La place Pigalle dans le 9e arrondissement de Paris est un lieu que tout le monde ou presque connait. De la chanson "Un p'tit jet d'eau, une station de métro entourée de bistrots" chantée par Georges Ulmer en passant par la Belle époque et ses cabarets, la mafia corse au milieu du XXe siècle et ses sex-shops, la place a une renommée mondiale. Il suffit de s'y promener un soir d'été en direction du Moulin rouge et de voir tous les touristes la photographier pour s'en convaincre.
La mairie de l'arrondissement vient de mettre en ligne une consultation pour son réaménagement. C'est une bonne idée surtout si l'on considère ce que beaucoup considèrent comme des désastres de l'urbanisme à Paris, que sont les aménagements des places de la République, de la Bastille ou encore Gambetta dans le 20e par exemple. Notons quand même qu'une consultation ne garantit pas que ce projet sera couronné de succès.
Essayons de prendre un peu de recul et de regarder rapidement la place Pigalle dans son passé. Cela ne peut qu'instruire un dossier compliqué et permettre à chacun de se faire une opinion des projets soumis aux votes.
Sa création date du 16 janvier 1789 nous dit Wikipédia et porte ce nom depuis le 30 décembre 1864. Elle le doit au sculpteur Jean-Baptiste Pigalle. Elle a donné son nom à tout un quartier au pied de la Butte Montmartre. Avant la Première Guerre Mondiale, elle y a vu s'installer beaucoup de cabarets, salles de spectacles et de concerts mais aussi pas mal d'hôtels "de passage" car quartier de plaisir, donc de prostitution.
Au coeur du quartier des artistes, peintres, musiciens, chanteurs ... dans les années 1870 – La Nouvelle Athènes - il est devenu un quartier "très chaud" géré par la mafia corse au milieu du XXe siècle jusque dans les années 1980 avec les trafics en tout genre et les sex shops tape à l'oeil (sur cette époque, voir le documentaire de David Dufresne, "Le Pigalle. une histoire populaire de Paris", diffusé en 2019 sur Arte). Il s'est progressivement transformé au tournant des années 2000.
Voilà ce que nous écrivions sur ce blog en décembre 2013 : "Un coup fatal a été porté à Pigalle au moment de la restructuration de la place au milieu des années 2000 (Voir notre article du 29 octobre 2007 à ce propos). Dans la logique de la restructuration des boulevards de Clichy et de Rochechouart, la place Pigalle a subi un réaménagement qui l’a transformée en gare routière pour autobus de la RATP. Le fameux petit jet d’eau s’est vu amputer de son petit jardin et de sa grille historique pour devenir, la plus grande partie du temps, le réceptacle aux canettes de bière et autres sodas sans parler des papiers gras. La destruction du café historique La nouvelle Athènes au n°9 remplacé par un immeuble au style blockhaus a parachevé le désastre."
Au milieu des années 2010, Pigalle s'est "gentrifié" comme il est courant de qualifier le processus de transformation d'un quartier dans lequel les dénommés « "bobos" viennent s'installer. Les anciens "bars à hôtesses" se sont vite transformés en bars à cocktails pour hipsters (jeunes, branchés et au pouvoir d'achat certain). Voyez l'article du New York Times de novembre 2013 sur le sujet "Comment les hipsters ont ruiné Paris "
Quelle est la situation aujourd'hui alors que se profile un projet de réaménagement ?
Avec six malheureux arbres, cinq voies de circulation qui la traversent, un bassin qui, malgré les réels efforts de la mairie du 9e pour le remettre en eau, reste désespérément vide, une salle, Les Folies Pigalle, fermée depuis le décès de sa propriétaire Hélène Martini, la place Pigalle est triste et, répétons le, n'est qu'une vulgaire gare routière où se rencontrent les lignes de bus n° 30, 40 et 54.
On avait espéré en 2019 que la disparition de la ligne 67 qui y avait son terminus allégerait un peu les choses mais la RATP a eu la mauvaise idée d'y fixer le terminus de la ligne 30 en remplacement. Il est clair pour nous que quel que soit le projet retenu par la mairie du 9e, la disparition de ce terminus est un pré-requis, ce que les plans proposés ne semblent pas indiquer.
Place Pigalle, décembre 2020
En regardant les projets, il ne faut pas oublier que cette place Pigalle est la limite entre le 9e arrondissement côté Sud et le 18e côté Nord, ce qui ne facilite pas la tâche pour un réaménagement. D'ailleurs, les esquisses présentées ne traitent que de la partie Sud.
En consultant les trois projets, chacun aura son avis. Le projet n°2 qui agrandit significativement l'espace végétal autour du bassin est intéressant. Un projet à suivre...
Bibliographie :
• La Vie secrète de Montmartre – Philippe Mello - Ed. Omnibus
• Vie et histoire IXe arrondissement - Jocelyne Van Deputte – Ed Hervas
• Montmartre du plaisir et du crime – Louis Chevalier – Ed. La Fabrique
• Paris, une histoire érotique d'Offenbach aux sixties – Dominique Kalifa – Ed. Payot
Commentaires
Il faut re-incorporer l'ensemble du carrefour du Boulevard Clichy avec la Place: Deplacer, bien sur, les arrets de bus sur les rues adjacentes; pietoniser la bande de circulation bus; reduire les traverses du boulevard pour les lier avec les terre-pleins du boulevard; planter des arbres sur le terre-plein et vegetaliser au maximum les alentours pour former un continu entre le demi-cercle de la place et le terre-plein du boulevard; creer une allee d'arbre enrtre le terre-plein et la fontaine et faire de cette fontaine le centre d'interet d'un Grand Cercle Incluant le terre-plein central et le demi cercle de la Place. Bien sur il y aura des problemes car l'amenagement des boulevards ne depend pas des mairies d'arrondissement...Bonne chance...