Sous la plume de
Barbès (XVIIIe arrondissement) est le plus ancien quartier cosmopolite de Paris et l’un des plus précaires. Virginie Milliot, sociologue, s’est demandé si ce n’était pas aussi «un laboratoire du pluralisme», titre de son rapport. Elle a traîné dans la rue, observé les passants et constaté que ces espaces où tous se croisent fonctionnaient comme «un creuset de la formation des mentalités citadines et citoyennes».
«Discours enchanté». Dans ce quartier pauvre, où l’on trouve aussi bien un «dépaysement», une «atmosphère dans laquelle on baigne» que des ventes de cigarettes de contrebande à ciel ouvert (et, plus discrètement, de drogue), la cohabitation des populations est une pratique délicate qui se fabrique sur le terrain. Il y a de plus en plus de classes moyennes ou supérieures. Parmi elles, deux groupes. D’abord, ceux qui défendent le village exotique, multiculturel. «Le discours enchanté», résume la sociologue. Souvent arrivés dans les années 80, ils se sont parfois engagés dans l’associatif, voire la politique. Le constat des inégalités leur donnait envie d’agir. A l’opposé se trouvent les habitants qui exacerbent les problèmes sociaux, «ici plus visibles qu’ailleurs». Ils sont plutôt arrivés vers les années 2000, ont eu une réaction de rejet, se sont constitués en association exigeant le «droit au calme». L’occupation de la rue par les trafiquants ou ceux qui y traînent les insupporte. «Ces nouveaux propriétaires visent à délégitimer des activités informelles et des modes d’occupation de la rue qui caractérisent ce quartier depuis des décennies», constate la sociologue.
De fait, à Barbès, la rue est particulière. Il s’y passe toujours quelque chose et tout le monde s’en mêle. Le «pacte d’anonymat», cette sorte de distance entre les passants, n’a pas cours. Assise sur un banc, Virginie Milliot est abordée, prise à témoin et même embringuée dans un contrôle de police qui tourne mal. Pour elle, l’opposition présente dans d’autres quartiers mixtes joue à plein à Barbès : «La rue pour les classes populaires est un espace où l’on vit alors qu’elle est avant tout pour les classes moyennes un espace que l’on traverse.»
«Parfaits inconnus». Barbès s’embourgeoise, mais bien plus lentement que les autres quartiers parisiens. C’est «une gentryfication hésitante». En tout cas, «ce quartier joue un rôle d’espace formateur du citadin», écrit Virginie Milliot. Pour la chercheuse, Barbès «délimite un morceau de ville» différent des cités de périphérie parce que «la pluralité se rencontre sur un mode non conflictuel dans un espace public». En clair, on se retrouve, comme elle l’écrit, «à parler avec de parfaits inconnus». Barbès ne ressemble pas au reste de Paris. Pour combien de temps encore ?
Paris se cherche, titre encore le journal...
En effet, ce rapport fait partie d'un programme de recherches "Paris 2030" qui existe depuis sept ans et a permis de fournir aux gestionnaires et politiques parisiens des travaux sur des thèmes aussi variés que "l'Utilisation de l'espace par le pigeon urbain" ou "Le travail indépendant à Paris et son avenir".
Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris chargé de l'université et de la recherche, plaide pour ce programme qui certes coûte à la ville - n'était-ce pas toutefois une promesse de campagne du candidat Delanoé en 2008 d'aider la recherche et les chercheurs ? - mais accroit indéniablement son attractivité auprès des chercheurs étrangers, que les villes d'importance mondiale tentent de séduire avec chacune leurs atouts propres.
Pour en savoir plus sur le colloque qui a eu lieu hier à l'Hôtel de ville, ses lauréats, ses ambitions, visitez cette page riche de nombreux liens vers les lauréats des années précédentes et les rapports accessibles en ligne (comme par exemple celui-ci : le rapport Depaule sur les quartiers de Paris, dont la Goutte d'Or...)
Commentaires
Barbès quartier précaire? Quelles limites pour ce quartier?. On a tendance à penser au quartier de la Goutte d'or et donc à le réduire au seul côté 18ème. Barbès, c'est aussi le boulevard de la chapelle côté 10ème avec l'hôpital Lariboisière, le haut du Fg Poissonnière et du boulevard de Magenta, Tati et le boulevard de Rochechouart. Point central : la station de métro. Un habitat haussmannien sur les boulevards, une population pas si précaire en majorité. Parle-ton de la précarité des habitants ou des passants?
Quelques phrases prêtent à sourire " et plus discrètement de drogue". Quand on habite le quartier, impossible de ne rien voir. Les transactions se font au grand jour près du kiosque à journaux, dans le haut du boulevard de Magenta, boulevard Barbès, rue Patin et rue Paré. Secret de polichinelle.
"activités informelles" ? illicites aussi
"espace formateur du citadin" je confirme. Mais le citadin rêve parfois légitimement d'un espace différent!