Cité de Trévise


Bien sûr, la cité de Trévise n’est pas un endroit où l’on peut se reposer comme tous ceux que Paris Neuvième vous a présenté jusqu’à maintenant. Mais c’est un lieu tellement représentatif de notre arrondissement que nous ne pouvons pas l’oublier dans notre petit inventaire. Avec ses débouchés rue Bleue et rue Richer, la cité de Trévise est un bel ensemble architectural que malheureusement la présence de voitures défigure. Créée en 1840 par une opération de lotissement telle que ce quartier les a connu à cette époque, sa petite place au centre de laquelle se trouve une fontaine ornée de 3 nymphes se tenant par la main reste un endroit calme et reposant. Les immeubles qui entourent la place de style néo Renaissance sont tous remarquables et il faut s’y arrêter pour en apprécier toutes les ornementations. Dans sa publicité, le promoteur disait : « Cette cité offre la retraite la plus agréable au milieu du bruit des affaires et des plaisirs ». C’est encore vrai aujourd'hui. Pour une fois qu’une publicité de ment pas ! La cité Trévise vaut mieux que d’y passer, il faut regarder et lever les yeux. Bonne visite.


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Vive les Godillots !
« Alexis Godillot (1816-1893), le chausseur sachant chausser de la rue Rochechouart »
par Bernard Vassor in :André Roussard, « Les Montmartrois », éditions André Roussard ©2004
Alexis Godillot, industriel d’origine modeste, est né à Besançon. Sous le Second Empire, étant bonapartiste, il est intronisé « entrepreneur officiel des fêtes de l’Empereur » c'est-à-dire, dans notre langage d’aujourd’hui, en charge de la communication et de la décoration des villes que Napoléon III traversait.
Alexis Godillot est « l’inventeur » de la différenciation du pied gauche et du pied droit. Son père tenait alors une échoppe 278 rue Saint-Denis, puis, boulevard Bonne Nouvelle, il ouvre un Bazard vendant des articles pour fêtes publiques ainsi que des toiles de tentes. Fournisseur exclusif aux armées de matériels d’ambulance, objets de campement, de tentes, de selles, de chaussures montantes, etc., il s’enrichit en 1853 grâce à la guerre de Crimée, puis à la guerre d’Italie. Il achète des terrains à Saint Ouen pour y construire des tanneries. Il est nommé Maire de cette ville par l’Empereur. Il abandonnera ses fonctions à l’entrée des troupes prussiennes dans sa cité, seul un secrétaire de mairie et le Garde-champêtre assureront la continuité des services publics !


Atelier de fabrication à gauche et fabrication de chaussure à droite chez Godillot
En 1854 il fait bâtir une usine au 54 de la rue Rochechouart, (anciennement chemin des Porcherons.) Il était domicilié au numéro 56 qui existe encore de nos jours.
A partir de 1859, les marchés passés par le Ministère de la Guerre vont l’obliger à augmenter les unités de production au numéro 52 puis au 61, 63, 65 de la même rue, et plus tard au 21 rue Pétrelle pour l’atelier de « corroierie », faisant du quartier une grande concentration ouvrière avec les ateliers et salles de concert Pleyel au 20-24 de la rue Rochechouart, où l’on comptait déjà 2 facteurs de pianos, la grande fabrique de quincaillerie, les abattoirs de l’avenue Trudaine et les usines à gaz, des milliers d’employés et manufacturiers vont faire vivre ce quartier avec ses cabarets, ses salles de théâtre, de concerts, des marchands de vin, ses « assommoirs » et bien entendu ses hôtels garnis et ses maisons de tolérance.
Le "catalogue" Godillot
A la chute du Second Empire, sous la Commune et pendant tous les changements de régime, il conservera le monopole des commandes de l’armée, employant environ 3 000 ouvriers. Il établira également des usines à Nantes et à Bordeaux.
Ayant fourni pendant l’insurrection en mars 1871 l’habillement de la Garde nationale insurgée, toute personne portant les fameuses chaussures jaunes pendant « la semaine sanglante » était alors soit fusillée sans autre forme de procès, soit conduite devant une Cour prévôtale qui décidait de la suite à donner, conseil de guerre, prison, déportation ou peine de mort.
Un incendie dévastera en 1895 tous les ateliers de la rue Rochechouart et de la rue Pétrelle.
Son brodequin clouté fera entrer Alexis Godillot dans l’Histoire. Le langage populaire va consacrer le personnage de son vivant. Dès 1865 le dictionnaire d’argot « le Lorédent-Larchey », donnera « godasse » comme déformation du mot Godillot.
Nous ne retenons aujourd’hui que le nom commun. Le bel Alexis, sosie de Napoléon III, va sombrer dans l’oubli pour ne laisser attaché à son nom qu’un terme péjoratif comme par exemple : « les godillots du Général » qui désignaient, dans les années 60, les Députés gaullistes qui votaient les Lois à l’Assemblée Nationale les yeux fermés.
Passionné d’urbanisme, Alexis Godillot a aménagé des quartiers entiers de villes, Saint-Ouen bien sûr mais aussi Hyères où il passera une retraite heureuse.
Sources :
Archives de Paris D1P4
Archives municipales de Saint-Ouen
BHVP
Turgan, Les Grandes Usines, T III Paris 1875
Collectif : Guide des sources du mouvement communaliste - en cours d’achèvement
Archives privées : Bertrand Vargas, P-E Séda
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Passage des Arts : le projet « Place à Lino ! » (2) atelier modelage & sculpture
L’atelier « modelage & sculpture » de l'association Passage des Arts regroupe 9 personnes qui se sont lancées dans une œuvre collective d’hommage à Lino Ventura. C’est à la fois l’acteur et la personne qui ont inspiré la démarche de l’atelier, sa forte présence physique mais aussi sa sensibilité. Pour illustrer tout cela, les sculpteurs ont retenu l’idée d’une structure « monumentale » qui sera exposée sur la place Lino Ventura le 24 Juin et représentant un rhinocéros portant un ange sur son dos. La phrase symbolique choisie « le rhinoventura ou le linoféroce » exprime bien ce que les artistes veulent dire. Ce projet a été l’occasion pour l’atelier de travailler différemment. En effet, chacun jusqu’à maintenant se concentrait sur des œuvres individuelles de modelage et le passage à une œuvre collective de grande taille devant incorporer plusieurs aspects a été l’opportunité d'approcher de manière nouvelle la sculpture.
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Une guitariste Argentine dans le 9ème
Il n’y a pas plus argentin ni plus parisien que Délia Estrada ! Cette guitariste classique arrivée à Paris en 1977 s’est installée dans notre arrondissement en 1999. Elle s’est très rapidement intégrée au quartier en montant une petite chorale d’enfants au sein de l’église Notre Dame de Lorette ce qui lui a permis de nouer de nombreux contacts et de lancer de manière bénévole beaucoup de projets dans le quartier, tous liés à l’Argentine de sa naissance et à la musique de son cœur. Mariée à un français et maman de deux enfants, Délia est professeur de guitare au Conservatoire de musique de Puteaux et Directrice de collection aux éditions Lemoine. Elle consacre sa vie à la musique, argentine bien sûr, qu’elle soit classique ou bien folklorique, ce dernier aspect des choses ayant sa préférence. Elle a su créer dans le 9ème un petit réseau d’artistes argentins, peintres et musiciens bien sûr.
Si Paris Neuvième vous parle de Délia Estrada, c’est que le petit groupe de musiciens qu’elle a monté, Confluences, composé d’un flûtiste, d’un violoniste, d’un chanteur et d’un joueur de bandonéon sans oublier la guitariste Délia Estrada, va participer à un événement culturel dans le 9ème au mois de Juin. Dans le cadre de la manifestation « José de San Martin et Alexandre Aguado, les retrouvailles inattendues ou la Force du Destin » dont Paris Neuvième vous a parlé le 4 Juin, un concert est organisé le 15 Juin salle Rossini à la Mairie à 20h30 au cours duquel le groupe Confluences nous fera un panorama de la musique argentine autour du folklore et du tango.
4 membres du goupe Confluences : de gauche à droite - Aldo Ariel, Raul Maldonado (artiste invité pour ce concert), Délia Estrada et Nini Flores
Délia Estrada, femme dynamique et sympathique, a bien d’autres projets en tête pour l’arrondissement, Paris Neuvième viendra vous en reparler régulièrement
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Le "La Roche"
Paris Neuvième aime l’Histoire. Non pas pour se complaire dans la nostalgie mais parce que celle-ci nous permet de mieux comprendre le temps présent. Notre arrondissement est l’un des plus riches de Paris en la matière et il nous a semblé intéressant d’ouvrir une rubrique spéciale de manière à vous présenter des lieux peu connus du 9ème, la littérature ne manquant pas pour les grands classiques que sont par exemple l’église Notre Dame de Lorette, l’hôtel Dosne Thiers place Saint Georges ou encore l’hôtel Aguado aujourd’hui Mairie du 9ème rue Drouot.
Bernard Vassor, habitant du 9ème bien sûr, et historien dans l’âme a bien voulu accepter de nous aider pour tenir cette rubrique. Cet ancien libraire, chercheur indépendant, a déjà organisé pas mal de manifestations historiques et écrit beaucoup d’articles très documentés sur notre arrondissement. Bernard Vassor est pour nous gage de qualité dans les informations que nous diffusons et nous le remercions chaleureusement de son soutien.
Et comme ces petits articles seront aussi une incitation à la promenade dans notre arrondissement, nous les publierons de préférence le Vendredi ou le Samedi.
Le café La Rochefoucauld (le « La Roche » pour les habitués)
par Bernard Vassor
Aujourd’hui portant le nom de « La Joconde », ce café est un endroit historique à bien des égards.
Le « La Rochefoucauld » est situé à l’angle de la rue du même nom et de la rue Notre Dame de Lorette. En ce milieu de XIXème siècle, il est surtout fréquenté surtout par les peintres dits « académiques » et reçoit tous les jours à l’heure de l’apéritif tout ce qui compte à Paris d’artistes convenables … contrairement au café « Guerbois », 7 chemin des Batignolles (avenue de Clichy) et à « La Nouvelle Athènes » 9 place Pigalle, fréquentés eux par ceux que l’on nommera plus tard « les intransigeants », « les communards» puis par dérision « les impressionnistes ».
Ecrivains et plasticiens se confrontent, se brouillent, se réconcilient devant un bock, une absinthe ou un verre de vin. Degas, intime de Gustave Moreau pendant sa jeunesse puis longtemps fâché avec lui, renouera des relations orageuses au « La Roche » avec son vieil ami.
Le peintre Gervex rapportera la discutions suivante :
- « Mon cher Degas, vous avez la prétention de renouveler la peinture avec des contrebasses et des danseuses » déclare Moreau.
- « Non mon cher, pas plus que vous avec vos Christs montés en épingle de cravates ».
On peut y rencontrer Henri Dumont qui épousera Ellen André modèle de Manet, Forain, Renoir, Alfred Stévens, et les artistes célèbres de l’époque : Henner, Cormon « le père La Rotule » et l’ancêtre Harpignies. Les frères Goncourt, le peintre Guillemet, Maupassant, qui a été introduit dans l’endroit par William Busnach l’adaptateur de Zola au théâtre, figurent parmi les plus assidus.
Le soir, Adolphe Goupil le marchand de tableaux associé de la famille Van Gogh en voisin de la rue Chaptal, vient prendre son dîner en compagnie de son gendre Léon Gérome (peintre).
Après la fermeture du Divan Le Peletier (situé à l’angle du boulevard des Italiens et du passage de l’Opéra) selon les frères Goncourt, les représentants de « la basse bohème » vont établir leur quartier au « La Roche ».
Manet, Baudelaire, le commandant Lejosne, l’émeutier de juin 48, Poulet-Malassis l’éditeur des « Fleurs du Mal », toujours flanqué d’Alfred Delveau l’historiographe des bas-fonds, auteur d’un dictionnaire d’argot. Henri Murger à l’heure de l’absinthe et bien sur Aurélien Scholl journaliste, critique et le polémiste le plus redouté, les philosophes Fioupiou et Saisset complètent la clientèle de ce « petit mauvais lieu fort bête, qui sont aux lettres ce que sont les courtiers d’un journal au journal » (Journal des Goncourt).
Bien sûr l’ambiance a changé de nos jours. L’endroit vient d’être repris pas un couple sympathique et on peut y aller boire un verre et rêver sans nostalgie.
Sources :
Antonin Proust, la Revue Blanche, livraisons de février à mai 1897
Henri Gervex, Revue du Louvre, octobre 1937
Archives de Paris, D1P4/
Journal des Goncourt
Souvenirs de Ph.Audebrand, Alfred Delveau, Virmaitre etc…
Le "La Roche" aujourd'hui "La Joconde"
57, rue Notre Dame de Lorette