Il est assez rare qu'une décision de justice soit aussi commentée, et de surcroît négativement, avec une telle insistance, quand elle concerne de simples terrasses de café. Cinq établissements parisiens, qui étaient dans le collimateur de l'association Droits des non fumeurs, ont eu gain de cause aux yeux des juges de la cour d'appel de Paris (relaté dans Le Parisien du 11 mai) . Ainsi la preuve ne serait pas apportée que les espaces extérieurs bâchés des brasseries et cafés seraient des lieux fermés. Si les juges de la cour d'appel de Paris sont aussi peu convaincus par les arguments des non fumeurs, pourquoi ne pas retourner la démonstration ? Ces espaces sont-ils des lieux ventilés dans lesquels les consommateurs non fumeurs sont à l'abri du tabagisme passif, que la loi qui interdit de fumer dans les lieux fermés et un tant soit peu fermés (par exemple les halls de gare et même les quais...) avait pour objectif de supprimer ?
C'est le froid et le profit plus que le souci de la fumée et de la santé qui auront eu le dessus dans cette affaire.
Chronologiquement, les fumeurs sont sortis à l'extérieur du café dans un premier temps pour "s'en griller une" en janvier 2008 (application de la loi sur l'interdiction de fumer dans les bars). Les cafetiers leur ont installé quelques chaises et tables dehors, devant l'établissement ou devant la terrasse fermée. C'est ainsi que les terrasses prenaient de l'ampleur, même dans des espaces où jamais on ne les aurait imaginées. Une fois assis, à la première bise venue, les fumeurs ont ressenti le froid. Les propriétaires ou gérants de bars leur ont installé des chaufferettes sur pied, en applique ou suspendues. On commençait à vouloir chauffer la rue... Quel gaspillage honteux ! "On pourrait peut-être fermer un peu pour confiner les calories en terrasse?" Les cafetiers ont alors investi dans les bâches et rideaux transparents pour refermer leurs terrasses et protéger les consommateurs fumeurs, tout en jetant un oeil inquiet sur la facture de gaz et bientôt d'électricité, car les chaufferettes au gaz devront disparaître en janvier prochain. On ne peut nier que leur investissement ait été lourd et pèse dans la balance à l'heure de rationaliser le dossier.
Tout cela est navrant, à l'heure où l'on dénonce pêle-mêle notre facture énergétique, l'emploi majoritaire du nucléaire dans la production électrique, les achats d'électricité à l'étranger lors des pics de consommation, le manque d'investissement dans les énergies alternatives, etc... il se trouve encore des juges pour baisser la garde face au lobbying des cafetiers-limonadiers et autres investisseurs du secteur. Car ne nous méprenons pas, les grandes enseignes de restauration, rapide ou non, les brasseries à établissements multiples, les cafés qui ont pignon sur rue et leurs terrasses tentaculaires sont souvent du capital anonyme et sont la propriété de fonds de placement et autres sociétés d'investissements. Difficile dans ces conditions de discuter avec le patron. Celui-ci est devenu un gérant qui doit rentabiliser l'affaire selon les exigences du financier au risque de perdre son job. Une donnée à prendre en compte.
Toujours à propos des terrasses, une petite victoire tout de même d'associations de riverains de la rue Montorgueil: la Cour d'appel de Paris a refusé que les commerçants occupent totalement les trottoirs de cette rue piétonne "circulée" comme aime à le rappeler Jacques Boutault maire du 2e. Voir l'article de Métro du 16 mai à ce sujet.