La présentation faite au cours du dernier Conseil de quartier Trudaine Rochechouart à propos du code de la rue a fait réagir un de nos lecteurs qui nous a envoyé le texte ci-après. Il s'agit en fait d'une reflexion élargie sur la vie urbaine quotidienne en commun. Les avis qui y sont exprimés n'engagent que leur auteur mais alimentent le débat qui a bien besoin d'être pris en mains par les citoyens eux-mêmes.
oOo
Le projet "Code de la Rue" m'intéresse également car il aborde par le biais de la rue un problème plus général auquel nous sommes confrontés : la coexistence d'individus et de populations avec des rythmes différents, des préoccupations différentes, des stress différents, des cultures différentes...
L'acceptation de cette diversité s'appelle tolérance et elle est une des bases de la société en démocratie.
Cette tolérance passe, il me semble, d'abord par la considération de l'autre comme une personne et non comme un "faisant partie d'une catégorie" éventuellement ennemie : en d'autres termes la tolérance passe par le refus de la logique "Eux et Nous".
Si un motocycliste descend la rue des Martyrs en sens interdit sur le trottoir, je ne dirai pas "les motards envahissent le trottoir" mais "cette personne est en train de faire une infraction au code de la route et elle met en danger..."
Si une mobylette tunée remonte la rue de Rochechouart en m'empêchant de continuer ma conversation avec mon voisin, je ne dis pas "les jeunes n'ont plus de respect pour rien" mais "cette personne..."
Si un chauffeur de bus envoie une gerbe d'eau sale sue le trottoir je ne pense pas "les chauffeurs de bus n'ont plus aucune considération pour les piétons" mais "ce chauffeur...".
Nous pourrions énumérer des dizaines d'exemples qui polluent notre pensée et amoindrissent notre capacité de vie ensemble : les commerçants qui envahissent le trottoir, les automobilistes qui ne donnent pas la priorité aux piétons, les piétons qui traversent en dehors des clous, les livreurs qui s'arrêtent en double file, les cyclistes qui roulent côte à côte en bloquant la chaussée, les vieux qui mettent une éternité à traverser la rue, les lycéens qui couvrent le trottoir de chewing-gum...
Sortir de la logique des catégories et des étiquettes, se libérer de la logique "Eux et Nous" nous permet de quantifier le problème, de sortir de l'impression angoissante d'être confrontés à des problèmes insolubles.
Cela nous permettrait éventuellement de comprendre les raisons de certains comportements (comprendre ne signifie pas accepter mais se donner les moyens d'intervenir efficacement).
Qui dit travail de communication pour faire évoluer les mentalités, dit automatiquement travail de longue haleine, utilisant des leviers et des supports variés.
Je vois des analogies dans le travail fait par la mairie sur la propreté : en associant le rappel des amendes, en suggérant que salir est "ringard", en faisant appel au sens civique, en martelant le message par des campagnes successives et évolutives elle a obtenu des avancées observables.
Dans ce travail de communication c'est bien de tenir compte d'un autre élément : les avancées ne sont jamais définitives, du moins sur le court et moyen terme. Je me souviens d'un chauffeur de taxi turinois qui dirigeait une petite entreprise de sous-traitance pour Fiat dans la colline piémontaise. Il m'a dit tout simplement sans l'ombre d'un ressentiment : "la mauvaise qualité se fait toute seule : si je veux obtenir de la bonne qualité, c'est un travail de tous les jours". pour lui ce n'était un reproche mais une simple constatation.
Si nous nous engageons dans ce projet, le travail fait au niveau de notre quartier peut devenir une espèce de laboratoire et fournir du matériel à des campagnes plus vastes gérées par la ville (et plus si affinités).
Commentaires
Le texte avait été publié sur agoravox, non? C'est bien de le reprendre, faut faire circuler (si je puis dire)