L’histoire de Paris nous montre à travers les siècles que notre capitale a souvent rencontré, pour son agrandissement, un problème du type de celui qu’elle rencontre avec le boulevard périphérique actuel. Des barrières démolies sous Louis XIV et qui constituent aujourd’hui nos Grands Boulevards aux fortifications Thiers détruites au début du 20ème siècle dont les extérieurs suivent la trace en passant par la barrière des Fermiers Généraux de 1785 (« Le mur murant Paris rend Paris murmurant » - boulevards de Clichy et de Rochechouart dans le 9ème par exemple), les obstacles physiques n’ont pas manqué pour gêner ce qui finalement était devenu inéluctable, à savoir la croissance en taille de la ville. Dans cette perspective historique, regardons donc le périphérique non pas comme un obstacle insurmontable mais bien comme une péripétie dans l’histoire séculaire de la capitale.
Tout le monde aujourd’hui est d’accord pour reconnaître que Paris souffre dans son périmètre actuel et que nombre de problèmes comme les transports, le logement, l’environnement, le développement économique, le traitement des déchets, etc. etc. ne pourront être traités qu’à un niveau régional. La chose est d’autant plus nécessaire que de réels déséquilibres existent entre Paris et ses alentours : déséquilibre démographique -2 millions d’habitants à Paris et environ 10 millions hors Paris pour la région, déséquilibre économique : la Ville de Paris étant de loin la plus riche et contribuant largement au financement d’organismes communs comme le STIF par exemple.
Mais encore faut il se mettre d’accord sur la définition du niveau régional. Le sujet, pourtant essentiel, est plus ou moins traité dans le programme des candidats à la Mairie de Paris et nous vous proposons d’y jeter un coup d’œil.
Dans son fascicule programme « Paris, un temps d’avance … », Bertrand Delanoë traite la question au chapitre IV en deux courtes pages intitulées « Agir à la bonne échelle » où il défend son projet Paris Métropole. Dans la continuité de ce qui a été lancé en 2006 avec la conférence métropolitaine, il préconise la mise en place d’assises de l’agglomération parisienne afin de définir un nouveau cadre institutionnel avec un calendrier de mise en place, assises qui regrouperaient outre Paris et les communes proches, l’Etat et la Région Ile de France. Projet au périmètre encore flou – le fascicule parle d’un espace urbain de 6 millions d’habitants formé de 4 départements – il se heurte à la bonne volonté des élus des autres communes et aussi, leitmotiv de campagne de Bertrand Delanoë, à la nécessaire solidarité financière des communes concernées.
Françoise de Panafieu traite la question à la rubrique « intercommunalité » de son programme. Le projet n’est pas ici plus précis que celui du PS puisqu’il préconise des structures de coordination projet par projet (logement, déplacements, urbanisme) dans le cadre de nouveaux syndicats intercommunaux tout en souhaitant la création d’une communauté urbaine comme cela a été fait à Bordeaux par exemple.
Le Mouvement Démocrate (MoDem), et sa tête de liste Marielle de Sarnez, est un peu plus précis (point 7 du programme) en utilisant d’ailleurs les mêmes méthodes que le PS ou l’UMP : mise en place d’une structure de concertation dès après les élections accompagnée de forums et de débats dans le cadre des « Etats Généraux du Grand Paris » tout en s’appuyant sur des démarches concrètes concernant certains projets prioritaires comme les transports ou le développement économique. Le projet est plus précis dans la mesure où il souhaite regrouper 80 communes constituant la zone dense de l’agglomération qui représentent 50% de la population francilienne.
Dans leurs 50 propositions, Les Verts eux ne traitent pas cette question.
Il est frappant de constater qu’un sujet aussi « capital » pour notre ville soit traité de cette manière. Est-ce une façon de reconnaître implicitement que les marges de manœuvre des élus locaux sont limitées et que c’est l’Etat qui reste maître des décisions en la matière ? Est-un manque d’imagination ou de volonté politique ? Commune aux trois partis politiques est la manière d’aborder le sujet : en fin de programme, un peu à la sauvette. C’est dommage.
Commentaires
Dider
Je ne vous cache pas que j’attendais ce thème pour apporter ma faible contribution à ce billet.
Le sujet est très important. L’avenir politique de Paris est largement lié au développement de cette future structure. Comme vous, je regrette que les Verts n’aborde pas ce thème dans leurs 50 propositions, qui sont orientées « intra-muros first ». Cette absence de suggestions est dommageable pour le plan de déplacements et, l’évolution des transports individuels et collectifs. Peut-on encore raisonner uniquement à l’intérieur du périphérique ? La position des « Verts » est « ubuesque », puisque, ils veulent récupérer les montants des péages des autoroutes au profit du budget recettes de l’intra-muros !
Cela étant dit, Mme Ferri (Verts région IDF) s’est impliquée et était dans le comité de rédaction du dernier SDRIF (schéma directeur de la région).
Depuis le discours du Président de la République à Roissy en juin dernier, le « grand Paris » fait l’objet de toutes les discussions. A ce jour, cette structure donne lieu à des fortes divergences y compris à l’intérieur de tous les partis politiques. Par exemples JP Huchon est hostile (déclaration in 20 minutes de janvier 08). Alors que, B. Delanoë et P. Mansat sont très actifs autour de l’idée de « Paris métropole ».
De l ‘autre bord , F. Panafieu est frileuse et se voit reprocher par N. Sarkozy son manque de vision. R.Karoutchi (UMP) se rallie avec précaution aux futures assises de la métropole (il vise le poste de JP Huchon) . Ph Dallier (sénateur UMP ) conduit pour le sénat une commission d’enquête et est partisan, de la fusion des 4 départements périphériques (75+92+93+94) et « supprimer » les départements tiens tiens !
Pour l’instant personne ne peut avec certitude, dessiner les futurs contours de la nouvelle agglomération.
Actuellement, il y a grosso modo 5 scénarii :
F. Panafieu /R.Karoutchi : syndicat mixte ouvert. Les communes adhérent sur la base du volontariat
B. Delanoë/P. Mansat : « Paris métropole ». Métropole à géométrie variable qui englobe les communes selon les problèmes à résoudre.
JP Huchon /Y.Jego (UMP) : pas favorable à une nouvelle structure (ajout d’une nouvelle couche) . Ils souhaitent en renforcement des pouvoirs de la région
Ph .Dallier : fusion des départements périphériques (75+92+93+94)
P. Braouezec (PC) : concept d’une multitude de pétales type « marguerite » (conglomérat de communes) autour de Paris.
Rien n’est fait, cela promet des guerres picrocholines dans tous les groupes politiques.
Reste qu'il faut trouver la bonne gouvernance pour ne pas faire de l'ombre à la région IDF
Sans perdre de vue que , cette nouvelle métropole est indispensable pour résoudre de graves dysfonctionnements (transport, logement, emploi).De plus, Paris et les Hauts de Seine ne peuvent plus vivre avec à ses portes des communes en grandes désespérances. Il faut partager le « gâteau » autrement. Les émeutes de novembre 2005, ne sont-elles pas l’élément déclencheur pour faire ?
De ce que j'en comprend, ils y'a deux éléments qui coincent: la peur des communes limitrophes de se faire bouffer par Paris, et la grande peur de 70% du territoire de l'Ile de France d'être laissé pour compte.
En effet, la région est une machine à redistribuer des communes urbaines et riches vers les communes rurales, qui sont majoritaires et dont la plupart des parisiens ne savent même pas qu'elles existent. D'où la ligne d'Huchon, qui est également son intérêt bien compris, qu'une structure entre communes urbaines est d'une part inutile, puisque la région peut faire ce boulot, et d'autre part dangereuse car à terme coupant la ville de la campagne.
Pourtant, le périph ne marque pas la limite réelle de Paris (c'est ce que j'ai entendu dire, je l'ai jamais dépassé). A Bruxelles, le périph est quasi au milieu de la ville (comme les grands boulevards). Il doit y'avoir une prise en compte de cette continuité. Déjà, il a fallu des années pour que les collectivités récupèrent le STIF. Il faut donc trouver des aménagements.
Le projet de Dallier est indéfendable: il conduit à la superposition d'un échelon à la région, et cumule un peu toutes les tares. L'idée Panafieu / Karoutchi est moins dirigiste, mais aboutit à la même scission ville/campagne et au double emploi avec la région. La version Delanöe est plus souple, moins institutionnalisée, fait sa place à la région et ne fait pas de coupure nette avec la campagne. C'est à mon avis le plus équilibré... Je ne suis pas certain de comprendre ce que signifie concrètement Braouezec? Les verts, no comment.
Il est juste de remarquer que dans d'autres villes dans le monde le périphérique n'est pas un obstacle. Bruxelles au plus près de nous mais Pékin compte six ou sept périphériques, c'est dire que le 1 est en pleine ville !
Nous sommes je crois devant un problème classique : la contradiction entre ce qu'il serait souhaitable de faire et ce que les hommes en place souhaitent faire en fonction de leur intérêt personnel. Nul doute par exemple que les intérêts bien sentis de Huchon et de Delanoë sur le sujet sont opposés. Comme pour nombre de sujets,il faudrait que les citoyens remettent de l'ordre dans tout cela mais ce sera difficile
C’est LE grand sujet de l’après 16 Mars.C'est l’avenir économique de Paris (intra-muros) et des communes périphériques qui est en jeu. Faute d’un financement précis, le succès du N+n+1ème « plan banlieue » sera largement dépendant de la future entité politique.
« Il faudrait que les citoyens remettent de l'ordre dans tout cela mais ce sera difficile »
Il faudrait que les citoyens s’emparent du sujet et pour cela, qu’ils comprennent que cet « agrandissement » de Paris, n’est pas destiné à « bouffer » la banlieue pour in fine, comparer son tour de « biceps » avec Londres, Berlin, Barcelone, Milan… Donc il faut qu’un (des) parti(s) implique(nt) les citoyens via projets ,enquête publique, référendum.
La création d’une entité regroupant la capitale et les communes alentour ne se fera pas sans concertation, nécessairement longue, avec les futurs élus locaux.
Reste, qu’il faut trouver le bon périmètre et la bonne gouvernance pour ne pas reléguer le reste de la région IDF dans le wagon de queue du développement.
Et comme si, cela ne suffisait pas, s’ajoute une querelle sémantique : « Grand Paris » , « Paris Métropole », « Paris » , « Agglomération de Paris » .
Face à toutes ces querelles picrocholines (internes et externes aux partis concernés), le président de la République très pressé de marquer son empreinte « architecturale », risque de prendre tout le monde de court. Il y a à l’Elysée des experts qui planchent sur le sujet.
Pour ceux ou celles que le sujet passionne, je vous invite à lire « Avis de l'Etat (1) sur le projet de Schéma Directeur de la Région d’Ile-de-France arrêté le 15 février 2007 par le Conseil régional d’Ile-de-France ». Ce texte donne le « la » même si le sujet est un peu plus vaste et concerne le SDRIF.
(1) Préfet de région et site préfecture de région.