Web
Analytics

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ils ont détruit l'Auberge du Clou

Entre 1875 et 1914 environ, la vie artistique et intellectuelle à Paris se déroulait essentiellement à Montmartre. Dans un périmètre assez réduit allant de la place de Clichy à Barbès et des Grands Boulevards au haut de la Butte, se côtoyaient nombre de grands artistes et intellectuels : Renoir et les Impressionnistes, Van Gogh, Toulouse Lautrec, Picasso mais aussi Verlaine, Rimbaud, Zola, Satie, Debussy, ... pour ne citer qu'eux, et bien d'autres.

Des lieux ont marqué leur présence. Certains ont définitivement disparu comme le Bateau Lavoir sur la Butte, le bal Tabarin et le Chat Noir rue Victor Massé dans le 9e, les cafés l'Abbaye de Thélèm et La Nouvelle Athènes place Pigalle, le Paradis et l'Enfer boulevard de Clichy. D'autres ont survécu tant bien que mal jusqu'à aujourd'hui comme La Cigale boulevard de Rochechouart, le Divan rue des Martyrs, l'emblématique Moulin Rouge place Blanche, l'Auberge de la Grande Pinte, devenu en 1889 le célèbre Ane Rouge (aujourd'hui le restaurant Paprika), mitoyen de l'Auberge du Clou, etc.

Un de ces lieux, certes moins prestigieux que ceux mentionnés, vient de disparaitre à jamais. Il s'agit de l'Auberge du Clou située 30 avenue Trudaine. C'est, à certains égards, aussi un lieu emblématique. S'y rencontrèrent dès 1883, les opposants au “Chat noir” comme Alfred Jarry mais aussi Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine, les peintres et caricaturistes Henri Riviere, Willette, Caran d'Ache, Suzanne Valadon, les musiciens Erik Satie et Claude Debussy y seront pianistes, le dramaturge Georges Courteline, et Alphonse Allais dont c'était leur café préféré , puis Mistinguett et Maurice Chevalier... et bien d'autres venant en voisins du quartier. L'Auberge du Clou devient rapidement un sanctuaire littéraire et artistique renommé. Le "Clou" permettait aux artistes fauchés d'y accrocher leur œuvre en attendant de pouvoir régler leur addition.

Quartiers_des_artistes_peintres_sculpteurs_[...]Chauvet_Jules-Adolphe_btv1b8456097m_1.jpeg

L'Auberge du Clou et sa voisine l'auberge de La Grande Pinte
qui deviendra l'Ane Rouge avenue Trudaine
à la fin du XIXe siècle Source : gallica .fr

Capture d’écran 2020-10-13 à 15.06.22.png

l'Auberge du Clou vers 1905, Source : cparama.com

 

Capture d’écran 2020-10-12 à 15.40.15.png

l'Auberge du Clou en 2010. Si l'intérieur avait été assez profondément remanié, du moins la façade restait-elle inchangée

IMG_9708 (1).jpeg
L'ancienne Auberge du Clou octobre 2020 en travaux

Nous assistons impuissants à un réel effacement de la mémoire du lieu avec aujourd'hui cette nouvelle devanture moderne, banale et sans âme pour abriter une activité de restauration rapide parait-il. Tout cela se fait en parfaite connaissance de cause puisque des contacts avec la gérante pour l'informer de la qualité de l'endroit ont eu lieu au préalable. C'est donc une destruction délibérée.

Il ne fait pas de doute que la responsabilité de ce saccage incombe directement au propriétaire, à la copropriété qui a nécessairement donné son accord pour modifier la façade du 30 avenue Trudaine comme la Loi lui impose, la Direction de l'Urbanisme de la Ville de Paris qui ne se soucie guère de la mémoire de ces lieux historiques de notre ville en ne mentionnant même pas ceux-ci sur le Plan Local d'Urbanisme et enfin, et surtout, l'Architecte des Bâtiments de France chargé du 9e arrondissement qui n'a pas jugé, au mieux, l'endroit suffisamment important pour le laisser détruire, soit au pire, ignorant totalement la qualité de celui-ci.

On peut trouver des informations à propos de l'Auberge du clou dans :
La vie secrète de Montmartre de Philippe Mellet (Ed. Omnibus) ;
Vie & Histoire du IXe arrondissement de Jocelyne Deputte (ed. Hervas) ;
• Guide Trudaine Rochechouart dans tous ses éclats (ed. Mairie de Paris) ;

et sur Internet :
Montmartre secret : avenue Trudaine côté pair ;
CPArama cartes postales anciennes 9e arrondissement ;
9e Histoire : Autour de la place Pigalle au temps de la Bohême montmartroise ;
Blog Autour du Père Tanguy : l'Auberge du Clou, Zola, Mousseau, 30 avenue Trudaine ;
et bien sûr le site de la BNF Gallica.

Commentaires

  • Article très intéressant. Merci.
    Il est attristant de constater, ici et là, l'effacement de certains lieux de mémoire de Paris.
    Mais quelles actions à mener, quels leviers à actionner de la part des Parisiennes et Parisiens afin de prévenir de telles disparitions irréversibles ?

  • pour faire un fast-food... la vitesse, c'est bien pour les bêtas ; vive la slow-food, le slow sex, la slow-read, le slow-trip. (et zut à l'amère - langue !) philippe vicherat.

  • Passionnant. Quelle tristesse que cette disparition, d'autant que je n'avais jamais remarqué cette étonnante devanture. Trop tard maintenant.

  • Et la Mairie de Paris n'a pas pu intervenir ? Quelle tristesse...... surtout pour remplacer par un fast-food !

  • Encore une destruction que la maire de Paris a voulu, elle détruit tout sur son passage, et ne veut garder aucune trace du passé... faire table rase, et c'est pas fini !!!! regardez autour de vous tout disparait ... tout ce qui faisait la magie de Paris sera remplacé par du béton , ça la gêne pas, et ça lui rapporte apparemment

  • Partout dans Paris, de belles devantures anciennes en bois sont détruites et remplacées par d'affreuses devantures en aluminium. Je le constate malheureusement tous les jours. La population, tout comme les élus à qui j'en fais régulièrement part, semblent totalement indifférents à ces massacres qui enlaidissent toujours un peu plus Paris et lui font perdre de son charme.
    Alexis Boniface

  • Bonjour, il aurait été sympa de noter dans les références, le livret intitulé "Flânerie dans le 9e" Guide des Quartiers Pigalle-Martyrs et Blanche-Trinité. Livret de 125 pages Edité en 2018, financé par les Conseils de Quartierdu 9e.
    Disponible gratuitement à l'accueil de la Mairie du 9, située au 6 rue Drouot.

  • On n’ose pas penser au sort des fresques de l’ancienne cave et d’ un lieu qui autour de 2018 avait été intelligemment repris et préservé..Car le paradoxe est là. On s’acharne sur un lieu que les propriétaires précédents, notamment Malaury S avec l’architecte Laurent A.,. avaient respecté, bien servi, et embelli. Paris massacre, Paris Hidalguise, Paris châtré, Paris dévasté...

  • J'avais découvert ce restaurant en lisant un article dans le journal.
    Il y était écrit: Le lundi soir, vous pouvez venir à l'auberge avec votre vin.(sans droit de bouchon)
    Le rdv est pris, nous sommes une dizaine, chacun à ramené une bouteille !
    Un grand moment de partage et de convivialité dans la salle du haut près de la cheminée.
    En sortant de l'auberge, je dis à mon frère: pour ce type de dîner, nous devrions privilégier
    la prochaine fois, les grands flacons.
    Il était d'accord:)

  • J'ai été le propriétaire de l'Auberge du Clou de 1969 à 1981. J'ai passé 12 années à faire revivre l'époque des Courteline, Alphonse Allais , Éric Satie, etc.... J'ai remis en activité l'idiomètre de Courteline et délivré des certificats de stupidité. Le premier étage était décoré d'une collection de tableaux d'Alphonse Allais ( "Combat de nègres dans une cave, pendant la nuit ", "Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge", etc.....
    Quelle tristesse de voir toute cette histoire disparaître

  • Et le Toulouse Lautrec dans la cave ??

    Laurent Gueneau (arrière petit fils de Paul Tomashcet)

  • J'ai bien connu ce restaurant à l'époque tu en étais le propriétaire, c'est le restaurant des retrouvailles, car nous nous étions perdu de vue après notre service militaire en Allemagne à Trêves, j'ai bien aimé ton travail et l'ambiance qui reignait dans ton restaurant.
    Que de bons souvenirs. Bravo Jean Robert, au plaisir de te revoir un jour j'espère.

  • J'avais contacté un expert pour savoir à qui les peintures trouvées dans la cave entre les colombages pouvaient être attribuées. Il penchait pour Steinlen, mais hésitait pour Toulouse Lautrec. De toute façon, il semble que celles-ci, déjà en mauvais état à cette époque (dans les années 80) ont dues disparaitre. c'est ainsi que les gens sans respect pour une époque superbe ont tournés la porte...

  • J'y ai travaillé quelques années dans ma jeunesse.
    Les poutres, le bar en cuivre, la devanture....
    Ce lieu m'a fasciné..
    Je suis peinée de voir cette baie vitrée qui ressemble à n'importe quel magasin...
    Il y avait du cachet, et vu son âge et son histoire cette auberge méritait de continuer d'exister.
    Après, rénover la vétusté... Adapter... Bien sûr
    Mais là mince quoi...
    Je n'irais pas y manger je serais bien trop triste de voir ça.

Écrire un commentaire

Optionnel