Un mois déjà que la crèche "Les wagonnets" accueillent les enfants rue de Dunkerque, côté gare du Nord.
La presse s'est fait l'écho récemment de l'ouverture d'une crèche dans la partie de la Gare du Nord, précédemment occupée par un bureau de La Banque Postale (vous admirerez notre application à dire La Banque Postale et non La Poste.... ). Nous avions eu vent du projet en juillet dernier par la lecture du compte rendu du conseil de quartier Louis-Blanc - Aqueduc de mars en ces termes :
« ‐Une crèche dans les locaux de l’ancien bureau de poste : ces locaux seront loués à une société privée qui y installera une crèche ouverte aux personnels de la SNCF et aux familles du quartier. Cet équipement prévu en 2013 (permis de construire délivré le 29 mai 2012) devrait apporter vie et humanisation à des bâtiments vides depuis plusieurs mois. »
Le délai semblait très court, mais le privé ayant des contraintes moins nombreuses que le public en la matière... tout est possible, y compris l'ouverture le 25 octobre dernier !
Au printemps, nous avions écrit sur la fermeture du bureau de poste et même obtenu des renseignements très pointus sur les possibiltés pour les riverains de trouver à proximité de leur domicile les services habituellement offerts. (voir notre article du 5 avril 2012)
Si nous avions mauvais esprit, nous pourrions dire que les rénovations des locaux, inaugurés officiellement en présence des élus, en avril 2010 (article et photos sur notre blog) représente un budget jeté par les fenêtres... selon l'expression courante. La Banque Postale n'a pas fait preuve ici des principes d'économie qu'elle prône souvent dans certaines circonstances, notamment pour « optimiser » la gestion de son personnel à ses guichets.
En deux ans et demi, un même local aura vu une ouverture, une fermeture et de nouveau une ouverture après quatre mois de travaux. Souhaitons aux promoteurs de la crèche un destin différent … Après le mauvais esprit, on n'invoquera pas le mauvais œil...
Revenons à la crèche (dont vous pouvez voir des vues sur le site de Babilou ici). La première réaction est la satisfaction de voir ouvrir une nouvelle crèche dans le quartier, quand on sait les galères que les jeunes parents traversent pour trouver une garde de qualité pour leur petit dernier. Mais la lecture de la presse (par ex. Le Point du 7 novembre qui a relaté l'événement) tiédit soudain notre enthousiasme. Il s'agit d'une crèche privée, avec des critères d'inscription restrictifs. En effet, ce n'est pas la Mairie de Paris qui gère la nouvelle crèche, mais Babilou, une entreprise privée qui depuis 2003 a ouvert en France quelque 300 crèches de taille diverse. Celle-ci baptisée « Les Wagonnets » (nostalgie de la chanson de Michel Jonasz pour les plus anciens ?) peut accueillir 30 petits de 10 semaines à 4 ans, du lundi au vendredi de 8h à 19h. Elle occupe les locaux de l'ancien bureau de poste, soit 348 m2. Bien heureux sont les parents, qui salariés de la SNCF ou d'une entreprise qui est partenaire de Babilou, - pour faire simple, une entreprise ayant acheté des places de crèche, dans le cadre d'un partenariat et qu'il peut ainsi offrir à ses collaborateurs - demeurent à proximité de la gare. C'est néanmoins assez loin de la gestion d'une crèche municipale. En revanche, les grilles de participation au coût de gestion de la crèche sont calquées sur ceux du public, car la crèche est conventionnée par la CAF de Paris.
Regardons le financement :
Depuis 2004, la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a ouvert ses dispositifs financiers au secteur privé : la CAF locale peut subventionner de 30 à 40 %. .
Puis viennent les entreprises partenaires : l'entreprise bénéficie de 50% de crédit d'impôts famille (CIF) sur ses dépenses engagées pour la réservation de places en crèche pour son personnel. De plus, le coût d'une place en crèche est une charge fiscalement déductible et permet une économie d'impôt sur les sociétés (IF) de 33,33% (sous réserve de changements).
Les collectivités locales mettent aussi souvent la main au portefeuille, trop contentes de déléguer cette patate chaude... ou plutôt ce service public (DSP). Par ce biais, elles échappent à la gestion délicate des personnels et des contraintes du statut de la fonction publique territoriale.
Côté retour sur investissement, ce n'est pas mal non plus par les temps qui courent. Pas des taux à deux chiffres, mais des profits sûrs. Il faut parallèlement être très vigilant sur l'optimisation de la gestion et surveiller le taux de remplissage... La clientèle ne manque pas puisque les Français, pardon, les Françaises (je ne veux pas froisser les féministes de l'association) font beaucoup de bébés, tout en continuant à travailler. Tout cela est un peu choquant, nous parlons des enfants comme d'un quelconque produit... ? Oui, en effet. Ne sommes-nous pas dans une économie capitaliste ?
Extrait du Guide CAF Crèche-Entreprises ( pour le guide complet, 55 pages en ligne, cliquez ici)
Pour favoriser l’essor des crèches d’entreprise, les pouvoirs publics et les organismes de protection sociale ont mis en place depuis 2004, une série de mesures incitatives à l’égard des entreprises :
- le crédit d’impôt famille (Cif) égal à 50% des dépenses en investissement et en fonctionnement dans la limite d’un plafond fixé à 500 000 Euros (Cf. p42) ;
- une déductibilité fiscale sur les frais de fonctionnement à la charge de l’entreprise ;
- depuis février 2004, les employeurs peuvent bénéficier de subventions de la caisse d’Allocations familiales ou de la Mutualité sociale agricole (Cf. p17) à l’investissement et au fonctionnement (cf. p20) dans le cadre de conventions d’objectifs et de gestion négociées entre l’Etat et la Caisse nationale d’Allocations familiales (Cnaf) ou la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (Ccmsa) ;
- des subventions du conseil général dans certains départementss.
Commentaires
L'article ci-dessus surfe sur le conflit public-privé... Et voici aujourd'hui dans Capital (pas un journal situé franchement à gauche) un autre article qui se saisit du même sujet et dont les conclusions sont inattendues. Un extrait
""Aussi la question devient-elle chaque jour plus pressante : le privé fait-il mieux ou moins bien que le public lorsqu’on lui confie la responsabilité de services collectifs ? «Mille fois mieux !», se pâment en chœur les tenants du libéralisme, en exaltant les vertus de l’entreprise, à leurs yeux toujours moins chère, toujours plus efficace et toujours mieux à même d’offrir une prestation de qualité. «Mille fois pire !», s’égosille le camp d’en face, en martelant que le service désintéressé du public ne fera jamais bon ménage avec les intérêts financiers des grands squales du business. Comme souvent dans notre pays, les débats qui engagent l’avenir se réduisent à des anathèmes stériles…""
.../...
""Et les résultats de notre enquête font mentir toutes les images d’Epinal. Premier constat : non, le recours au privé ne revient pas moins cher pour les usagers-contribuables, c’est même presque toujours l’inverse. Ça n’étonnera personne pour l’«école libre» ou pour les cliniques, dont la philosophie – on oserait dire la raison d’être – consiste à faire payer plus cher leurs services, afin de sélectionner la clientèle.""
Pour lire l'intégralité, dans Capital.fr du 28 novembre 2012, c'est ici http://www.capital.fr/enquetes/dossiers/public-prive-qui-est-le-meilleur-701035#xtor=EPR-226
12 janvier 2013 --
Comme nous restons sensibles aux opinions des autres groupes ou associations, nous relevons dans le bulletin d'information du Parti communiste 10e de JANVIER-FEVRIER 2013, un article sur la crèche BABILOU dont il est question ci-dessus. Nous vous le proposons à la suite:
""Une nouvelle crèche de 30 places, implantée dans les locaux de l’ancien bureau de poste qu’elle loue à la SNCF, a ouvert ses portes fin octobre. Elle n’est pas gérée par la ville de Paris, mais par Babilou, une entreprise privée qui, en 10 ans, en a créé près de 300 autres en France ... depuis que la Caisse nationale d’Allocations familiales a ouvert ses dispositifs financiers au privé. Une mesure destinée à favoriser l’essor des crèches d’entreprises.
Les inscriptions sont réservées au personnel des entreprises (la SNCF en fait partie) qui ont signé une convention avec Babilou qui leur donne le droit de réserver des places. Ces entreprises signataires bénéficient en outre d’avantages fiscaux : le « crédit d’impôt famille » égal à 50% des dépenses en inves- tissement et en fonctionnement (plafond de 500 000 €) ainsi qu’ une déductibilité fiscale sur les frais de fonctionnement... Bref, encore des cadeaux aux entreprises à la charge des contribuables. Ainsi, le marché de la petite enfance devient juteux pour des sociétés qui, comme Babilou, exploitent l’insuffisance des capacités d’accueil en crèche, aggravée ces dernières années par le désengagement des pouvoirs publics au nom de la réduction des dépenses publiques.""