Un curieux vent d'autosatisfaction semble courir dans les couloirs de l'Hôtel de Ville de Paris à propos du budget participatif. Les tweets, courriels et autres notifications Facebook n'ont pas manqué pour vanter le succès de cette première opération 2015. On ne dira jamais assez que la mairie de Paris est un as en matière de communication.
Nous vous avons à plusieurs reprises présenté ce Budget Participatif. Pour plus d'informations, il vous suffit de taper "budget participatif" dans la boite de recherche de ce blog (colonne de droite) pour prendre connaissance de tous les articles publiés ici sur le sujet.
Du 10 au 20 septembre prochain, les Parisiens seront invités à se prononcer sur les projets qu'ils ont soumis et qui ont été acceptés par la mairie après un long processus de vérification de leur faisabilité, tant juridique que financière.
Nous avons trouvé sur Internet un intéressant texte publié par Denis Lagarde adhérent de l'association Déclic17-18 (17ème et 18ème), association avec laquelle nous sommes en contact assez régulièrement. Ce texte résume très bien la situation et montre du doigt les limites de l'exercice. Le voici :
Budget participatif 2015, le coté obscur des "Commissions ad hoc" d'arrondissement...
Du 14 janvier au 15 mars 2015 les Parisiennes et les Parisiens ...
.... étaient donc invités à se prononcer directement sur l’affectation de 5% du budget d’investissement de la ville, soit 426 millions d’euros sur l’ensemble de la mandature 2014-2020. Le « budget participatif » se déclinant également par arrondissement, il est prévu de mobiliser 3,9 millions d’euros pour des idées d’investissements dans le 18e arrondissement.
Deux mois après, 560.000 personnes ont ainsi consulté, déposé, commenté ou soutenu des projets d’investissements sur la plateforme internet « Madame la Maire, j'ai une idée » et 5615 idées ont été ainsi proposées au soir de la clôture du dépôt des projets !
Le succès de cette première expérience de « budget participatif » tient en partie à cette idée simple qui est de permettre aux Parisien(ne)s d’agir concrètement sur le budget d’investissement de leur ville en proposant des projets imaginés et sélectionnés par eux. Les projets pouvant être à l’échelle de Paris ou à celle d’un arrondissement, d’un quartier ou même d’une rue.
Dans le 18e arrondissement, 241 projets furent ainsi proposés ce qui le classa sur le podium des arrondissements les plus mobilisés.
Cette séquence finie, débuta dans un premier temps un travail d’expertise par les Services techniques visant à vérifier leur recevabilité (évaluation technique, absence de dépense de fonctionnement, coût …)
Enfin et selon les mots même de la charte du « budget participatif » , « La liste définitive des projets d’arrondissement soumise au vote est arrêtée par le Maire d’arrondissement après consultation d’une Commission ad hoc réunissant notamment le maire d’arrondissement ou son représentant, des élus de l’opposition, un représentant de la maire de Paris, des représentants des instances de démocratie locale, et les services de la mairie de Paris ».
De cette commission, nous ne saurons rien… Qui était présent, qui a dit quoi, qui a fait quoi ? Rien !
Seul un tweet de Pauline Véron (adjointe d’Anne Hidalgo chargée de la démocratie locale) est venu (pour les plus attentifs !) nous indiquer l’existence de cette assemblée.
Réunion de la commission du 18e du budget participatif pour examen des projets @crolland18 @caroliney9 @mairie18paris pic.twitter.com/8CJapUfbwA
— Pauline Véron (@PaulineVeron) 9 Juin 2015
A l’issue de cette discrète réunion et concernant le 18e arrondissement, seules 60 idées seront retenues.
Disons-le tout net, l’intervention de cette « commission ad hoc » dans le processus de sélection des idées n’est sans doute pas la séquence la plus exaltante du projet ! Elle semble plutôt illustrer la difficulté pour certains élus de sauvegarder un « pouvoir d’action » dans un projet qui visait justement à se passer de lui.
Anne Hidalgo qui dans sa campagne 2014 avait promis que 5% du budget d'investissement de la Ville de Paris soit "construits et décidés par les Parisiens directement afin de lutter contre le discrédit du politique en permettant aux citoyens de se réapproprier les questions de la cité via une forme de coproduction citoyenne " (La Tribune 10/3/2014) se voit donc (malgré elle ?) contraint de subir l’interventionnisme des élus dans le choix final des idées parisiennes !
Cet épisode, caché dans « l’angle mort du rétroviseur » de la « démocratie participative » indique bien la difficulté de certains élus à trouver une place dans cette nouvelle manière de faire. Pour eux effectivement, il s’agit d’évoluer ou d’adapter leurs pratiques. Nous savons bien que dans ce processus « d’Uberisation » (application participative) de notre société, les segments de la société où ce phénomène est le plus actif sont justement les intermédiaires incapables de démontrer leurs plus-values économiques/sociales et n’existant qu’au travers de la protection d’une loi ou le mécanisme d'une fausse concurrence …
Pour parfaire ce beau projet de budget participatif il conviendrait donc que les élus débâtent ouvertement du rôle qu’ils entendent jouer dans cette nouvelle manière de faire vivre la cité et quand tout état de cause l’administration ainsi que les élus en charge de ce projet communiquent l’ensemble des données permettant d’apprécier la qualité des projets retenus.
oOo
Si nous partageons l'essentiel de ce qui est dit plus haut, il nous faut néanmoins préciser les points suivants. Ces commissions ad hoc n'ont pas vraiment été secrètes ("discrètes" dit plus haut notre ami de Déclic17-18) même si effectivement elles sont restées extrêmement confidentielles. Ce sont les Conseils de quartier, ou plus exactement les équipes d'animation de ces conseils qui ont été mobilisées à la hâte. Membre de l'équipe d'animation du CQ Goutte d'or dans le 18e, Action Barbès a participé à cette commission ad hoc, son représentant ayant été désigné par l'équipe d'animation pour y assister.
Dans le 9e, l'affaire a été rondement menée. La mairie de cet arrondissement a arbitrairement choisi un membre des Bureaux des Conseils de quartier (Bureaux, c'est ainsi que sont appelées les équipes d'animation dans cet arrondissement) sans que ces bureaux ne soient contactés au préalable. La commission a donc délibéré avec des membres des Conseils de quartier sans aucune légitimité ni mandat - démocratie participative ?
Dans le 10e, les choses se sont passées un peu mieux dans la mesure où les équipes d'animation des Conseils de quartier ont été informées et ont pu déléguer une personne.
On a donc là trois arrondissements et de fait, des processus différents. Sans demander trop de rigidité, on pourrait espérer que tous les Parisiens aient un traitement identique ou s'approchant.
Mais là n'est pas le plus ennuyeux. Ces commissions n'avaient pas un rôle essentiel, se contentant en fait de sélectionner les projets suivant leur importance, c'est à dire les considérer au niveau de l'ensemble de Paris ou de les maintenir au niveau de l'arrondissement. Car in fine, ce sont les maires d'arrondissement qui ont le dernier mot. Ce sont eux qui déterminent le montant alloué au budget participatif pour leur arrondissement. Ce sont eux qui choisissent les projets qui seront soumis aux votes des Parisiens. Autrement dit, nous allons voter pour des projets certes proposés par les Parisiens, notamment dans le cadre des conseils de quartier, mais choisis par les maires d'arrondissement.
Et il y aussi des anomalies dans le système. Prenons un cas dans le 9e. Un des projets retenus est "Fermeture à la circulation du haut de la rue de La Rochefoucauld". Or il se trouve que ce projet se trouvait déjà dans le programme de la maire du 9e en 2014. On peut s'amuser en constatant qu'en 2014 le coût annoncé était de 140 000€ et qu'il est passé 18 mois plus tard à 250 000. On est donc en pleine confusion des genres. Voilà une promesse électorale, approuvée puisque Delphine Bürkli a été élue, qui fait à nouveau l'objet d'un vote. Ce n'est pas tout à fait l'idée qu'on se faisait du budget participatif.
Autre anomalie, cette fois pour un projet proposé dans le cadre général parisien hors arrondissement. Notre association milite et a beaucoup travaillé sur le projet de réaménagement du boulevard de La Chapelle. Anne Hidalgo et les deux maires d'arrondissement concernés, Rémi Féraud pour le 10e et Eric Lejoindre pour le 18e ont intégré ce projet dans leur campagne électorale de 2014. Le projet a été lancé, inscrit au Plan d'Investissement de la Mandature 2014-2020 (le fameux PIM), des réunions avec l'Atelier Parisien d'Urbanisme ont été organisées eu printemps 2015. Et voilà que le projet se retrouve soumis au vote des Parisiens sous le titre "Beaux boulevards dans la Nord-est parisien". On laissera chacun interpréter comme il le souhaite cette situation mais de deux choses l'une, ou bien le projet est acté et se fera, ou bien il est soumis au vote des Parisiens avec le risque d'être rejeté et donc abandonné. Interrogé sur le sujet, Rémi Féraud a réaffirmé son soutien ainsi que celui d'Eric Lejoindre au projet de promenade urbaine, nous confirmant que si celui-ci n'était pas retenu lors du vote, il n'en demeurerait pas moins inscrit au PIM. Dans ce cas, quel crédit accorder au processus démocratique ? Difficile de s'y retrouver.
Alors, n'accablons pas trop ce budget participatif. 2015 est l'année du lancement. Beaucoup de choses restent à améliorer. Ne doutons pas que la maire de Paris Anne Hidalgo et son adjointe Pauline Véron sauront en tirer toutes les conclusions.
Commentaires
Merci et bravo pour cet éclairage. L'espoir est permis mais les démarrages sont en effet très approximatifs. Démocratie ou démagogie? Merci à Action Barbès pour sa vigilance.