« Alexis Godillot (1816-1893), le chausseur sachant chausser de la rue Rochechouart »
par Bernard Vassor in :André Roussard, « Les Montmartrois », éditions André Roussard ©2004
Alexis Godillot, industriel d’origine modeste, est né à Besançon. Sous le Second Empire, étant bonapartiste, il est intronisé « entrepreneur officiel des fêtes de l’Empereur » c'est-à-dire, dans notre langage d’aujourd’hui, en charge de la communication et de la décoration des villes que Napoléon III traversait.
Alexis Godillot est « l’inventeur » de la différenciation du pied gauche et du pied droit. Son père tenait alors une échoppe 278 rue Saint-Denis, puis, boulevard Bonne Nouvelle, il ouvre un Bazard vendant des articles pour fêtes publiques ainsi que des toiles de tentes. Fournisseur exclusif aux armées de matériels d’ambulance, objets de campement, de tentes, de selles, de chaussures montantes, etc., il s’enrichit en 1853 grâce à la guerre de Crimée, puis à la guerre d’Italie. Il achète des terrains à Saint Ouen pour y construire des tanneries. Il est nommé Maire de cette ville par l’Empereur. Il abandonnera ses fonctions à l’entrée des troupes prussiennes dans sa cité, seul un secrétaire de mairie et le Garde-champêtre assureront la continuité des services publics !
Atelier de fabrication à gauche et fabrication de chaussure à droite chez Godillot
En 1854 il fait bâtir une usine au 54 de la rue Rochechouart, (anciennement chemin des Porcherons.) Il était domicilié au numéro 56 qui existe encore de nos jours.
A partir de 1859, les marchés passés par le Ministère de la Guerre vont l’obliger à augmenter les unités de production au numéro 52 puis au 61, 63, 65 de la même rue, et plus tard au 21 rue Pétrelle pour l’atelier de « corroierie », faisant du quartier une grande concentration ouvrière avec les ateliers et salles de concert Pleyel au 20-24 de la rue Rochechouart, où l’on comptait déjà 2 facteurs de pianos, la grande fabrique de quincaillerie, les abattoirs de l’avenue Trudaine et les usines à gaz, des milliers d’employés et manufacturiers vont faire vivre ce quartier avec ses cabarets, ses salles de théâtre, de concerts, des marchands de vin, ses « assommoirs » et bien entendu ses hôtels garnis et ses maisons de tolérance.
Le "catalogue" Godillot
A la chute du Second Empire, sous la Commune et pendant tous les changements de régime, il conservera le monopole des commandes de l’armée, employant environ 3 000 ouvriers. Il établira également des usines à Nantes et à Bordeaux.
Ayant fourni pendant l’insurrection en mars 1871 l’habillement de la Garde nationale insurgée, toute personne portant les fameuses chaussures jaunes pendant « la semaine sanglante » était alors soit fusillée sans autre forme de procès, soit conduite devant une Cour prévôtale qui décidait de la suite à donner, conseil de guerre, prison, déportation ou peine de mort.
Un incendie dévastera en 1895 tous les ateliers de la rue Rochechouart et de la rue Pétrelle.
Son brodequin clouté fera entrer Alexis Godillot dans l’Histoire. Le langage populaire va consacrer le personnage de son vivant. Dès 1865 le dictionnaire d’argot « le Lorédent-Larchey », donnera « godasse » comme déformation du mot Godillot.
Nous ne retenons aujourd’hui que le nom commun. Le bel Alexis, sosie de Napoléon III, va sombrer dans l’oubli pour ne laisser attaché à son nom qu’un terme péjoratif comme par exemple : « les godillots du Général » qui désignaient, dans les années 60, les Députés gaullistes qui votaient les Lois à l’Assemblée Nationale les yeux fermés.
Passionné d’urbanisme, Alexis Godillot a aménagé des quartiers entiers de villes, Saint-Ouen bien sûr mais aussi Hyères où il passera une retraite heureuse.
Sources :
Archives de Paris D1P4
Archives municipales de Saint-Ouen
BHVP
Turgan, Les Grandes Usines, T III Paris 1875
Collectif : Guide des sources du mouvement communaliste - en cours d’achèvement
Archives privées : Bertrand Vargas, P-E Séda