Le Castillet à Perpignan
Avant de rentrer à Paris, traditionnellement, je fais la visite des sites de la ville de Perpignan qui acceuillent les photoreporters de Visa pour l'Image.
Cette année encore, il y a beaucoup de monde.
Cette année encore, ce n'est pas gai.
Cette année encore, des conflits, des guerres, des réfugiés, des exilés...
Dans nos quartiers, entre Barbès et Stalingrad, nous sommes confrontés aux réfugiés, qu'ils soient refugiés de guerre ou économiques. Nous les voyons depuis quelques années maintenant se réunir sous le viaduc du métro aérien, alentour, y dormir, y manger, parfois s'y battre parce que la situation est difficile, qu'elle provoque des tensions, accentuées par les origines diverses des présents... Ici, à Visa pour l'Image, sur les photos, on voit le dérèglement du monde, puis la misère des hommes se répandre et gagner du terrain. On voit aussi leur extraordinaire volonté d'échapper aux bombes et aux conditions inhumaines de la guerre en Syrie, en Iraq ou ailleurs. On voit les femmes et les enfants souffrir, morts de peur, les regards suppliants ou hagards, et bientôt on se sent mal. On ressent son intolérance à l'égard de ces pauvres gens qui fuient l'enfer. On a tendance à mal se supporter... pour finir.
Dans une exposition de photos, la distance nous protège et nous permet de nous attarder sur les expressions des visages, de lire la détresse sans détourner les yeux. Ces réfugiés de l'expo sont peut-être passés sous nos fenêtres, ceux-là ou leurs frères de galère. Ou bien ils passeront demain ou après-demain.
Parmi les nombreuses expositions qui sont à voir, j'ai choisi de vous présenter celle de Marie Dorigny (une vue de l'expo ci-dessus) qui répondait à une commande du Parlement Européen, et de prendre un extrait d'une interview donnée par la photographe à Polka Magazine le 7 mars 2016 où elle répond sur la condition des femmes qui émigrent :
A quoi sont confrontées les femmes qui émigrent? Contrairement aux migrants économiques qui sont pour beaucoup des jeunes hommes seuls, les réfugiés de guerre partent très souvent en groupe. J’ai vu des familles entières émigrer, avec parfois quatre générations. C’est très émouvant. On réalise que la Syrie, l’Irak, le Kurdistan, certaines régions d’Afghanistan, se vident entièrement. Il y a donc sur ces routes beaucoup de femmes avec leurs enfants. Elles me rappellent ce que racontait ma mère de son exode pendant la Seconde Guerre mondiale en France. Sous les bombardements, jetée sur les routes, avec son vélo chargé de bagages... Eh bien, c’est exactement la même chose. L’UNHCR a d’ailleurs annoncé que 55% des migrants dont les nationalités pouvaient prétendre à l’asile étaient désormais des femmes et des enfants, ce qui n’était pas du tout le cas il y a un an. Les femmes que j'ai rencontrées sont terrorisées, jetées sur les routes, laissant tout derrière elles. Une grande maison, un bel appartement, des études, de vraies vies. J’ai vu beaucoup de jeunes mères avec des enfants en bas âge. Traumatisées par les traversées en mer où elles se sont vues mourir avec leurs petits, traumatisées par cet univers de la migration qui est très masculin. Imaginez une Afghane qui doit dormir au milieu de centaines d’hommes dans un camp! Les femmes ont peur des violences sexuelles bien sûr. Même si elles sont souvent protégées par les hommes de la famille. Et puis, il y a de nombreux cas d’accouchements prématurés, de fausses couches. |
Source : les réfugiées vues par Marie Dorigny
Je ne peux pas passer à côté du talent de Yannis Behrakis et ne pas vous encourager à aller sur le site du Guardian qui reprend bon nombre de ses photos exposées ici, à Perpignan, au Couvent des Minimes. Même thème, un sujet qu'il a traité pendant 25 ans de vie professionnelle, mais avec cette différence, que les migrants qu'il photographie sont arrivés dans son pays, la Grèce. Intense émotion, implication supplémentaire, engagement redoublé.
C'est ici et les légendes sont en anglais, mais vous comprendrez.
Continuez la visite sur le site même de Visa pour l'Image qui permet de voir beaucoup de photos de chez soi...
Comme chaque année, le festival Visa pour l'Image attire beaucoup de monde, et notamment beaucoup de professionnels. On aimerait, bien sûr, voir moins de clichés dramatiques, mais nos sociétés vont mal et le travail des photoreporters ne fait que nous le rappeler.
Dans l'Eglise des Dominicains.