Fin de matinée au carrefour Barbès. Ciel bas. Soleil timide. Effervescence habituelle des passants.
A l'arrière de la sanisette située devant le 155 boulevard de Magenta (9e), deux agents s'activent.
— Vous trouvez beaucoup de seringues quand vous faites le nettoyage de la station ?
— Ah, oui, autant que vous en voulez ! Mais la meilleure pour cela c'est celle de Lariboisière.
— Celle de la rue Ambroise-Paré... Oui, nous la connaissons. Elle ne plaît pas beaucoup aux riverains.
— C'est moi qui l'ai rouverte. C'était un samedi matin et j'ai été mal reçu. Qu'est-ce que j'ai pris ! Mais j'avais des ordres, y compris du maire.
— Les riverains estiment qu'elle ne sert qu'aux toxicomanes et avaient obtenu qu'elle soit fermée. Pourtant si ce n'est pas ce lieu fermé, à l'écart des regards, qui sert d'abri pour les usagers de drogue, ils retourneront dans les cages d'escalier, voire même dans des lieux beaucoup moins discrets encore...
— On reparle de la salle de shoot, ça s'rait mieux quand même..
— Vous le pensez ?
— Bah, oui. Vous voyez ici, c'est nous qu'on retire la merde. Il y a un bac de 80 litres d'eau en dessous, et au bout de 100 utilisations — lavages de la sanisette — l'eau va à l’égout. Puis ça se remplit avec de l'eau propre. Y a un filtre et les déchets restent là, dans la grille. Les seringues aussi. Nous, on les récupère avec le reste.
— Cent utilisations, ça fait combien de jours ?
— Oh là, elle est bien utilisée celle-là ! Elle fait entre 150 et 200 passages par jour.
Un sexagénaire s'approche et demande à utiliser la sanisette malgré ses entrailles exposées en plein air...
— Non, elle est hors service, vous voyez bien. Il y en a d'autres dans le coin !
L'homme ne comprend pas bien, il est étranger. Nous lui expliquons où trouver ce qu'il cherche. Il faut dire que nous connaissons bien la situation des autres sanisettes du quartier. Nous avions même milité auprès du responsable de leur implantation à la Direction de la Propreté pour que le carrefour ne soit pas démuni sur ce plan. Entre la validation par le Préfecture de police, les protestations des riverains, l'étroitesse de certains trottoirs, le passage des réseaux urbains en sous-sol, l'incongruité de mettre une sanisette devant un commerce d'alimentation par exemple et plein d'autres contraintes, les emplacements qui conviennent ne sont pas légion.
— Montez le long de la voie du métro, à peu près face au Celio, il y en a une autre.
La Ville prévoit de doubler le nombre des sanisettes dans les prochaines années. Elle sont au nombre de 400 pour l'instant et cessent leur « service » à 22 heures. Cet horaire aussi devrait peut-être faire l'objet d'une observation fine, et être revu...