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  • La loi et le patrimoine -3-

    Patrimoine --- suite de notre article du 18 août et fin  ---

    « Le respect public doit entourer particulièrement les objets nationaux qui, n’étant à personne, sont la propriété de tous L’abbé Grégoire. 1794.

    La dérive à craindre

    L’absence de solidarité entre les monuments — actuellement, les plus rentables font vivre les autres grâce à la péréquation des moyens financiers, à travers l’action de l’état — laisse craindre qu’elle conduise à terme, d’une part, à la vente des plus alléchants d’entre eux, qui, une fois acquis par le secteur privé, seront transformés en unités marchandes (restaurants, hôtels, salles de spectacles), et d’autre part, à l’abandon plus ou moins assumé des plus fragiles. Propriété de tous à l’origine, certains seraient réhabilités pour le profit de quelques uns. Il y aurait indubitablement perte pour le patrimoine commun, historique, mais aussi culturel, national au sens de ce qui soutend la fierté et l’appartenance à un territoire.

    Un entretien coûteux pour une collectivité terrritoriale

    Dès 2008, lors du vote de la première loi qui offrait une série de 176 monuments nationaux au choix des collectivités, les élus avaient déjà manifesté leurs craintes. Ils n’ont pas toujours les moyens de l’entretien que suppose un monument historique, dont par ailleurs ils sont fiers au même titre que leurs concitoyens. Parallèlement, ils sont  confrontés aux obligations juridico-techniques auxquels ledit monument les contraint, de même que tout le bâti existant dans un périmètre de 500 mètres. Ajoutez à celles-ci les mesures indispensables d’accessibilité et de sécurité. Un casse-tête qui en refroidit beaucoup. Jusqu’à faire craindre la perspective de classements de monuments plus récents qui sont implantés dans des zones très urbanisées, mais pas forcément très respectueuses des contraintes liées au patrimoine (par exemple, les bâtiments des années 1930-1950 construits par André Lurçat situés dans les banlieues ouvrières).

    Le transfert partiel ou total au secteur marchand

    Après le transfert aux collectivités locales, la loi autoriserait la vente, sous certaines conditions, notamment après un délai de vingt ans. Confier au privé, ou au marché, ce qui revient au même, tout ou partie de la conservation de nos monuments comporte des risques qu’on ne mesure pas bien au début. On peut penser qu’il vaut mieux accepter le financement d’un mécène (disons d’un mécène dans un premier temps) que de grever le budget de l’état ou de la collectivité sur le territoire de laquelle s’élève le monument. Pas si sûr. Pas sans garde-fou toutefois. Voyez l’exemple de Venise et ses immenses bâches publicitaires, que relate cet article récent de Rue89. Assez navrant… Près de chez nous, pensez également à la réfection du bâtiment administratif de la SNCF, qui longe la station de taxis, près de la gare du Nord. Il n’y a pas si longtemps il disparaissait sous une grande bâche multicolore. Le nom de l’annonceur était assez discret et l’ensemble finalement assez joli. Mais qui en décide ? N’est-on pas là dans le périmètre d’un édifice classé ? Ces bâches immenses, les nouvelles techniques d'impression numérique grand format aidant, font leur apparition discrète sur des immeubles en réfection. Imaginons qu’elles se multiplient. Et elles se multiplient. Il suffit de visiter les sites des professionnels de cette activité. Les afficheurs sont toujours en recherche de nouvelles surfaces pour leurs clients annonceurs. Les emplacements nobles, très en vue, étant les plus prisés… on peut raisonnablement avoir des craintes. Ne pas confondre avec la bâche décorative qui cache un échafaudage et qui porte la marque de celui qui assume le ravalement... bien que... à terme ?

    Cela mérite réflexion dans tous les cas.

    Une dernière indication sur ce sujet : la revue de presse, très complète, des articles de novembre-décembre 2009, au moment des débats, se trouve sur le blog de Benoît de Sagazan, hébergé par Le Pelerin Magazine, d'un clic ici.

    Vous y découvrirez aussi sans quitter votre fauteuil une courte vidéo, postée quotidiennement, sur un site du patrimoine mondial de l'humanité.


  • La loi et le patrimoine -2-

    Patrimoine --- la suite de notre article du 12 août  ---

    Un espoir : les propositions de la Commission de la culture du Sénat pour éviter la braderie du patrimoine

    Peut-on voir dans la mobilisation de la Commission de la culture du Sénat un espoir de revenir sur l’article 52 de la loi de finances 2010 ? Rien n’est moins sûr, même si les dix propositions formulées relèvent d’une prise en compte des risques que cette loi fait courir à notre patrimoine et que les sénateurs ont découverts bien tardivement. A moins qu’ils aient été sensibles à certains scandales qui ont agité le microcosme (vente annoncée de l’Hôtel de la Marine, à Paris), sensibles aux difficultés rencontrées par les collectivités locales pour connaître l’état du bien convoité et les conditions financières de son entretien dans la durée, sensibles au démantèlement du domaine public et à l’absence de politique cohérente au niveau national…

    On est toutefois en droit de se demander si le Centre des monuments nationaux aura les moyens de ses ambitions, dans une période où les budgets ne vont guère à la culture, encore moins au patrimoine. Les propos de sa présidente, Isabelle Lemesle, sonnent comme un vœu pieu : « Je me réjouis tout particulièrement des propositions qui sont faites en matière de dévolution aux collectivités locales : elles apportent des garanties importantes  et prennent toute  la mesure de l’enjeu. » S’il ne parvient pas à faire entériner ces dix mesures de précaution, ne verrons-nous pas d’ici quelques années tel parc, cédé indépendamment du château qu’il mettait en valeur, se couvrir de pavillons Kaufmann and Broad autour d’un golf émergeant sous les jets d’eau brumisée, ou tels communs, plus vendables que la vieille bâtisse aux toitures inquiétantes, vendus en effet pour alléger la charge de l’ensemble ?  Il y a loin du projet touristique doté de son flux d’estivants,  censés revitaliser un territoire, à la gestion économique et équilibrée d’un projet réfléchi, qui devrait offrir un mieux culturel et social, aussi bien aux éventuels touristes qu’aux populations locales, et cela dans la durée.

    Les collectivités territoriales seront peut-être moins enclines à acheter, même pour « pas cher », qu’il n’y paraît. Les transferts de charges de l’état aux régions sont passées par là. Là aussi les caisses sont plus ou moins vides…

    Il existe encore beaucoup de châteaux, qui ne sont pas propriété publique. Avis aux amateurs argentés : un échantillon sur le site de ce professionnel, où nous avons trouvé ce château du XVIIIe s. , situé en Gironde.

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  • La loi et le patrimoine -1-

    Patrimoine

    Toujours dans le cadre des lectures d’été guidées par le hasard, nous voici à jeter un regard intéressé mais inquiet à l’article 52 de la loi de finances de 2010. Elle concerne le patrimoine, qui a été au cœur de toutes nos actions pour la sauvegarde du Louxor.

    C’était à l’occasion d’un vote du Sénat en première lecture en novembre 2009 que la presse s’était fait l’écho de l’article en question. De quoi s’agit-il ? De brader le patrimoine national, s’exclament certains, de redonner la priorité à une gestion locale et de proximité en transférant la propriété des biens nationaux aux collectivités territoriales qui en feront la demande, plaident les autres.

    Il semble que la tentative de Jean-Jacques Aillagon en 2003 d’ouvrir une voie au transfert des monuments historiques, protégés par une inscription nationale, aux collectivités locales n’ait pas été assez bien comprise, ou appréciée (loi du 13 août 2004). Le résultat est que la liste des 176 monuments nationaux déclarés aptes à devenir la propriété des communes ou des régions, ne s’est réduite que de moitié environ. L’actuel gouvernement a donc décidé d’aller plus loin, malgré les protestations des protecteurs du patrimoine, et d’alléger les contraintes qui encadraient ces cessions.

    Que représente l’abandon de ces contraintes ?

    Contrairement à celle de 2004, la loi, votée à l’Assemblée nationale, autorisait désormais le transfert partiel des monuments historiques propriétés de l’état, ainsi que des parties mobilières de ceux-ci. Au Sénat, une intervention de Jack Ralite permettait toutefois l’adoption d’un amendement maintenant l’obligation de conserver le bien dans son intégralité : on échappe ainsi au démantèlement prévisible. En revanche, les sénateurs ont repoussé l’interdiction, objet d’un autre amendement, de vendre à un privé la propriété acquise. Avant une éventuelle revente, seul est imposé un délai de vingt ans, pendant lequel le ministère de la Culture doit être consulté. Une définition bien floue, et donc un garde-fou bien aléatoire, quand le gouvernement cherche à se défaire de ses charges, les caisses vides dictant leur loi. De manière triviale, on pourrait dire que l’Etat vend les bijoux de famille. Cela ressemble à L’affaire Saint Fiacre de Simenon.

    Il n’y a plus de catalogue. Plus de liste limitée à un certain nombre de biens. Non. Tous sont logés à la même enseigne, soit 1750 monuments nationaux d’après La Croix du 29 novembre 2009. Un exemple ? La forteresse de Salses est, parait-il, convoitée par le président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon...

    Le débat au Sénat aura toutefois permis de revenir sur la décision ultime octroyée au préfet. C’est finalement le ministre de la Culture qui donnera un accord définitif de cession, lui qui n’avait pas été choqué par la méthode…


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    Un site contemporain du Louxor dans le 13e arrondissment de Paris : la piscine de la Butte aux Cailles, construite entre 1922 et 1924, est classée à l'inventaire  des Monuments historiques, depuis 1990.