants de nuit (Correspondants de nuit ? Pas vu un seul depuis que j’habite le quartier — NDLR) sont des médiateurs dont la mission est de faire en sorte que la rue devienne un lieu d'échange et de tranquillité. Par leur présence quotidienne sur le terrain, ils sont à même de répondre aux besoins concrets des habitants, parfois aux prises avec un environnement difficile ou des troubles nuisant à la vie collective.

La gestion directe par la mairie de Paris donne aux correspondants de nuit l'appui de toute l'administration parisienne : ils assurent ainsi un contact permanent entre la municipalité et les Parisiens et, pour contribuer mieux encore à l'amélioration de la qualité de vie dans les quartiers, joignent également leurs efforts à ceux des autres services publics, des bailleurs sociaux et des associations locales.

Dans quels cas interviennent-ils ?

La résolution des petits conflits par la médiation :

Conflits de voisinage (tapage, occupation de parties communes...)

Conflits sur la voie publique

Prévention des nuisances et des incivilités

La présence rassurante et le lien avec les services publics :

Présence physique rassurante la nuit

Accompagnement des personnes les plus fragiles (…)

La veille technique :

Etat quotidien du quartier (propreté, salubrité, éclairage, épages...). (…)

Quelles sont leurs missions?

La médiation sociale :

Elle tend à résoudre les petits conflits qui perturbent la vie d'un quartier, d'une rue ou d'un immeuble. Les correspondants de nuit interviennent et tentent, par le dialogue, de faire cesser les troubles s'ils existent réellement, ou de calmer les esprits en trouvant un terrain d'entente susceptible de rendre la tranquillité aux habitants.

Une veille technique et sociale :

Elle permet à la mairie de Paris et à ses partenaires de rester en permanence au contact du quartier. (…)

 

paris,dealers,propreté,sécurité
Rue du Chevalier de la Barre, de jour...

 

 

Le cadre est posé. Les problèmes sont connus, des actions prévues. Le système est indéniablement bien pensé, étudié. Il semble répondre à tous les cas de figure, les moyens semblent être là, les UteQ, les BST, les ISVP, les ASS , les ZSP et autre sigles pourraient nous donner un sentiment de sécurité, MAIS … Où sont les résultats ? Pourquoi les problèmes évoqués, et communiqués aux élus, à la police et aux différents services municipaux depuis des années restent-ils en l’état ? Pourquoi la police ne fait-elle rien ? Des bruits courent — Les indics … Ils attendent, remonter les filières … En juillet 2013, nous avons adressé un courrier à madame El Khomri, adjointe chargée de la prévention et de la tranquillité publique, à propos de la saleté du quartier et des nuisances engendrées par la présence des dealers, entre autre. Sept mois plus tard, voici la réponse qui nous est parvenue :

Chère madame,

Vous avez bien voulu attirer l’attention de la municipalité du 18e sur les regroupements que vous constatez, rue du chevalier de la Barre, mentionnant des trafics de stupéfiants.

Comme vous le savez, ni le maire d’arrondissement, ni le maire de Paris ne disposent de pouvoirs de police qui relèvent intégralement, à Paris, de la Préfecture de police. N’étant pas directement en compétence, soyez néanmoins assurée que je suis consciente des difficultés importantes que peuvent rencontrer l’ensemble des habitants de la rue et j’ai à cœur de pouvoir les aider à y répondre.

Je vous informe que j’ai appuyé, dès réception des premiers signalements de plusieurs habitants, cette situation auprès du commissaire divisionnaire du 18e Nelson Bouard afin que ses effectifs puissent établir une surveillance sur les faits signalés par les riverains ;

Sachez que des surveillances sont déjà diligentées sur ce secteur. Lors du conseil de quartier public du quartier Montmartre, en date du 11 décembre 2013, l’association Action Barbès nous avait également alertés sur les difficultés que rencontraient plusieurs adhérents de leur association. J’ai également eu différents échanges avec le conseil syndical du 8 rue du chevalier de la barre qui subissait des intrusions dans les parties communes de leur immeuble.

Sachez qu’un suivi attentif est assuré par le commissaire du 18e, via la mission prévention et communication de la police urbaine de proximité (te : 01 53 41 50 80)

J’ai également effectué un signalement auprès de la direction de la propreté afin que les agents apportent un soin attentif à votre rue et qu’ils puissent prendre en compte les dégradations récurrentes. Je reste à votre disposition etc.

 

Myriam El Khomri

Adjointe au maire de Paris

 

Le discours est rodé, l’élue en question sans doute de bonne volonté. Alors que se passe-t-il ? Pourquoi y-a-t-il une telle incohérence entre les discours officiels, les dispositifs, qui semblent adaptés, et la réalité vécue par les habitants du quartier ? Pourquoi échouons-nous là où d’autres villes comme Londres, Berlin ou Copenhague réussissent mieux ? Y-a-t-il un mal français ?

Dans les différents documents officiels que j’ai cités dans cet article, le mot prévention apparaît huit fois, le mot répression, une fois. Le gros mot est lâché : répression ! En France, on le prononce du bout des lèvres, ce mot tabou, ce mot sale dont on pense volontiers qu’il fait partie des oripeaux du Front National, un Front National qui a estampillé un certain nombre de vocables comme étant siens, le plus connu étant le mot sécurité que personne n’ose plus prononcer de peur d’être taxé de fasciste, pourtant la sécurité n’est pas l’affaire du FN mais un droit auquel peut prétendre tout citoyen.Alors imaginons une France courageuse, qui briserait certains tabous éculés issus de l’idéologie d’une certaine gauche, gentillette, naïve et bien pensante ? J’ai presque envie de dire catholique (bisounours pour les laïques). Certains hommes politiques s’y sont essayés récemment, de gauche même. Décomplexés, ils le sont et ils tentent de repeindre certains mots d’une couleur moins odieuse que celle utilisée par le Front National car il est temps de regagner du terrain face à ce parti qui a le vent en poupe, qui prend ses aises, et qui prospère notamment grâce à l’incapacité de nos dirigeants à régler certains problèmes ou à leur tendance à la procrastination.

Répression. Non, ce n’est pas un joli mot. Nous ne l’aimons pas. Il évoque immédiatement le spectre des régimes totalitaires, ceux d’avant-guerre en Europe et ceux d’ailleurs, encore si nombreux. Il en existe d’autres, moins conspués et toujours d’actualité, comme sanction, pas très joli non plus, mais moins effrayant. Pour un usage plus inoffensif du terme honni, on peut encore changer de catégorie grammaticale et substituer la forme verbale à la forme substantivale : réprimer au lieu de répression, moins brutale, moins connotée, en tout cas différemment. Le fait de réprimer, en effet, sous-entend la possibilité que cette action puisse s’exercer de l’intérieur, c’est-à-dire pas forcément ou uniquement, de manière coercitive. On pourrait donc imaginer cet homme qui, au lieu d’uriner contre une voiture ou une porte cochère, ferait un effort surhumain pour se dire : Je ne suis pas un chien, je vais utiliser les toilettes publiques. Au plaisir donc de voir s’estomper la menace d’une brimade s’ajoute l’espoir que l’individu réfractaire et fauteur de trouble ait la capacité de s’imposer une discipline qui rende le vivre ensemble possible. Mais revenons sur terre. Ce glissement grammatical ayant évoqué un glissement sémantique, je me surprends soudain à rêver d’une société où les individus auraient le bon sens de faire eux-mêmes ce que les pouvoirs publics ne font guère de toute façon. Allez donc mettre un policer ou une voiture-balai derrière tous les hommes-chiens du quartier me rétorquera-t-on. Certes, mais de là à tout laisser passer … Pourquoi les agents qui verbalisent avec tant de zèle les conducteurs mal garés ne feraient-ils pas preuve du même élan pour d’autres infractions ? Plus facile de verbaliser une voiture qu’un homme-chien ou un dealer ?

Alors chers représentants des citoyens de ce pays, élus par le truchement des urnes pour remplir un contrat, vous avez fait l’effort de nous écouter avant les élections, quand allez-vous enfin surpasser vos peurs, faire preuve de courage politique et de pragmatisme et faire un bon usage, avisé, juste, mesuré mais ferme… de la répression ? Ce terme doit pouvoir être utilisé et mis à l’épreuve de la réalité avec la dignité, la retenue, et la justesse que l’on est en droit d’attendre d’un état démocratique.

Commentaires

  • Je compatis entièrement. Exactement la même chose, même réalité, même impuissance, mêmes tentatives de dialogue (avec les toxicomanes, dealers, usagers, que je connais tous par leur prénom, devenus des voisins maintenant, eux chez eux plus que chez nous souvent ; avec les policiers, ceux de la DST depuis qq temps), et rien ne change, au contraire avec la saison chaude, encore plus de bruit, tellement stressant, jour et nuit, de trafic, d'incivilités, de bagarres, de lames de couteau qui giclent des poches sous nos yeux et nos fenêtres, rue Ambroise Paré.

    Personnellement, je ne demande que du respect. Du savoir-vivre ensemble. Mais il faut répéter tous les jours les mêmes choses, le bruit cesse deux minutes et un autre groupe déboule, ou le même, et il faut tout recommencer, les nerfs en pelote...
    La violence comme la misère dans nos quartiers sont quotidiennes, visibles, palpables, installées... Comme à accepter, semble-t-il.
    Inacceptable.

    Et pourtant nous avons un hôpital dans notre rue, Lariboisière est juste là, je me dis souvent que sa seule présence devrait justifier une rue plus saine, plus calme. Et je rêve un peu (beaucoup) en repensant aux panneaux de signalisation de mon enfance : "H - Silence"...

    Bon courage à tous.

  • Bonjour,
    Nous organisons un apéritif de quartier le 18 juin juste à côté de chez vous à l'Ambroise Paré. Une annonce sera faite dans le blog la semaine prochaine à ce sujet. Une occasion de nous rencontrer, d'échanger et de soutenir nos actions en adhérant à l’association.
    Elisabeth Carteron présidente d'Action Barbès

  • Pas sûre d'être là mais c'est noté, merci*

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