Mission cinéma : comment pilote-t-elle le projet Louxor en 2010 ?
Depuis que le Comité de pilotage Barbès existe, Action Barbès a rencontré plusieurs fois le délégué général de la Mission Cinéma, Michel Gomez. C'est par son intermédiaire que les visites du Louxor ont pu avoir lieu jusqu'en juin dernier. Il nous connaît et a accepté de nous recevoir fin septembre pour nous expliquer les grandes lignes de la mission qui est confiée à son agence et comment il compte s'y prendre pour la mener à bien. Interview de Michel Gomez en compagnie de Fanny Cohen, chargée de mission très impliquée dans le projet Louxor.
Le calendrier des travaux rendu public prévoit la démolition du gros œuvre pour cet automne. Ce calendrier est-il toujours inchangé et des visites pourront-elles encore avoir lieu ?
Le calendrier est tout à fait respecté. Des visites auront lieu malgré les gros travaux, mais en petit groupe, au maximum dix personnes, avec port du casque obligatoire. La responsabilité des personnes extérieures au chantier est désormais supportée par les entreprises qui seront très vigilantes. Les riverains seront avertis des grosses destructions - celles qui seront les plus bruyantes - par leur syndicat de copropriétés et par un affichage sur les portails d'entrée. Les travaux ultérieurs de foncement de pieux devraient être moins ressentis par les immeubles collatéraux. Par ailleurs, nous avons décidé de produire une lettre trimestrielle pour informer les habitants de l'avancée du chantier, et donner toutes sortes de réponses aux questions bien légitimes des uns et des autres. Ce sera un deux-pages très simple que les mairies pourront imprimer mais dont la diffusion, de la part de la Mission Cinéma, restera par l'Internet, pour des raisons de budget.
Les palissades sont déjà en partie recouvertes de tags et d'affiches. Pensez-vous à les utiliser autrement ? Nous avons vu sur le blog des conseils de quartier du 10e, une proposition artistique visant à habiller des murs par des graffeurs. Ce serait peut-être intéressant de lancer un tel projet. Les fresques de ce type s'intègrent bien dans les quartiers populaires, et sont respectés en général.
Vos photos sont éloquentes... Nous avons déjà prévu un habillage du chantier en deux temps et deux parties. Le haut des façades sera caché par un projet artistique, une bâche de qualité, sans publicité. Et le bas, donc les palissades, accueillera des expositions de photos, avec un renouvellement régulier, au fur et à mesure de l'avancée du projet. Les infos sur le projet pourront être complétées par des photos + informations sur l'histoire du quartier, ou du lieu. Nous voulons faire participer les trois arrondissements limitrophes et tout faire pour que les habitants s'approprient le projet. Nous avons prévu que ces surfaces soient facilement nettoyables... Encore une chose sur laquelle je voudrais insister : il s'agit d'un chantier propre, avec un tri des matériaux sur place avant leur évacuation. On ne peut pour autant garantir que le chantier ne provoque pas des perturbations au niveau de la circulation. Nous avons demandé aux entreprises que les gros mouvements de camions n'aient pas lieu les jours de marché. C'est un souhait.
Vous pourriez faire en sorte que l'existence du chantier soit annoncée bien en amont sur les boulevards de Rochechouart et de Barbès. Les automobilistes pourraient éviter ainsi, au besoin, le boulevard de La Chapelle lors des chargements de gros camions.
Nous verrons avec la Direction de la voirie et des déplacements.
Venons-en à la programmation. La Mission cinéma est-elle chargée du projet jusqu'à l'ouverture du cinéma ? En êtes-vous à la rédaction du cahier des charges ? Et si oui, quelle est la marge des habitants pour donner leur avis sur le sujet ?
Nous aurons même pour mission de suivre le dossier après l'ouverture du cinéma... Nous ne lâchons pas l'exploitant après désignation. Les grandes lignes sont confirmées : trois salles art et essai, toutes équipées en numérique, avec l'une d'elle équipée aussi d'une régie pour y faire des spectacles musicaux. Une des salles du sous-sol sera dédiée plus particulièrement aux cinémas du monde, pas du Sud ou de la Méditerranée, mais aux cinémas du monde, celui qui ne trouve pas toujours un grand écho. Le classement « art et essai » de la salle oblige l'exploitant à programmer 70% de ses films en A&E mais lui permet aussi de prétendre aux aides dont ce cinéma bénéficie. Il faut toutefois savoir que certains films recommandés art et essai par le CNC font beaucoup d'entrées, par ex. Gran Torino de Clint Eastwood en 2009.
Quant à la marge des habitants, il faut dire que nous n'allons pas les consulter pour écrire le cahier des charges, qui est en grande partie un document juridique, une délégation de service public (DSP) très encadrée. En revanche, nous souhaitons que le Louxor s'intègre dans les habitudes du quartier. Nous avons établi une cartographie culturelle du quartier et nous nouons des contacts avec d'autres lieux, comme le centre Barbara, tout proche. Le Louxor sera aussi un lieu d'accueil pour les élèves dans le cadre de l'éducation à l'image, qui marche très bien. Maintenant, on n'est pas complètement fermé aux suggestions venant des habitants, mais il faudrait parler d'échanges plutôt que de concertation. Il faut réfléchir à la procédure que ces échanges peuvent suivre, pour qu'on la définisse lors de la réunion qui se tiendra au premier trimestre 2011, sachant que la DSP sera lancée en septembre 2011 et que le cahier des charges doit être bouclé avant cette date.
Il faudra tenir compte des souhaits de la Ville, de l'offre culturelle existante, du choix de l'exploitant, de ses choix à lui, exploitant... La Ville choisira le mieux disant, mais pas fatalement du point de vue financier. L'intégration dans le quartier, comme je le disais, est importante et donc le programme autour du film, les animations, tout ce qui peut accompagner des projections, avant-première, festival, est à regarder de très près et à valoriser.
Quelle garantie avons-nous que tout se déroule selon les plans ? Une garantie financière de l'exploitant si les entrées sont insuffisantes pour assurer l'équilibre ? Des difficultés économiques seraient-elles compensées par une augmentation des subventions de la Ville ?
La DSP est une procédure bien rôdée. Les juristes prévoient toutes les situations, y compris les cas de difficultés financières, et les façons d'y remédier. Elle est signée pour 7 ans. Au niveau des tarifs des places de cinéma, la Ville ne peut intervenir. L'ensemble est très contrôlé pour éviter des distorsions de concurrence. En revanche, elle peut écrire dans son cahier des charges, qu'elle est sensible aux efforts de l'exploitant en direction des spectateurs étudiants, ou chômeurs, ou retraités (seniors en politiquement correct), etc. Subtil, mais juridiquement correct.
Paris, le 28 septembre 2010