Notre dernière rencontre avec le commissaire Rigon, chef du 2e district de Paris, a permis de confirmer une présence plus pérenne de deux sections de CRS dans le quartier, entre Chapelle et Barbès. Même si nous le savons depuis toujours, leur présence n’est que dissuasive. Nous savons que leur mission n’est pas de verbaliser la petite délinquance qui sévit dans nos rues. Les compagnies républicaines de sécurité (CRS) sont dédiées au maintien de l’ordre, l’ordre dans la cité, pas l’ordre sur notre trottoir, cet ordre que mettent à mal tous les vendeurs d’objets hétéroclites et totalement illicites. C’est dommage mais c’est ainsi. De cette fonction découle également le caractère non permanent de leur présence. Expliquons. Si l’Intérieur doit faire face à des manifestations d’importance, ou à des actes qui déstabilisent l’ordre public, on pense à des actes terroristes, mais pas seulement, alors les compagnies peuvent être affectées à d’autres terrains et disparaître pour un moment de notre champ de vision.
Le commissaire a précisé qu’il les positionne à des points sensibles, et que ces "points chauds" peuvent changer chaque jour, de façon à ce que la présence policière ne soit pas prévisible. Il s’agit d’optimiser les moyens vers le plus d’efficacité possible. De même les équipages de policiers reçoivent des missions de contrôle et de surveillance qui varient chaque jour, "pour surprendre" a souligné notre interlocuteur.
Le "bassin de délinquance", c’est à la fois le terme qu’utilise le commissaire et une réalité territoriale qu’il a fait passer auprès de sa hiérarchie. Il faut mettre un terme aux reports, au jeu du chat et de la souris entre les uns et les autres. Globaliser, traiter un ensemble, simultanément, avec des forces de police conséquentes et stables, sous une même autorité. Plus de zone de sécurité prioritaire (ZSP), plus de brigade spéciale de territoire (BST), oeuvrant chacune dans son coin, désormais on coordonne, on harmonise et on fait en sorte d’être le plus possible sur le terrain, et de préférence, là où les délinquants ne s’y attendent pas. On apprend par ailleurs que la BST du 10e sera renforcée, passant de 25 à 40 agents, d’ici à la fin de l’année.
La coordination devra aussi se faire avec les services de la Ville de Paris qui ont une mission de sécurité, la direction de la protection, de la sécurité et de la prévention (DPSP), mais aussi avec la police des réseaux ferrés (train, gare et métro), sans oublier d’autres services qui participent, à leur façon, du bon ordre dans l’espace public, par exemple, la direction de l’attractivité et de l’emploi (DAE), qui gère le bon fonctionnement des marchés parisiens. (Suivez mon regard vers le boulevard de la Chapelle deux jours par semaine… ). Par ailleurs, le procureur a accepté le renforcement du volet judiciaire, et validé la création d’un groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) sur Chapelle, qui ne manquera pas de fusionner avec le GLTD voisin déjà existant.
Mais, très vite, devant le tableau que lui décrivent les associations qu’il rencontre régulièrement, le commissaire insiste sur la composante Temps de sa mission, le travail dans le temps. Il faut tenir. Il faut résister avec la même pression constante. C’est son crédo. Vu la situation, celle de Chapelle semble encore plus grave et plus intenable qu’au carrefour Barbès — et ce n’est pas peu dire — nous voulons donc le croire, et lui accorder tout le crédit possible. Avons-nous d’ailleurs une alternative ?